Chapitre 13
Idri était assis au pied de la porte de sa chambre, il jetait de temps en temps un œil au travers de la serrure, les gardes semblant n'être toujours pas revenus, il faisait le guet. Il se demandait ce qu’Yssim avait bien pu leur dire pour qu'ils soient absents si longtemps. Et à dire vrai, cela le stressait un peu car ils pouvaient surgir d'un moment à l'autre. Mille fois, il fut sur le point de retourner dans la pièce principale, se disant que le temps était passé et qu'il fallait que Meera lui dise sa décision, mais il renonçait toujours, de peur de la brusquer. Finalement, ce fut Meera qui vint d'elle-même devant lui. Elle avait remis le voile sur ses cheveux, et arborait un air décidé. Idri la regarda plein d'espoir, l'air de dire “Alors ? “.
¬ Je crois que tu as raison, commença Meera. Etant donné que tu es accusé, je ne suis plus en sécurité ici. Je pense que ton oncle ne fera rien à ma famille, il ne peut pas se le permettre, et même si cela me brise le cœur de partir sans leur dire au revoir, je crois qu'il le faut. Je suis certaine que tu n'as rien fait, mais il y a des choses qui ne sont pas claires. Je sais que nous n'avons pas le temps pour les explications, mais il y aura un moment où tu me les devras.
Idri fut en même temps soulagé de sa réponse et en même temps inquiet d'avoir à lui révéler tous ses secrets. Il n'avait certes rien fait mais rien ne disait que Meera serait ravie d'entendre la vérité et il redoutait énormément son jugement. Enfin, l'échéance était, pour le moment, jusqu'au moment où il ne pourrait plus reculer et serait dos au mur.
¬ Je te promets que je te donnerais plus d'explications sur ce qui s'est passé. Maintenant allons-y, Yssim nous attend.
¬ Que vient-il faire là- dedans d'ailleurs? répliqua Meera du tac au tac, reprenant instantanément son esprit critique.
¬ IIl va nous aider à nous échapper. Je connais mal Yssim, et il semble être au courant de beaucoup plus de choses que moi, mais il avait toute la confiance de mon père, donc je lui fais moi aussi confiance. En tout cas plus qu'à mon oncle.
Idri passa sous silence l'épisode bizarre d'angoisse qu'il avait eu en présence de son oncle, et sa curieuse mais sûrement plus que véridique révélation sur le fait qu’Idri était un ignorant de ce qui se passait dans son propre royaume.
¬ Bon allons-y.
Idri prit Meera par la main et prit soudain conscience qu'elle portait toujours sa robe rouge, ce qui n'était pas du plus discret.
¬ Attends, je vais te chercher quelque chose.
Il entra dans la chambre n coup de vent eet ressortit avec une cape brune.
¬ Tu devrais mettre ceci, cela attirera moins l'attention.
Meera acquiesça et enfila la cape qui était suffisamment longue pour courir la quasi totalité de sa robe, et la capuche le voile sur ses cheveux. Idri avait lui aussi caché la Larme dorée sous sa chemise, mais la froideur du flacon de verre contre sa peau lui rappelait à chaque instant quel trésor il transportait. Quant à la pierre dans sa poche, il n'avait aucune idée à quoi elle pouvait servir. Il espérait qu’Yssim pourrait lui en dire plus pour qu'il puisse enfin être un peu utile. L'adrénaline et l'urgence du moment lui faisait oublier tous ces problèmes qu'il avait refoulé au fond de lui pour ne pas s'écrouler, mais il savait que tôt ou tard, il lui faudrait faire face à tout ce qu'il venait de traverser. Quand il pensait qu'avant cette journée, sa seule angoisse était d'épouser une fille, cela le faisait doucement rigoler.
