Chapitre 10
Le manager arriva à l'hôtel en début de soirée.
Il fut accueilli par celui qui les avait réceptionnés quelques heures plus tôt dans la journée, complètement affolé.
— Monsieur ! s'exclama-t-il. Monsieur, il faut que vous m'accompagniez tout de suite !
Intrigué, le manager le regarda, surpris, et demanda :
— Il y a un problème ?
— Suivez-moi, indiqua simplement l'homme, quittant son poste pour se précipiter avant lui vers l'ascenseur.
Dans le couloir, une scène horrifiante se déroulait. Plusieurs personnes du staff de l'hôtel tentaient d'apaiser une femme qui n'appartenait visiblement pas à leur équipe et qui se cramponnait à un pan de la serviette d'une autre jeune femme terrorisée.
Yüna ! Pensa-t-il.
Elle avait dû être surprise pendant sa douche, car elle était trempée, les cheveux gouttant sur le sol, s'accrochant comme elle le pouvait à la grande serviette qu'elle avait dû enfiler à la hâte pour se couvrir le corps. La femme hurlait sur elle et sur le staff sans distinction. Ho Ly voyait bien la panique chez la française et il sentit une colère gronder en lui.
— Est-ce que vous connaissez cette femme ? demanda l'homme de la réception au manager. Elle ne dit rien depuis que celle-ci l'a tirée de sous la douche.
Ho Ly étudia la situation. Il s'approcha pour repousser de façon sévère l'importune et, en bon gentlemen qu'il était, se défit de sa veste pour venir la déposer sur Yüna, afin de la couvrir un peu plus.
— Vous êtes de l'hôtel ? demanda-t-il à la femme en totale hystérie.
— Je... Euh... Qui êtes-vous ? bafouilla la femme, surprise par l'intervention frontale de Ho Ly.
— Le manager du groupe qui a réservé ces chambres. répondit-il simplement d'une voix froide et tranchante.
C'était du pain béni pour la femme qui vit là une chance inouïe de passer pour une héroïne.
— Je... J'ai entendu du bruit, alors que cette chambre était vide, et j'ai trouvé ça suspect. expliqua cette dernière, pensant vraiment que son histoire tiendrait la route.
— Alors vous êtes entrée par effraction dans une chambre, où vous n'aviez pas à être, pour sortir un membre de notre personnel, malade, pour l'humilier, ainsi que l'agence et le groupe ? la coupa Ho Ly sur un ton neutre, mais qui montrait bien qu'il n'y croyait pas.
La femme se décomposa.
Sa bouche fit plusieurs mouvements sans émettre le moindre son jusqu'à ce qu'il ne sorte sa propre carte d'accès, n'ouvre la porte et ne demande à Yüna d'entrer, afin de l'y attendre.
— Je souhaiterais qu'elle soit accompagnée au poste le plus proche. Je vais contacter notre avocat pour qu'il s'occupe de ce dossier. déclara-t-il froidement.
— Quoi ? s'insurgea la femme, rouge de colère.
— Je vais entamer des poursuites contre vous pour effraction et maltraitance sur un membre de notre personnel. Ainsi que pour atteinte à la vie privée.
Le staff eut du mal à la maîtriser, mais ils purent l'emmener jusqu'à la pièce où se trouvaient les agents de sécurité et contactèrent la police.
Pendant ce temps, le manager se trouvait dans la chambre en compagnie de la jeune femme qui tremblait de tout son corps.
— Jeune fille, je suis sincèrement désolé de ce qu'il vient de se passer.
Elle lui adressa un petit sourire.
— N... Ne vous... ex... cusez pas... J... J'aurais dû être plus... prudente... bredouilla-t-elle, sur le point de céder à la panique.
— Vous devez être frigorifiée, dit-il tristement. Je reste ici, allez finir votre douche. Personne ne viendra vous importuner.
Elle hocha la tête, mais ses tremblements augmentaient dangereusement. Il dut l'aider à se lever et à rejoindre la salle de bain.
