Le temps est à la poussière aujourd’hui. D’ailleurs, sur mon application météo, il est marqué « Poussière ». Impossible d’ouvrir en grand les yeux. Est-ce pour cela que les gens du coin semblent venir tout droit des steppes d’Asie centrale ? La ville d’Elista est peuplée de Kalmouks, une peuplade nomade d’origine mongole et de confession bouddhique, établie dans la région de la mer Caspienne depuis plusieurs centaines d’années. Cet endroit doit ressembler aux terres de leurs ancêtres, puisque Elista niche au milieu d’un désert de steppes. Autrefois, il paraît qu’on y parlait mongol. Staline est passé par là pour russifier ce territoire, à sa manière, en déportant massivement les Kalmouks. Aujourd’hui, les yourtes ont été supplantées par une architecture très soviétique, avec des barres d’immeubles un peu décrépies. Gris du béton, gris des nuages, gris de la sédentarité. Le plan de la ville est lui très américain. Rectiligne. En damier. Des rues tendues qui mènent à la place Lénine, où l’on trouve pêle-mêle une statue du père de la révolution d’octobre, une grande pagode bouddhiste ainsi qu’un échiquier géant. Le roi, la reine, les pions. Deux joueurs s’affrontent, et les badauds regardent – comme un peu partout dans la ville, édifiée semble-t-il à la gloire des jeux d’échecs. Toute l’histoire d’Elista tient dans cette agora singulière qu’éclairent des lampadaires ornés de petits bouddhas fantaisistes. La Kalmoukie : poche bouddhiste avant la toute-puissante orthodoxie du nord.

Passée la porte d’or et ses jolis toits recourbés, la route est plus médiocre et se délite en un chemin de sable. Avant de garer le fourgon, nous roulons sur un dos d’âne éminemment dodu. Un dos de chameau. Le soir, au restaurant, le serveur nous proposera justement de la viande de chameau, l’une des spécialités kalmoukes. Marie dit niet, je dis d'accord.