Chapitre 2
Quand la fin de journée sonna enfin, Yüna avait pu réorganiser les trois-quarts du dossier, un
exploit !
Elle rangea son bureau, récupéra ses affaires et alla passer son badge sur la machine qui bipa, puis quitta les lieux avec soulagement.
Elle n'était pas à partir, mais n'allait certainement pas s'attarder, sachant que Gérard la regardait d'un air... étrangement intéressé.
Ni une ni deux, elle se précipita dehors et accéléra le pas, peu sereine. Elle voulait à tout prix rejoindre son appartement qui ne se trouvait qu'à une dizaine de minutes à pied de son lieu de travail.
Arrivée à son bâtiment, elle aperçut sa voisine de palier qui la salua gentiment et lui fit signe de rentrer avant elle dans la cage d'ascenseur. Yüna arqua son corps, lui sourit et entra rapidement sans rien dire. La jeune femme se mit en retrait, bien que la cabine ne soit pas très grande.
Quand elles arrivèrent enfin à leur étage, Yüna se précipita à l'extérieur, fouilla frénétiquement dans son sac pour en sortir ses clés qu'elle mit dans la serrure. Elle sourit tout de même à sa voisine, avant d'aller s'enfermer dans son repaire.
Ouf, elle était enfin rentrée !
En sécurité, elle entama son petit rituel : se défaire de son manteau et de son écharpe qu'elle suspendit au porte-manteau, faire couler de l'eau dans son chauffe-eau et l'allumer, puis se diriger vers son salon pour fermer les rideaux et démarrer son ordinateur.
De retour dans sa petite cuisine ouverte sur le reste de la salle de vie, elle en profita pour envoyer un message à son amie, la prévenant qu'elle était rentrée chez elle. Immédiatement, celle-ci lui répondit de se connecter, car le live allait bientôt commencer.
Ni une ni deux, Yüna se pressa d'aller prendre une douche, se changer et se préparer un petit repas pour filer s'installer dans son fauteuil de bureau et lancer le live.
Elle reconnut le pseudo de son amie et lui envoya un message via le tchat. Beaucoup la reconnurent également et la saluèrent avec chaleur.
Yüna leur répondit et quand le live se lança, elle poussa un petit cri quand le visage de Hawkly apparut.
Il salua tout le monde en coréen, puis en anglais et fit un signe de la main.
Dans le tchat, les messages défilaient à une vitesse folle, mais Yüna prenait plaisir à participer à cette hystérie. Derrière son écran, la foule ne lui faisait pas aussi peur, elle se sentait même plutôt en sécurité. Mais le sommes-nous vraiment ? On sait bien que non...
Hawkly était un jeune homme très intelligent et sensible. Il aimait beaucoup ses fans et adorait discuter avec eux de temps en temps : partager ses interrogations, demander leurs avis et faire des petits jeux durant ses lives.
Il était apprécié par tellement de gens qu'il avait parfois du mal à réaliser ce qui lui arrivait, au point que par moment, il avait besoin que Lovers, l'aîné du groupe, l'aide à garder les pieds sur terre.
Mais depuis un an, il appréciait passer plus de temps à discuter avec leurs fans, surtout une en particulier. Elle avait une façon de gérer les émeutes du tchat avec une poigne de fer et une certaine diplomatie que lui-même avait parfois du mal à avoir au sein de son propre groupe.
À chacun de leurs lives, qu'il soit seul ou avec tout son groupe, Hawkly attendait de voir son nom s'afficher dans son écran pour avoir ce plaisir coupable de la lire. Et comme à chaque fois, il avait un mal fou à se concentrer.
À quoi ressemblait-elle ? Si tant est que ce soit bien une femme. Sur internet, il est très difficile de savoir qui peut être qui. Les gens peuvent être imprévisibles et c'est ce qui peut faire peur.
Le jeune homme savait qu'il risquait gros s'il tentait quoi que ce soit et devait constamment rester sur ses gardes. Avec le sourire, bien évidemment !
Il la vit à peine le live lancé.
— Salut, murmura-t-il en admirant son pseudo, profitant que son micro soit encore coupé.
« Hawkly ! » vit-il passer.
Allez, c'est parti ! s'encouragea-t-il mentalement.
Il brancha son micro et commença le live avec beaucoup d'entrain.
[...]
Yüna se réjouissait d'être avec Mika et de pouvoir discuter avec les autres fans, tout en admirant Hawkly.
Sa journée ne se finissait pas si mal, en fin de compte !
Pendant qu'il était en train de parler du prochain album qui était déjà en préparation, Yüna se sentit étrange.
Elle voulut en parler avec son amie en privé, mais se trompa et le lui dit sur le tchat principal.
« Mika, ça va pas... Je... je crois qu'il y a quelqu'un chez moi... »
« Quoi ? Eh, déconne pas, tu veux ! » lui renvoya son amie qui commença à s'inquiéter. « Nyla, tu as bien fermé ta porte ? Comment quelqu'un pourrait rentrer sans que tu le saches ? »
« Je... J'en sais rien, mais j'entends respirer et ce n'est pas moi. C'est trop fort ! »
À ce moment-là, la jeune femme entra dans un stade de panique très instable.