Quand il entendit enfin l'eau couler, il composa le numéro de son boss et expliqua la situation. Ce dernier l'autorisa à contacter l'avocat, mais lui annonça qu'il devrait rencontrer cette jeune femme.
Sachant l'attachement qu'avait Shi Ji pour elle, le manager tenta de négocier un peu de temps, afin que les choses ne se tassent, mais le directeur de l'agence ne fut aucunement dupe.
— « Deux semaines. Après leurs vacances, je veux la rencontrer. » déclara l'homme d'affaires au téléphone.
Ouf... C'était moins une. pensa Ho Ly.
Il en profita pour appeler l'avocat et lui raconter la situation. Ce dernier lui assura qu'il n'avait rien à craindre, il se chargerait de l'affaire.
Il raccrocha quand la jeune femme sortit enfin de la salle de bain.
— Comment vous vous sentez ?
— J... J'ai... connu mieux. J-Je vais... avoir des soucis ? Je... je vous ai causé des ennuis ?
Touché par l'inquiétude de la jeune femme, il ne voulut cependant rien lui cacher, aussi lui expliqua-t-il sa conversation avec le CEO de l'agence et la vit blêmir.
— Tout va bien, s'empressa-t-il de dire pour la détendre. D'ici là, les choses se seront tassées et...
Yüna se mit à trembler très fort.
Soudain son regard se braqua sur son sac de voyage éventré et ses affaires éparpillées sur le sol de la chambre. Quand Ho Ly était entré après elle, il avait pris la scène pour de la précipitation de la part de la française. Mais plus il étudiait son attitude, plus il comprenait qu'il avait très mal analysé la situation. Yüna tituba, tremblante comme une feuille en pleine bourrasque, jusqu'à tomber à genoux devant quelque chose en particulier.
— Ça ne va pas ? S'enquit-il, inquiet.
— E... Elle l'a... Elle l'a...
Ne comprenant pas ce qu'elle cherchait à dire, il étudia avec elle le contenu du sac saccagé et des affaires jetées au sol jusqu'à ce qu'il ne tombe sur une petite statuette en porcelaine brisée.
Il s'accroupit pour étudier l'objet en question et fronça les sourcils. Cela ressemblait à deux poissons qui se croisaient, plongés dans des eaux agitées, du moins c'est ce qu'il put en déduire. L'objet avait visiblement été volontairement cassé. Il jeta un coup d'œil à la française à côté de lui. Les larmes qui lui dégringolaient sur le visage indiquèrent à Ho Ly que l'objet devait lui être très précieux.
— Elle l'a... Elle l'a... Mon dieu ! Grand-mère... non...
Pauvre femme. Elle venait de quitter un enfer pour en rejoindre un autre qui lui avait arraché un objet très précieux.
La colère qu'il ressentit en cet instant était celle d'un père devant les cris de son propre enfant qui avait subi la pire des injustices, sans avoir rien dit pendant une très longue période, se laissant piétiner par les autres, ignorant volontairement ses appels à l'aide. Furieux, il ramassa les morceaux devant la jeune femme, qui n'osa plus bouger, et les enveloppa dans un foulard qu'il trouva parmi les affaires éparses sur le sol.
— Yüna... l'appela-t-il. Yüna, regardez-moi. Je vais le prendre et tenter tout ce que je peux pour le faire réparer. Vous comprenez ?
Vide. Devant lui se trouvait une coquille vide.
Les larmes coulaient, les mots butaient, mais plus rien ne vivait en elle.
Faites que les garçons rentrent vite ! pensa-t-il.
Il n'avait aucune solution pour la faire réagir. Ou peut-être que si...
— Yüna, il va falloir que je prévienne Shi Ji. Vous m'entendez ?
Rien...
Il fronça les sourcils. Que pouvait-il faire pour la faire revenir à elle ?
Il décida d'appeler le groupe, c'était son dernier recours.
— « Hyung ? »
— Vous devez revenir au plus vite.
— « Noona ?! »
— Elle n'est plus dans son état normal.