Ils entrebaillerent discrètement la porte pour vérifier si la voie était libre. Toujours pas de gardes postés juste devant la porte d’Yssim. Par contre, les gardes devant les portes de la salle du trône devaient toujours être là. Oui, Idri les voyait dans l'angle gauche et l'angle droit de la porte. Comme leur rôle était de ne pas bouger des portes quoi qu'il passe, il doutait que ceux-là interviennent même si l'alarme avait été donnée. Ils pouvaient cependant alerter les autres s'ils les voyaient, il valait donc mieux être précautionneux. Le grand escalier, qui était la seule issue possible à l'étage, se trouvait sur leur gauche, et semblait pour le moment être désert, mais pour l'atteindre, il leur faudrait passer juste sous le nez des gardes. En rampant peut-être ?
¬ Et ou Yssim est il censé nous attendre ? chuchota Meera.
¬ Je ne sais pas… En bas…
Idri commençait à se sentir de plus en plus mal à l'aise, il avait dit à Meera qu'il faisait confiance à Yssim, mais ce n'était pas tout à fait vrai, il n'avait surtout pas le choix. En d'autres circonstances, il n'était pas sûr qu'il lui aurait accordé autant de crédit. Et si c'était un piège ? Non, ça ne pouvait pas être le cas, Yssim était un ange, et il savait ce que son oncle pensait de son espèce, il ne pouvait décemment pas être de son côté. Ils continuaient à guetter l'arrivée d’Yssim par la légère ouverture de la porte quand un bruit provenant de la porte leur firent tourner la tête: quelqu'un était dans la chambre ! Le cœur battant, ils attendirent que leur visiteur montre son nez, ils n'avaient même pas de dernier recoin où se cacher.
¬ Hé, venez par là.
C'était Yssim.
¬ Mais par où es tu passé ? Demanda Idri, soulagé.
¬ Par les balcons, bien sûr, tu ne comptais tout de même pas passer par l'entrée principale ?
Idri fut tout penaud de n'y avoir pas pensé. Il allait décidément falloir qu'il apprenne à contourner les règles s'il ne voulait pas finir au fond d'un cachot… Voire pire…
¬ Dépêchez vous j'ai installé une corde sur le balcon de la bibliothèque, il faut qu'on l’atteigne avant qu'ils ne se rendent compte qu'on va l'utiliser pour s'échapper.
Passer par les balcons était plutôt une bonne idée. Sur le principe. Les balcons étant assez éloignés, cela allait nécessiter un peu de voltige.
¬ Je nous aurais bien transporté à tire d'aile mais je n'ai pas encore réussi à me débarrasser de ça, dit yssim en montrant ses ailes toujours solidement cadenassées. Pourtant ce n'est pas faute d'avoir cherché, mais impossible de mettre la main sur les clés de ma liberté. Le roi Ibrahim emportera ce secret dans sa tombe. Du coup ce sera la corde.
Ils étaient tous les trois sur le balcon, et cette fois-ci, il n'était plus question d'admirer le paysage mais d'estimer la distance qui les séparait du balcon de la bibliothèque. Et c'était plutôt… Vertigineux. On voyait en contrebas la terrasse, où la fête était désormais belle et bien finie et avait fait place à une armada de gardes prêts à les accueillir de pied ferme. Effectivement, ils auraient été piégés en passant par l'entrée principale. Ils étaient assez loin pour ne pas être directement dans leur viseur, mais il suffirait que l'un d'eux regarde attentivement dans la bonne direction pour apercevoir les fugitifs. Il s'agissait donc d'être quand même un peu discret. Sur leur gauche, il y avait le balcon de la bibliothèque, qui donnait sur le chemin menant au volcan.
Yssim déroula la corde qu'il avait enroulée autour de son épaule, fit un nœud coulant et visa l’énorme pot de fleurs qui décorait le balcon d'en face. L'objet devait être suffisamment lourd pour supporter le poids d'une personne à la fois. Yssim se lança le premier et se balança jusqu'au balcon en amortissant le choc avec ses pieds, puis il se tracta jusqu'en haut de la balustrade et passa sur la terrasse. Il se détacha ensuite de la corde et la leur lança. Idri receptionna la corde et le roula autour de la taille de Meera. Meera blêmit :
¬ C'est comme ça qu'on s'échappe ? Je ne suis pas sûre d'être capable de faire ça…
Idri ne disait rien, mais n'en pensait pas moins. C'était effectivement un peu casse-gueule. Il préféra rassurer Meera :
¬ Ca va bien se passer, Yssim t'aidera à grimper. Tu dois juste être sûre de bien tenir la corde et de mettre tes pieds devant pour ne pas atterrir sur le mur.
