3 novembre, Réserve d’Oostvaardersplassen

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Il faut se lever tôt pour revenir au temps de la Préhistoire. À sept heures, nous voilà partis sur le terrain, comme disent les plus sérieux archéologues. Accroupis, l’air inspiré, reniflant la terre en quête d’une présence animale, attendant les premiers feux du soleil à l’horizon, nous nous prenons très au sérieux. L’objet de notre exploration : les Konik, plus proches descendants du cheval primitif sauvage, le Tarpan, que l’on peut voir artistement peint dans les grottes de Lascaux.

Nous progressons dans la réserve naturelle. Aucun humain, très peu de non-humains. Les heures passent, et nous ne trouvons pas nos chevaux. Nous retrouvons le bec dans l’eau. La zone est humide, et mes yeux ne le seront pas. Mais la ballade est charmante, au milieu des roselières, et se suffit bien à elle-même. Et c’est lorsqu’on se défait de ses attentes, lorsqu’on accueille avec simplicité le réel, que le miracle arrive enfin, décuplé. C’est ainsi qu’à la sortie d’un virage, à la lisière du polder, apparaît d’un train pépère le troupeau de chevaux, semblant venir du bout du monde, du bout des âges, solide, infatigable, et dont la parenté se cabrait fougueusement devant l’homme de Cro-Magnon. Les Konik sont trapus, rebondis, loin des standards des chevaux de course, avec un court museau panaché d’une longue crinière en bataille. Leur robe est grise, de la couleur d’une souris, décorée de zébrures au niveau des jambes. Leur généalogie préhistorique est remarquable, et plus remarquable encore est la taille de leur engin. Un indéniable avantage darwinien qui les aurait conduit tout droit jusqu’à nous. J’ajouterais que ces chevaux, domestiqués par l’homme, ont pourtant l’allure foutrement sauvage, et même un peu canaille – et si je devais me figurer le portrait d’un bad boy équin, le Konik aurait certainement mes faveurs. Perchés sur le dos puissant de ces mauvais garçons, des étourneaux picorent de la vermine ; leur plumage, orné de points blancs, se pare au soleil de beaux reflets métalliques.

Il faut rentrer. Sur le chemin du retour, voyant passer des oies sauvages, Marie se met à fredonner la chanson du Chasseur de Michel Delpech. Les oies s’en vont vers le midi (la Méditerranée). Formation serrée, en file indienne, comme une lance acérée. Ça ne me dit rien qui vaille. Je repense aux oies de Dörte et Jens, agressives à souhait tandis que nous les nourrissions si généreusement. Comme je souffre encore (mon pauvre dos) d’avoir nettoyé leur merde, je lève mon poing rageur en les sommant de déguerpir de mon ciel ; aussi ne puis-je m’empêcher de ressentir une pointe de compassion pour elles, même elles, alors que Marie chante la chanson du Chasseur qui, avec son fusil dans les mains, se sent au fond de lui un peu coupable, et finit par partir en promenade avec son épagneul en regardant passer les oies sauvages.

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