Chapitre 14

9 minutes de lecture

¬ Ah oui effectivement ça ressemble à un plan de secours.

Meera était toujours aussi sarcastique mais on sentait que pour une fois, elle était bien contente de s'être trompée. Quant à Idri, il ne se demandait même plus comment Yssim était au courant de tout ça et fut juste soulagé de voir l'existence d'une porte de sortie. Mais Meera fut la première à voir le problème:

¬ Yssim, comment ouvre-t-on la trappe, il faut une clé.

Yssim se trouvait près de la librairie du roi, où était rangée une colonne de livres:

¬ Oui une seconde, j'ai besoin d’Idri.

Idri leva un sourcil, à part user de ses bras pour ouvrir la trappe de force, il ne voyait pas en quoi il pouvait être utile.

¬ Idri, quelle ceinture n'a pas de boucle ?

Idri répondit sans réfléchir:

¬ La ceinture d’Orion, mais je ne vois pas en quoi cela va nous être utile.

Meera le regarda, dubitative. Et Yssim se mit à réciter son alphabet en partant du bas de l'étagère et attrapa un livre une fois arrivé à la lettre O. Dans le livre se trouvait une clé.

¬ Je savais que cette entrée existait mais je ne savais pas où était la clé. Ibrahim ne voulait pas que je puisse partir sans toi s'il lui arrivait quelque chose et il m'a juste transmis un indice que toi seul pourrait décoder.

La porte grondait toujours sous l'assaut des gardes et commença à faire un bruit plutôt inquiétant.

¬ Dépêchez-vous, les pressa Yssim, il ne leur faudra pas longtemps pour enfoncer la porte.

Yssim actionna la clé et souleva la trappe désormais ouverte ou un escalier s'enfonçait dans les pierres du palais. Meera et Idri se faufilent dans le petit passage tandis qu’Yssim fermait la marche, refermant soigneusement la trappe de l'intérieur pour couvrir leur passage. Vu l'épaisseur de la dalle en béton, ils pouvaient toujours s'amuser à essayer de forcer l'entrée ! Une fois assurés que la porte les protégerait, ils se retournèrent pour emprunter le passage secret.

L'escalier était étroit et descendait de manière assez abrupte. Ils descendirent les marches lentement au début, afin de ne pas trahir leur présence cachée, mais principalement surtout pour ne pas trébucher sur les marches escarpées ou on ne voyait goutte. Au bout d'un moment, quand leurs yeux se furent adaptés à l'obscurité, ils purent accélérer un peu le mouvement. Puis la longue descente s'arrêta et ils atterrirent dans un couloir sombre qui bifurquait sur la droite. Ils s'arrêtèrent un moment, tendant l'oreille pour guetter le moindre bruit qui pourrait signifier que leurs poursuivants les avaient découverts. À leur grand soulagement, le silence régnait. Ils purent alors se concentrer sur leur nouvel environnement.

Ils étaient arrivés dans une sorte de galerie dont les parois lisses pouvaient que l'homme n'était pas intervenu. Idri toucha la roche et en conclut qu’il s'agissait probablement d'une ancienne coulée de lave qui s'était naturellement frayée un chemin dans les profondeurs de la terre. Idri ignorait totalement que le palais avait été construit sur un ancien site du volcan. Cela était tout de même étrange car le volcan était très éloigné du palais, c'était initialement l'intérêt de choisir cet emplacement pour sa construction. Cela pouvait aussi signifier soit que l'île avait beaucoup bougé au cours des dernières décennies, soit qu’il existait auparavant un volcan qui désormais était éteint. Les questions d'Idri resteraient probablement sans réponse, car rien dans les manuscrits qu'il avait lu jusqu'alors ne permettait de confirmer l'une ou l'autre de ses hypothèses.

Le couloir continuait de manière plus ou moins sinueuse mais ne descendait plus. La fraîcheur de l'atmosphère indiquait à Idri qu'ils étaient finalement descendus assez bas. C'était incroyable que son père ait gardé ce secret toutes ces années. Idri grimaça à l'idée qu'il ait pu en garder beaucoup d'autres. Après le choc de la mort de son père, les accusations, leur fuite express, Idri avait refoulé toutes ses émotions pour se concentrer sur le plus important, protéger sa propre existence, et, le calme revenu, il sentait que tout était en train de remonter à la surface. Non, pas maintenant, ils n'étaient pas encore sortis d'affaire.

