22 avril, Vólos.
Au fond du golfe Pagasétique, une baie balafrée par un long mur d’immeubles. La ville de Vólos, une préfecture où vivent environ cent mille âmes ; un trait d’union entre la mer et les montagnes ; une topographie contrariante, un piège pour les masses d’air qui sont retenues prisonnières par les versants du mont Pélion. Aujourd’hui, le ciel est clair en apparence, mais Georgia nous certifie que c’est un leurre. Dans son cabinet, la fenêtre est d’ailleurs fermée ; c’est que la pollution stagne au-dessus de Vólos, invisible, enveloppante. Ici, beaucoup d’habitants sont affectés par des pathologies respiratoires ; les enfants souffrent d’asthme, et moi-même, je ne suis pas dans la forme de ma vie. Mais d’où vient cet air nocif dans une ville aussi petite ? Alors qu’elle me fiche un tuyau dans la bouche afin de mesurer mon souffle, Georgia m’explique que cela vient de la cimenterie que nous avons croisée sur la route, à quelques encablures de Vólos. Furoncle immonde sur la face rayonnante du Pélion ; dégueulasserie française au demeurant, puisque l’usine appartient à l’entreprise Lafarge. Depuis plusieurs années, cette usine brûle en toute légalité des milliers de tonnes de déchets, dont d’énormes quantités de plastique et de métaux lourds, afin de servir de combustible à la production du ciment. Georgia voudrait me préciser le nom de chacun des polluants qui vicient l’air de la ville, mais elle ne sait pas le dire en anglais. « Something like crap ? » Exactement, un bon crottin de civilisation posé là sans vergogne, une chiasse aux effluves méphistophéliques, une haleine infernale barrée par le gros massif du Pélion… Bienvenue en enfer.
L’examen terminé, Georgia me prescrit de la cortisone en spray. Un aérosol comme je les aime, avec un compteur de doses, quasiment le même que celui que je prenais à Paris. Les villes changent, la pollution demeure… Au vu des résultats, Georgia n’est guère inquiète, elle me dit que tout s’arrangera dès que Marie et moi serons dans le sud du Pélion, dans ce village à l’air propre où nous allons du reste effectuer notre prochain woofing. Lorsque je sors mon porte-monnaie, Georgia me fait signe de la main, de la façon la plus sincère qui soit, puis me dit pudiquement, spontanément, dans un élan du cœur : « Please, this is my gift. »
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