— « Boss ? » entendit-il à travers le haut parleur. « Faut qu'on rentre ! C'est Noona ! »
Il entendit quelqu'un courir et la voix de Shi Ji prit la place de celle de Shrinlo.
— « Qu'est-ce qu'il y a ? »
Ho Ly dut leur raconter en détail toute l'affaire, tandis qu'il les entendait se précipiter pour récupérer leurs affaires et déguerpir au plus vite.
— « Hyung, passe-la-moi, s'il te plaît. » lui demanda Shi Ji dans la précipitation.
— Elle ne m'écoute plus et même en prononçant ton nom, elle n'a pas réagi. Que veux-tu que ça fasse si elle t'entend ? J'y ai déjà pensé, mais ça m'étonnerait que ça fonctionne.
— « Hyung, s'il te plaît. » le supplia le chanteur.
— D'accord.
Il s'accroupit près de la jeune femme, toujours à genoux au sol, et posa le portable devant elle en activant le haut parleur.
— Je t'ai mis sur haut parleur ! lui indiqua le manager.
— « Okay, merci. Yüna ? Yüna, tu m'entends ? »
La voix sembla percer le brouillard qui entourait la jeune femme.
— Sh... Shi... Ji ?
— « Oui, c'est moi, ma belle, je suis en chemin. »
— Shi... Ji...
Les larmes coulèrent de nouveau, tandis qu'elle prononçait son nom en hoquetant.
— « On est dans un taxi, on est sur le chemin du retour. Tu m'entends ? »
— Sh... Oui...
— « Bien. Je fais au plus vite. Tu veux te mettre dans le lit, en attendant qu'on arrive ? »
— N-Non, je... rentre, s'il te plaît...
— « Noona ! » entendirent-ils derrière le chanteur, « on est à mi-chemin ! On te le ramène vite ! Reste calme ! »
Shrinlo tentait à tout prix d'aider la jeune femme et son leader à garder leur calme. Shi Ji leur avait expliqué ce qu'avait Yüna, mais même lui n'était pas un expert en la matière. Il avait du mal à l'aider Toute l'équipe le voyait bien, mais saluait sa ténacité et le calme qu'il se forçait à avoir pour la guider.
— « Yüna, écoute-moi bien, ma belle. On est à 15 minutes de l'hôtel. Je voudrais que tu fasses quelque chose pour moi, tu veux bien ? »
— Elle hoche la tête, Shi Ji. intervint le manager.
— « Ok. Tu vas essayer de te relever, je sais que tu peux le faire, et te mettre au lit. Tu peux faire ça pour moi ? »
La jeune femme était tétanisée, mais à force d'entendre sa voix se glisser dans son esprit, ses forces figées semblaient vouloir reprendre vie. Elle tenta de bouger.
— J'y... J'y arrive pas.
— « Tu veux que Hyung t'aide ? »
— N-Non ! s'écria-t-elle terrorisée que quelqu'un autre que lui ne la touche.
— « D'accord, d'accord. Prends ton temps, respire à fond et expire le plus possible. Oui, je t'entends, ma belle, c'est très bien ! » l'encouragea-t-il à travers le téléphone posé devant elle, sur le sol.
Shi Ji sentait son corps se tordre de douleur de ne pouvoir faire plus, mais plus il l'encourageait et plus il l'entendait tenter de réagir.
Les garçons lancèrent des exclamations d'encouragement jusqu'à ce qu'ils entendent leur manager leur dire qu'elle venait enfin de se lever.
— « T'es superbe ! Tu es la plus courageuse, Yüna ! Avance doucement jusqu'à ton lit, ou le mien si c'est plus facile pour toi, et allonge-toi. »
— « Boss, on arrive ! »
— « Tu entends ? »
Elle hocha la tête, mais trop concentrée sur ce qu'elle devait faire, elle ne prit pas la peine de lui répondre jusqu'à ce que Ho Ly leur annonce qu'elle venait de s'asseoir sur le lit du jeune homme.
— « On vient d'entrer dans le hall. »
***
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