12 novembre, Rijnsburg
Aujourd’hui, nous foulons le carrelage ocré de la vieille demeure en briques où vivait Baruch Spinoza, le célèbre philosophe. Au fond, dans une pièce minuscule, on peut voir une machine en bois sur laquelle il aurait travaillé, en tant que polisseur de verre pour lunettes (un fort beau métier pour un philosophe). Est également exposé, dans son salon, le sceau qu’utilisait Spinoza pour cacheter dûment ses lettres. Dessinée sur ce sceau, une rose fait référence aux origines portugaises de la famille du philosophe – Espinosa signifie l’épineux en portugais. Dessous la rose, on peut lire en latin Caute – ce qui veut dire prudent, précautionneux. Doit-on en déduire que ces lettres scellées par Spinoza renfermaient des problèmes épineux dont les solutions réclamaient prudence et précaution ? D’après notre guide, ce cachet scelle en miniature l’immense pensée spinoziste. « Tout ce qui est beau est difficile autant que rare », ajoute-t-elle en reprenant la fameuse formule qui clôt L’Éthique.
Être spinoziste : affectionner le sentiment océanique. Se confondre à l’infini, tout en ayant le corps fini. Chercher la dilution de soi dans le tout. Deviner que ce tout procède effectivement de la même substance, et s’émouvoir à cette idée. Dieu – la Vie – se niche en toute chose, en tout être, il est chair et flamme, esprit et matière, intérieur au monde. Conception que l’on nomme immanence, par opposition au principe transcendantal du Dieu monothéiste, extérieur au monde qu’il aurait créé. Le déploiement de soi vers la Vie porte au plus haut degré le respect qui lui est dû. Cet arbre est animé d’un souffle identique au mien, protégeons-le, laissons-le « persévérer dans son être ». Oui, la vitalité n’a pas de bornes et ne souffre d’aucune exception. C’est ainsi, par cette éthique émancipatrice, que les habitants de la terre pourront ressentir une joie plus profonde et plus durable, et fortifieront leurs innombrables vertus.
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