Elle devait vérifier qu'elle était bien seule chez elle, mais comment faire quand elle était tétanisée et que cette pression qu'elle ressentait dans son dos ne faisait
qu'accroître ?
De plus, Mika avait raison, elle avait fermé la porte à clé. Alors comment quelqu'un avait-il pu entrer sans qu'elle ne l'entende ou s'en aperçoive ?
Mais il fallait qu'elle se lève pour vérifier.
« Je t'en supplie, Mika, appelle-moi ! » l'implora-t-elle, alors que sa respiration se faisait plus lourde et bruyante.
— Il se passe quelque chose avec Nyla ? demanda le chanteur qui comprit par ce changement de langue qu'il y avait un problème.
« Oui. Nous sommes amies, mais je ne sais pas ce qu'il se passe. » répondit Mika en attrapant son téléphone.
— Nyla, si tu m'entends, augmente le volume du live.
« Il y a quelqu'un chez elle ! Je l'entends aussi ! » lâcha Mika sur le tchat, « Je suis au téléphone avec elle ! »
La jeune femme était si terrifiée qu'elle ne pouvait pas se retourner. Hawkly se redressa contre son fauteuil, comprenant que la situation était critique et que la personne qui l'intriguait tant était dans une position dangereuse.
— Mika, demande-lui de mettre le live à fond pour que ça détourne l'attention de la personne qui est chez elle !
Mais Mika ne répondait plus, laissant le tchat dans un chaos total. Hawkly ne savait pas quoi faire, pourtant il cherchait activement quelque chose pour l'aider. La voix du chanteur fut assez forte pour donner à Yüna un sursaut de courage, malgré la peur qui l'empêchait d'esquisser le moindre mouvement.
— Yüna, t'es pas toute seule, je suis là ! s'exclama-t-il.
Elle n'avait pas tilté que Hawkly avait prononcé son prénom. Motivée par la voixdu chanteur, elle attrapa la lampe de son bureau, se leva et fracassa cette dernière sur l'intrus qui se mit à hurler.
Elle courut vers sa porte d'entrée en hurlant à l'aide. Elle tenta désespérément d'ouvrir cette dernière, mais eut un peu de mal tant elle tremblait. Son agresseur l'attrapa par l'épaule, la faisant crier encore plus fort.
Elle se retrouva poussée contre le bar de sa cuisine, lui provoquant une douleur atroce dans les côtes. Mais sans se démonter malgré la peur et la crise sous-jacente, elle le frappa entre les cuisses, prit son chauffe-eau et le lui fracassa sur la tête, ce qui immobilisa l'intrus pendant un temps. Profitant de ce moment, Yüna se lança vers la porte qu'elle réussit à ouvrir, cette fois. Elle se précipita vers celle de ses voisins et tambourina dessus. Alertés par ses cris de détresse, ils ne mirent pas longtemps avant de lui ouvrir.
— Yüna ? Qu'est-ce qu'il y a ? s'exclama sa voisine.
— P... Pitié, aidez-moi ! Y... y a quelqu'un ch... chez moi !!
— Oh mon dieu !! Chéri !
Le mari sortit, ordonna aux deux femmes de rester barricadées dans l'appartement et d'appeler la police pendant qu'il irait voir.
La femme attrapa Yüna par le bras pour l'attirer dans le salon et lui proposa une tasse de thé pendant que cette dernière subissait sa crise de panique avec une certaine violence. Dans l'autre appartement, le mari de la voisine trouva l'agresseur de Yüna, gémissant de douleur.
— Elle vous a pas raté.
— Vous êtes qui ?
— T'as pas intérêt à bouger, les flics arrivent. Gronda le voisin en plaquant l'homme sur le sol.
L'intrus pâlit, plaqué sur le sol, la tête et les parties intimes douloureuses, les bras maintenus dans son dos par l'homme qui était entré dans l'appartement. La police entra quelques minutes plus tard pour l'appréhender.
[...]
Yüna fut amenée au commissariat pour témoigner, mais la peur et la fatigue l'avaient empêchée de prononcer le moindre mot. Elle avait pu compter sur l'intervention de sa voisine et de son mari pour le faire à sa place.
Le policier en charge de sa déposition avait été compréhensif et après une bonne heure, la laissa repartir avec eux. Mais devant la porte de son appartement, Yüna n'arriva pas à y entrer.
— Tout va bien, ma jolie ? demanda la femme.
— J... Je sais pas si...
— Tu veux que je t'accompagne ?
Elle accepta volontiers la présence de sa voisine. L'ordinateur s'était mis en veille et son téléphone n'avait plus de batterie. Son fauteuil de bureau retourné, sa lampe brisée par terre, de la vaisselle cassée éparpillée sur le sol de la cuisine, mais en dehors de ça, rien n'avait été volé.
— Prends quelques affaires et viens chez nous, proposa la femme. Nous avons une chambre d'amis, tu pourras y séjourner le temps de te remettre.
— Merci, mais ça va aller. répondit la jeune femme en se retournant à peine. Je vais... faire mes valises et rendre mon appartement.
— Où vas-tu aller ?
— Me faire soigner.
***
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