Idri jeta un coup d'œil angoissé vers la terrasse pour vérifier que personne n'avait repéré leur petit manège. Pour l'instant, on dirait qu'il étaient tranquilles, personne ne regardait dans leur direction.
¬ Allez, à trois tu sautes. 1,2,..3!
Meera tremblait derrière la barrière mais elle sauta. Elle se retint de crier pour ne pas attirer l'attention mais on sentait que ça n'aurait pas été de trop. Elle mit ses pieds en avant et s'arrêta net sur le mur. Elle tira ses bras pour remonter le long du mur. Mais soudain son pied glissa, elle perdit l'équilibre et lâcha la main droite de la corde. Là, elle ne tint plus et cria de peur. Idri vit avec stupeur tous les regards se tourner vers eux: ils étaient repérés ! Yssim se dépêcha de remonter Meera à la force de ses bras, et lança la corde à Idri avec un regard entendu: il ne fallait pas traîner, ils commençaient tous à rappliquer. Idri se dépêcha de s'attacher et de se balancer sans prendre le temps de réfléchir. Heureusement qu'il avait de l'équilibre ! Yssim tira sur la corde pendant qu'il remontait pour le faire grimper plus vite. Yssim retira la corde qu'il avait installée pour redescendre, et la lança rapidement sur le balcon d'en face, celui du bureau du roi.
¬ Mais… Qu'est ce que tu fais? S'exclama Idri, stupéfait.
¬ On passe au plan B, répondit Yssim d'un ton sec, les explications seraient visiblement pour plus tard.
Idri ne voyait pas bien quel plan A, B ou C pourrait les sortir de ce pétrin mais il s'exécuta ainsi que Meera qui avait bien compris que ce n'était plus le moment d'avoir peur. Tous trois s'élancèrent chacun à leur tour à la vitesse éclair sur le dernier balcon. Les gardes étaient presque arrivés à leur niveau quand Idri se lança. Il parvint à éviter quelques projectiles mais ne put éviter une pointe acérée sur sa cheville pendant qu'il se hissait sur le deuxième balcon. Meera et Yssim se tenaient tête baissée devant les fenêtres fermées du bureau du roi. Ils étaient cernés !
¬ Vite, la larme dorée ! Siffla Yssim.
Idri eut à peine le temps de voir l'emplacement d'une goutte sur la fenêtre, installer la larme dorée à l'intérieur et ils se précipitèrent dans bureau du roi. Sur les instructions d’Yssim, Idri se dépêcha de fermer à double tour les fenêtres ainsi que la porte principale de la pièce. Le silence régna de nouveau, mais l'atmosphère était lourde et pesante, comme un rappel de ce qui s'était passé auparavant. Idri était perdu, quel était l'intérêt de s'enfermer dans le bureau du roi ? Ce n'était pas mieux que la bibliothèque. Il voyait Meera regarder avec intérêt le précieux bijou qu'il avait dû sortir pour leur survie et sentit que la liste des questions auxquelles il aurait à répondre s'allongeait douloureusement.
Mais c'était pour le moment le cadet de leur soucis car le silence ne dura pas longtemps et fit bientôt place à un troupeau de bruits de pas. La porte gronda sous les coups d'assaut des gardes qui tentaient de la forcer. Meera qui avait reprit ses esprits, se tourna vers Yssim, lui lançant une petite pique:
¬ Alors ce plan B, ou est-il exactement ?
Sans répondre, Yssim se glissa derrière le bureau du roi et souleva un coin de tapis, libérant des effluves mélangées de poussière et de sang séché. Là, sous le tapis se trouvait une trappe.
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