¬ Et maintenant où allons nous ?” demanda-t-il afin d’arrêter de se concentrer sur le passé.

¬ Suivons le chemin, répondit Yssim d'un ton pragmatique.

Idri était un peu agacé, Yssim avait la fâcheuse manie de donner des directives sans donner de plus amples explications. Il était temps de clarifier certaines choses. Après tout, il ne savait pas réellement jusqu'à quel point il pouvait lui faire confiance.

¬ Oui, mais est ce que tu sais où nous allons ? Est ce que nous n'allons pas nous retrouver encore plus près du danger? 

Yssim se retourna, et pour la première fois, Idri vit une pointe d’agacement sur le visage de l'ange d'ordinaire si stoïque :

¬ Ecoute idri, on a paré au plus pressé pour faire face à l'urgence. Ibrahim m'a ordonné de suivre ses instructions en cas de danger, donc je les ai suivies quand le moment s'y prêtait. Il a dit que ce chemin mènerait à l'extérieur du palais.

Idri ne se démonte pas et insista:

¬ Je suis juste surpris que mon père t'aie confié tous ces secrets alors qu'il ne m'en avait jamais parlé. Idri marqua un temps: Après tout, nous ne savons pas grand chose de toi.

Yssim commença lui aussi a monter dans les tours:

¬ Ton père t’a trop protégé, je lui ai dit que ce n'était pas ce que ma mère aurait voulu mais il était aussi borné que toi ! Ça doit être un truc d’humain ça!

Idri prit une grande respiration, il était à fleur de peau, certes, mais ce n'était pas une raison pour se disputer avec Yssim, même s'il mourrait d'envie de se laisser aller à sa colère et se défouler sur lui. Il prit sur lui, passa sous silence la demi insulte et se concentra sur l'autre information consentie par Yssim:

¬ Ta mère connaissait mon père ? demanda t il intrigué et d'un ton plus enclin au calme.

Yssim, fort heureusement, suivit lui aussi la voie de l'apaisement:

¬ Oui, ma mère a fait partie de la révolte des anges et s'est enfuie lorsque les anges ont été réduits en esclavage par les hommes. Ton père l’a aidée à s'enfuir, et en échange, lorsque j'ai atteint l'âge nécessaire, ma mère m'a envoyé pour l'aider. Ils savaient qu'il allait avoir besoin de soutien lorsque le moment serait venu et que son pouvoir serait remis en question.

¬ Comment se fait-il que le roi ait laissé les hommes réduire les anges en esclavage ? intervient Meera.

¬ Au début, les deux peuples ont essayé de vivre en harmonie, mais ça n'a pas marché. L'un devait prendre le pas sur l'autre, et nous avons perdu. Quand le roi a trouvé la larme dorée, il a fait l'erreur de dire qu'un ange la lui avait donnée, et cela n'a fait qu'empirer les choses. Jahro et les autres conseillers ont voulu nous torturer pour nous faire dire où on trouvait de l'or. Si le roi Ibrahim n'avait pas fait interdire les tortures, je pense que nous serions tous morts à présent. Car la vérité c'est que personne, à part ta mère, Idri, ne sait comment fabriquer des larmes dorées.

Idri avala douloureusement sa salive. Le fait d'avoir perdu le seul parent qu'il connaissait et appris que le deuxième qu'il croyait mort était vivant, était extrêmement perturbant.

¬ Nous devons la retrouver, elle saura quoi faire.

¬ Tu connais ma mère ? Comment est-elle ?.. ajouta-t-il, un peu hésitant.

¬ Oui, je connais ta mère, répondit laconiquement Yssim, mais je ne peux pas t'en dire plus, tu sauras quand tu la verras.

Idri baissa la tête, déçu. Ils avaient pourtant récolté beaucoup plus d'informations que ce qu'il aurait pensé, Yssim ayant été pour une fois plutôt bavard. Enfin, il ne leur disait évidemment que ce qu'il jugeait bon qu'ils sachent. Car Idri sentait qu’Yssim ne leur disait pas tout. Ils devraient se contenter de ça pour l'instant, et cela faisait déjà pas mal d'informations à digérer. Ils auraient le temps d'en apprendre plus pendant leur fuite. Cela faisait maintenant un long moment qu'ils marchaient, dans le noir, dans le couloir froid et humide. La galerie était très sombre et ils avançaient, précautionneusement, doucement, en suivant les parois avec leurs mains.

