Cylindres - 2 -
II
La descente
(Je préconise l’écoute de ceci https://youtu.be/0EMQXN3NY98
ou cela https://youtu.be/V3w3dvnvBsU
pendant la lecture de ce chapitre)(voir en zone commentaires)
La cabine fut donc refermée comme elle s’était ouverte, ai-je supposé, et nous emportait à la verticale, dans une sensation à peine perceptible de rapidité.
C’est tout juste si l’on se rend compte de la descente.
Le bleu pâle électrique, inondant l’intérieur de l’ascenseur, forme un voile qui assigne le regard à l’enclos, ne laissant strictement rien voir de, pas même deviner, ce qui se passe de l’autre côté de ses parois pourtant limpides, du moins à la surface. Quant à voir d’où émane la lumière : autre mystère…
Karly saisit mon questionnement mental au vif, elle m‘explique :
— Rien d’étonnant en cela, Keellian... – Le sourire qui ponctue chacune de ses phrases est définitivement d’un ravissement rassurant – … il s’agit d’un éclairage volontairement occultant, produit par la cloison que le transporteur est en cours de longer. Sans rail, je précise. Son faciès s’illumine d’un amusement qui me dévisage avec tendresse. Elle sait sûrement qu’elle vient de répondre à ma seconde question, émergeant du mot ‘’cloison’’. Elle ajoute et conclut : la cabine est portée par un système d’air comprimé, mis en mouvement, qui la propulse sans fragilités entre les deux cloisons encerclant le grand tube. Le vertige engendré par la vitesse de notre progression serait difficilement supportable à des sens ordinaires, et assez troublant pour les nôtres. Nous serions pris d’un chancellement qui pourrait mettre à mal notre équilibre et toi te faire tomber. Question de confort.
La crispation, qui ne m’avait pas quitté depuis l’atterrissage, se relâche enfin de mon corps, j’expire et je me détends intérieurement. Ce qui a le don de relancer la gentille espièglerie au visage de ma guide.
— Que fait Eroan ? J’interroge, le voyant ne pas cesser de faire face à l’un des pans de notre habitacle, qui n’affiche rien, une main posée à plat dessus.
— Encore une question pertinente, Keellian... – elle me gratifie d’un clin d’œil, – … il lit une série de projections holographiques, des formes géométriques, colorées ou pas, accompagnées de données diverses qui l’informent sur l’état des structures et donnent les dernières actualités, de l’endroit que tu vas découvrir quand nous serons rendus. Ceci t’est invisible, puisque inutile, ainsi qu’à moi, sauf si je me place comme lui pour les consulter. L’une des caractéristiques de ce matériau que tu prends pour du verre et n’en est pas vraiment, permettant l’activation des journaux hologrammatiques.
Karly a décidément le talent pour satisfaire à toutes mes curiosités. Elle répond non seulement à mes interrogations verbales et mentales, aussi à celles qui me viennent pendant ses commentaires. Elle semble disposée à me laisser avec le moins de doutes et d’énigmes possible et, franchement, cette évidence termine de me tranquilliser.
Je regarde le cercle incrusté dans le plancher d’un opaque laiteux, qui nous sépare, elle dit :
— Là-dessous, un autre habitacle est suspendu au nôtre, cet accès permet d’y faire transiter un ou plusieurs de ceux que nous amenons au, ou libérons du cylindre. Bien que Eroan soit parfaitement en mesure de neutraliser toute attitude agitée, abusive, hostile, violente ou autre, cette cellule d’isolement est d’un pratique apprécié en divers circonstances ou pour certains cas.
Elle observe ma réaction – rien d’autre qu’une moue d’inquiétude mal masquée. Elle rit.
— Ne sois plus inquiété, Keellian. Nous avons en notre compagnie l’un des plus habiles gardes-du-corps de Sédonia. Eroan n’est pas seulement coutumier de la self-défense et la maîtrise de soi en général, donc des autres en cas de nécessité, comme cela est des gardiens de la paix et des militaires de ton monde de provenance. Ses facultés psychiques en fait une arme de protection quasiment infranchissable. Où nous allons, tu n’auras rien à craindre de personne. Sans compter que les agressions sur visiteurs sont plus que rares. Même si un venait à te vouloir du mal dans son dos, je possède ces identiques facultés, quoiqu’à un degré moindre, très suffisantes à t’assurer une intégrité sans péril et je veille au grain. Sois-en assuré.
Son sourire angélique redoublé ne laisse aucune place au doute. Eroan retire soudain sa main, se retourne vers Karly et leurs faciès échangent un face à face muet, probablement un dialogue.
— Eroan me dit que tout va bien et la cellule que nous pourrons visiter est prévenue de notre arrivée imminente. Dorénavant, je me tiens à tes côtés en tout instant et notre garde nous précèdera partout. Il détient l’intégralité des accès et connaît chaque résident aussi bien que moi. Suis-le sagement, arrêtes-toi où il stoppe ses pas et plies-toi à chacune de nos directives. De la sorte, tout se passera sans incident aucun, je tiens à te le certifier. Nous arrivons, Keellian. Fermes tes paupières une seconde ou deux avant de sortir, cela acclimatera ta vue instantanément à l’ambiance tamisée du souterrain.
L’ascenseur s’immobilise, sans l’once d’un soubresaut, dans un léger souffle caractéristique de l’arrêt et du démarrage. La lueur s’abaisse, la paroi amovible se rétracte, une caverne sombre apparaît, je ferme les yeux, les rouvre et emboîte le pas d’Eroan qui m’attend en me faisant face.
À suivre
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