14 septembre, Varsovie
Remarque entendue cette après-midi dans la bouche d’une vieille dame polonaise aux cheveux teints en rose, avec qui nous discutons à la terrasse d’un café, non loin des remparts de la capitale : « À Paris, vous avez beaucoup de Noirs ! » Nous hochons de la tête, en ajoutant qu’il y a également beaucoup de Juifs, d’Arabes et de Chinois. D’un air maniéré, elle pose sa main devant sa bouche et pousse un petit cri. C’est vrai que la Pologne ignore la diversité culturelle, et que Paris n’est que diversité.
Étrange question que celle de la xénophobie, lorsqu’on l’éclaire avec la lumière – ardente, aveuglante – du dérèglement climatique. Au fond, je me demande si l’Europe, à terme, ne va pas doucement se noircir. Car au-delà même des inévitables flux migratoires à venir, nos peaux fragiles vont devoir impérativement s’adapter face à l’exposition de plus en plus fréquente aux rayons du soleil. Les peaux claires auront tendance à disparaître ; au contraire, les peaux mates ou très foncées continueront à se multiplier. Je me souviens de la leçon darwinienne professée par Miroslav, en Russie. Et s’il est vrai que les variations génétiques perdurent en raison de l’avantage et de l’utilité qu’elles procurent à leurs porteurs dans un milieu donné ; s’il est vrai que, par le biais de la descendance, l’hérédité solidifie ces variations et contribue au succès d’une espèce ; alors seuls les individus les mieux armés face au réchauffement du climat pourront survivre et se reproduire. Or, quoi de plus adapté qu’une peau sombre afin d’affronter cet environnement surchauffé que les scientifiques annoncent ?
J’en prends le pari : le noir, un jour lointain, sera la couleur la plus répandue. Ce qui n’empêchera d’ailleurs pas le racisme, inventif au plus triste degré, de se manifester par un autre biais plus retors. Les personnes aux cheveux roses ont de quoi s’inquiéter – me dit Marie pour plaisanter.
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