Installée dans l'avion, Yüna n'en revenait toujours pas.

Elle était assise en business class dans un avion en direction du Japon. Quelques heures plus tôt, la jeune femme quittait la France pour la Corée du Sud avec la ferme intention d'y commencer une nouvelle vie loin de tout ce qui pouvait lui rappeler l'enfer qu'elle avait vécu. Et voilà que maintenant, elle se faisait embarquer pour un voyage au Japon.

En tournant la tête sur sa gauche, elle pouvait voir Hawkly en train de discuter avec leur manager, Nam Ho Ly. Un homme assez grand, mince, les cheveux grisonnants, le regard lumineux et la quarantaine. Elle avait pu l'observer quand Hawkly l'avait conduite dans la section VIP d'Incheon Airport. Nam Ho Ly ne leur avait pas crié dessus, ni cherché à l'expulser. Il avait écouté attentivement ce que Hawkly avait pu rapidement lui dire sur la situation, avant qu'ils n'entrent dans l'avion. Le manager s'était contenté de hocher la tête et de s'assurer qu'elle les accompagne, tout en masquant sa présence du mieux qu'il le pouvait.

— On en parlera une fois arrivés à l'hôtel, entendit-elle.

Elle reporta son attention sur l'extérieur, qu'elle pouvait voir à travers le hublot, et admira encore une fois le ballet du personnel qui s'affairait à préparer l'avion pour son voyage.

« Mesdames et Messieurs, ici votre commandant de bord Keiri Taokano. Je vous souhaite la bienvenue sur ce vol à destination de Narita Airport. La durée de ce vol sera de deux heures. Des boissons et des collations vous seront distribuées par nos hôtesses de l'air. Tout l'équipage et moi-même, nous vous souhaitons un agréable vol sur notre compagnie. »

Alors que le commandant de bord débitait son speech habituel, Yüna sentit la panique prendre le pas. Au moment où elle allait s'évanouir, une main se posa sur la sienne et une voix chaude s'infiltra dans le brouillard de son esprit :

— Je suis avec toi, Yüna. N'aie pas peur, tout va bien.

Elle rouvrit les yeux pour accrocher son regard magnétique. La jeune femme semblait y chercher quelque chose et le trouva, son sauveur. La bouée qui lui avait permis de survivre dans cette mer déchaînée qui menaçait à chaque fois de l'engloutir. Hawkly était celui qui la protégeait et qui la maintenant hors de l'eau. Il posa sa main sur l'accoudoir au milieu de leurs sièges, paume offerte et les doigts écartés en une proposition muette. Il attendait qu'elle fasse le premier pas.

Yüna hésita un instant, puis glissa ses doigts tremblants sur sa main et les entrelaça d'elle-même. Délicatement, sans lui faire peur, il referma sa main sur elle et lui offrit de sa chaleur pour la rassurer.

— Est-ce que tout va bien Madame ? demanda une hôtesse avant le décollage.

— Tout va bien, merci, lui répondit Hawkly.

— S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire, n'hésitez pas à me solliciter, répliqua la femme avant de partir s'installer sur son siège.

— Vous... Vous ne devriez pas faire ça... bredouilla Yüna, mal à l'aise.

— Je sais. Mika m'avait prévenu, murmura son compagnon de voyage.

Yüna le dévisagea, surprise.

— Que... Mika ? Vous lui avez parlé ?!

— C'est elle qui nous a contactés via le live, il y a quelques jours.

Elle n'en revenait pas, son amie avait parlé de sa vie à des inconnus ! Qui plus est, à son idole !

Hawkly émit une légère pression sur ses doigts pour capter son attention et lui dit :

— Elle a bien fait. Ne lui en veux pas, s'il te plaît.

Le cœur du chanteur rata un battement. Elle était belle. Il ne comprenait pas tout ce qu'avait pu lui dire Mika concernant les expériences ratées de son amie et encore moins pourquoi les gens se moquaient d'elle. Bien qu'elle soit effectivement rondelette, cela lui donnait un charme non négligeable et son visage était enchanteur.

Était-il donc le seul à la voir telle qu'elle était vraiment ? Une femme mature et divinement belle, mais fragile ?