¬ Sais tu ou nous allons Yssim ? réitéra Meera qui commençait à trouver le temps long.

Au moins ils n'étaient pas poursuivis, ça c'était certain, tant donnée l'allure d'escargot à laquelle ils avançaient. Yssim se montra un peu évasif:

¬ Je ne suis pas sûr, je n'ai jamais emprunté cette galerie, et Ibrahim n'a pas eu le temps de me fournir tous les détails… Il m'a juste dit qu’en cas de problème, ça nous permettrait de nous enfuir sans être inquiétés.

Idri aurait dit que vu le temps depuis lequel ils marchaient, ils devaient être assez loin du palais maintenant, pourtant, il n'en aurait pas mis sa main à couper, car il supposait aussi que le manque de luminosité leur faisait perdre notion du temps. À force de marcher, leurs yeux commençaient à s'habituer à l'obscurité, et Idri commençait à voir des aspérités et des trous qui n'étaient que des impasses dans la galerie principale. Ils n'avaient heureusement pas pour le moment eu à choisir une direction, la galerie zigzaguant parfois mais ne se divisant pas. Sous leurs pieds, le sol était couvert de petits cratères, vestiges des cloques de lave qui avaient dû exister à l'époque de la formation de la galerie. De petits cailloux encombraient aussi le passage, et idri se demanda quelle pouvait être la solidité de ce genre de galeries. En tout cas, il y avait forcément un accès à l'extérieur car ils n'avaient pas de problèmes pour respirer, ce qui prouvait bien que l'air circulait dans la galerie.

Alors qu'aucune herbe ne poussait dans la galerie, ils commencèrent au bout d'un moment qui leur sembla une éternité à distinguer des reliefs sur le sol, et quand l'obscurité commença à être moins noire, à deviner des mousses et des petites herbes. Puis la galerie se mit à monter en pente raide, et ils durent fournir quelques efforts pour en arriver à bout. Pourtant, personne n'émit la moindre plainte, le voyage dans les profondeurs de la terre commençant à devenir un peu étouffant, presque claustrophobique. Idri, qui avait l'habitude des grands espaces, commençait particulièrement à ressentir la désagréable impression de l’enfermement, comme si les parois se collapsaient sur lui et rétrécissaient son espace vital. Ce ne fut d'ailleurs plus une impression, car si la pente se radoucit, le plafond se rabaissa de plus en plus, de sorte qu'ils furent bientôt tous obligés de ramper sur le sol. En rampant, la larme dorée sortit de sa cachette et il dut prêter attention à ce que la pierre dans sa poche ne s'échappe pas, et il réalisa alors qu'il avait encore beaucoup, beaucoup de choses à demander à Yssim.

Heureusement, ils n'eurent pas à jouer les vers de terre bien longtemps, puisqu'ils aperçurent bientôt la sortie, rond de lumière au bout de leur tunnel. Yssim était particulièrement embarrassé avec ses longues ailes, et Idri eut presque peur que l'ange ne parvienne pas à sortir. Finalement, c'est bien à trois qu'ils sortirent de leur tunnel, qui de l'extérieur ne ressemblait guère plus qu'à un terrier de lapin.

Idri jeta un coup d'œil aux alentours. Ils étaient en bord de falaise, face à la mer. Un peu plus loin, on voyait le palais légèrement en contrebas. Ils étaient non loin du chemin qui menait au volcan, mais de là où ils étaient, ils étaient normalement hors de portée de voix des gardes du palais. Ils se regardèrent tous trois d'un air soulagé et satisfait. Ils avaient réussi ! Il ne fallait néanmoins pas crier victoire trop tôt, car le chemin était encore long avant de pouvoir rejoindre des alliés. Et surtout, on était encore en plein milieu de la nuit, ils étaient sans lumière, sans nourriture, et sans armes. Idri allait se tourner vers Yssim pour lui demander quel était son plan pour la suite des événements, quand un puissant ricanement éclata dans le silence.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Boiscourbeau Cecile ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0