22 mai, Brașov.
Les banlieues des grandes villes roumaines foisonnent de magasins Lidl ; toiles d’araignée dans lesquelles on se prend régulièrement, faute d’alternative. Au fond de ces supermarchés qui se ressemblent tous, un long rayon de vêtements se place en travers du chemin pour quiconque essaie de passer des légumes aux produits frais. Ces vêtements d’été nous font chaque fois de l’œil avec leurs prix ridiculement bas, mais nous savons faire notre pas de côté pour ne pas tomber dans ce piège.
Mais ce jour-ci, Marie n’effectue pas son habituelle roulade latérale et nous déniche une jolie robe en moins de rien. Emballé, je lui dis de la prendre, elle hésite – il n’y a pas de cabine d’essayage – et regarde où c’est fabriqué. Rien sur l’étiquette. À mon tour, j’examine l’envers de la robe et découvre en tout petit made in Bengladesh. Mais je m’abstiens de le dire, trop occupé par l’envoûtante image de Marie portant cette jolie robe à fleurs et déambulant sur les prochaines plages de notre voyage. Poussant le vice un peu plus loin, je soumets l’idée que la robe ait été fabriquée en Turquie, ou même en Roumanie. Et pourquoi pas ? Marie fait la moue, caresse le tissu, joue avec le cordon, plaque la robe sur son buste, avant d’esquisser un demi-sourire. « Allez, je la prends ».
Le soir même, alors que nous avons décidé de manger dans un restaurant de Brașov, Marie enfile la robe, et je ne peux que me féliciter de ce mensonge : elle est magnifique. Une simple robe, et tous vos idéaux se dérobent.
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