Une fois le décollage fait, les hôtesses et stewards passèrent dans les rangs, poussant deux chariots remplis de boissons et de snacks* qu'ils distribuèrent aux passagers.

Pendant que le staff proposait des rafraîchissements, Shi Ji en profita pour se tourner vers l'un de ses amis assis à la rangée à côté de lui. Il n'avait pas lâché la main de Yüna depuis le moment où elle la lui avait broyé pendant le décollage. Quand l'une des hôtesses de l'air passa près d'eux, interrompant les deux hommes en pleine discussion, Hawkly sentit que Yüna n'allait pas bien. Il se tourna vers elle pour la voir trembler de tout son corps, les larmes glissant sur ses joues et ses yeux étaient fermés très fort. Elle s'était accrochée à lui avec désespoir, les lèvres serrées l'une contre l'autre, blanches. Inquiet, il se pencha vers elle et lui murmura :

— Je suis là. Yüna, tu es avec moi... Tu ne risques rien...

Plus il lui murmurait à l'oreille, plus il la sentit se calmer jusqu'à ce qu'elle ouvre enfin les yeux et qu'elle le regarde.

— Tu ne crains rien avec moi. Je m'occupe de tout.

— P... promis ? Bafouilla-t-elle encore secouée par sa crise.

— Promis. Repose-toi.

Hawkly lui lâcha enfin la main. Elle put découvrir l'étendu des dégâts qu'elle lui avait involontairement causés. Ses doigts étaient rouges, voire violets. Elle s'en voulut énormément, mais le jeune homme ne lui en laissa pas le temps. Remarquant son changement d'attitude, le chanteur décida de l'enlacer et l'obligea à poser sa tête contre son épaule pour qu'elle puisse enfin se sentir en sécurité.

Et c'est ainsi que, sans s'en rendre compte, bercée par l'avion et le jeune homme, elle s'endormit contre lui.

[...]

Quand elle se réveilla, l'avion s'était immobilisé depuis un moment. Réalisant à quel point elle avait bien dormi, Yüna se redressa et se passa une main sur le visage pour remettre de l'ordre dans sa mise, qui devait sans nul doute être en bazar.

— Comment tu te sens ? s'enquit une voix grave et moqueuse non loin d'elle.

Yüna rougit vivement et tenta de reprendre une certaine contenance, mais à peine croisa-t-elle son regard que les mots lui échappèrent. Que devait-elle répondre ? Que devait-elle faire ?

Elle était perdue et sursauta quand il se leva de son siège. Il lui tendit à nouveau cette main rassurante qu'elle avait blessée dans un mouvement de panique.

— On y va, lui dit-il.

La peur s'afficha de nouveau dans son regard glacé.

— Tout va bien. On a tout prévu, tu seras à l'abri.

Pouvait-elle lui faire confiance ? Avait-elle le choix ?

Il ne t'a pas trahie, jusque-là... pensa-t-elle.

Ce fut à nouveau avec hésitation qu'elle lui prit la main et qu'elle se laissa guider à travers les rangées de l'avion jusqu'au sas de sortie.

Une fois complètement sortis de l'aéroport, un van les attendait. Plusieurs membres du staff des garçons rassemblèrent les bagages et elle remarqua que sa valise en faisait partie.

Hawkly la guida jusqu'au véhicule et l'aida à y entrer.

— Tout le monde est là ? demanda le manager Ho Ly en se tournant vers le groupe.

— Oui, papa ! s'exclama le plus jeune avec entrain, les faisant pouffer.

— Vous allez bien ? Demanda le manager à la jeune femme planquée contre la portière.

— J... je...

— Hyung ! Elle va dormir où ?

— Dans ma chambre. décréta Hawkly.

Tous, Yüna compris, se tournèrent vers lui, surpris.

Elle tira la manche de son manteau pour attirer son attention.

— Je... ne pense pas que ce soit une bonne... idée...

— On a qu'une nuit à y passer avant de rentrer à Séoul, on interdira la chambre d'accès et je te promets que je ferai aussi vite que je peux pour pas te laisser toute seule.

— Le souci n'est pas là ! Je...

— On séparera les lits.

***