Chapitre 11
Le groupe entra en trombe dans l'hôtel, tous complètement paniqués. Le staff comprit qu'ils avaient été mis au courant de ce qu'il s'était passé pendant leur absence. Ils les virent se précipiter dans les escaliers, courant comme des dératés.
— Messieurs ! s'écria un employé derrière son comptoir.
— Désolé, on est pressés ! lança T.
— Attends, ça va être trop long ! s'exclama X-Life.
— On est au 3e, ça devrait le faire ! répliqua T.
— Allez, les gars ! C'est pas des marches qui vont vous faire peur ! La demoiselle a besoin de son chevalier servant ! lança Lovers pour se moquer gentiment, tout en leur rappelant pourquoi ils étaient entrés au pas de course.
Shi Ji était déjà au niveau du premier étage quand les autres se décidèrent enfin à le rejoindre. Il était si tendu et inquiet qu'il n'avait pas raccroché le téléphone, de peur que la jeune femme ne sombre.
Quand le groupe arriva enfin au troisième étage, ils virent leur leader qui était déjà en train de toquer frénétiquement à la porte pour qu'on lui ouvre.
— Hyung ! Ouvre-moi !
La porte s'ouvrit au même instant. Ho Ly s'écarta pour le laisser entrer et le vit se précipiter vers Yüna qui tremblait encore, le regard dans le vide. Quand elle aperçut une paire de baskets entrer dans son champ de vision, elle sut que c'était lui. Shi Ji s'accroupit face à elle, le regard fou et la respiration saccadée. Il chercha d'abord, sans la toucher, la moindre trace de violence physique, avant de lever sa main vers son visage. Yüna eut un moment de panique, avant de finalement esquisser le premier pas. Elle colla sa joue inondée de larmes contre la paume chaude du chanteur.
Yüna céda enfin.
Elle tomba dans les bras du jeune homme qui la réceptionna sur le sol de la chambre. Il la tint contre lui, caressant son dos et ses cheveux, l'écoutant pleurer avec force, évacuant tout ce qu'elle avait accumulé en si peu de temps. Yüna s'accrocha à son vêtement avec désespoir, cherchant à se rassurer qu'il était bien là, auprès d'elle pour apaiser ses craintes et faire disparaître cette expérience terrifiante.
— Je suis là... lui murmura-t-il à l'oreille. Tout va bien, tu ne crains plus rien. Elle va morfler, crois-moi, je vais pas laisser passer ça.
Ho Ly leur montra d'un signe de tête le foulard ouvert avec le contenu brisé, ce qui acheva de mettre en colère le jeune homme.
— N... Ne fais rien... l'implora-t-elle. Je... veux pas que ça vous cause des ennuis...
Il l'écarta doucement et la dévisagea.
Pourquoi même blessée et humiliée comme elle l'était, cette femme ne pensait pas à elle, mais à eux, ainsi qu'à leur image de stars ? Yüna était unique et il mesura à cet instant tout ce qu'elle risquait de devoir traverser s'il restait avec elle.
Mais pour rien au monde il ne voulait s'en éloigner. Rien qu'aujourd'hui, il avait pu constater que même s'ils ne se connaissaient pas, il avait appris qu'il lui était impossible de se tenir loin d'elle. Peu lui importait qu'elle soit agoraphobe ou borgne, voire trisomique. Pour lui, elle était celle qu'il voulait. Elle le rendait plus vivant. Il avait enfin un but dans sa vie en dehors de son groupe et de la musique : Yüna.
— On... on va aller chercher à manger, vous voulez quelque chose ? demanda T, en faisant reculer les autres vers le couloir.
— Tu veux quelque chose ? murmura Shi Ji à la jeune femme.
Cette dernière haussant mollement les épaules, complètement faible et désintéressée.
— Peu importe. Merci, T.
— Pas de quoi. Allez, les gars, on y va. Hyung ? appela Lovers, faisant réagir le manager qui leur emboîta le pas.
— Je vous accompagne. Fais attention à elle pendant notre absence.
— T'en fais pas, Hyung.
Le groupe quitta les lieux, les laissant enfin seuls. Shi Ji l'aida à se relever et à s'installer à nouveau sur le lit. Mais à peine la quittait-il pour prendre de quoi se doucher et se changer qu'il la vit en panique.
— Je vais me laver, je pue un peu... se justifia-t-il, un sourire un peu gêné.
Elle se figea, comme prise en faute. Yüna le vit partir dans la salle de bain et en revenir aussi vite. Il s'approcha d'elle à grands pas, plia son grand corps en avant, attrapa la nuque de la jeune femme surprise pour la faire basculer sur le lit et lui voler un baiser, avant de vite repartir dans la salle de bain.
[...]
Quand les garçons revinrent, Yüna était toute seule dans la chambre, assise sur le lit de Shi Ji, les genoux repliés sous son menton.
— Tout va bien ? lui demanda doucement Lovers.
— Où est Shi Ji ? s'enquit T.
Yüna ne dit rien, elle se contenta de pointer son doigt vers la salle de bain où ils entendirent l'eau couler. Ils se permirent d'entrer et vinrent s'installer en cercle, loin d'elle pour ne pas lui imposer leur présence plus que ce qu'elle pouvait supporter. Ils déposèrent les bentô qu'ils s'étaient achetés sur le sol. Elle les trouva adorables de faire autant d'efforts pour elle, alors qu'elle n'était qu'une étrangère pour eux. Une fan qui ne devrait même pas être là. Elle culpabilisait de leur imposer sa propre présence.
Que pouvait-elle faire, alors que le simple contact avec un autre être humain la rebutait juste ? Du moins, en dehors de Mika et surtout de Shi Ji...
La porte de la salle de bain s'ouvrit sur le chanteur affublé d'un short de basket à l'américaine et d'un t-shirt gris qui moulait parfaitement sa musculature. Ses cheveux, encore trempés de sa douche, gouttaient sur son t-shirt, laissant apparaître un peu plus les formes de ses pectoraux bien dessinés.
Fascinée par ce qu'elle voyait, Yüna eut beaucoup de mal à détourner les yeux, surtout quand il s'approcha d'elle et qu'il lui tendit sa serviette.
Ne comprenant pas ce qu'il lui demandait, elle regarda la serviette pendant quelques instants. Yüna osa relever son regard pour croiser le sourire confiant de Shi Ji et comprit enfin ce qu'il attendait d'elle. La jeune femme lui prit alors la serviette et attendit qu'il s'installe sur le lit, à côté d'elle, pour venir se placer dans son dos, sur les genoux. Elle appliqua la serviette sur sa tête et entama de lui sécher les cheveux avec une attitude naturelle assez étonnante.
[...]
Profitant d'un massage consciencieux du cuir chevelu, Shi Ji capta les regards entendus de son groupe et du manager, tous étonnés et amusés par la situation. Il prenait plaisir à la sentir aussi à l'aise avec lui, espérant que la suite de cette relation l'aide à aller mieux.
Un bruit de grondement d'estomac retentit soudain dans le silence de la chambre. Shi Ji rouvrit les yeux et scruta chacun des membres présents, mais tous avaient les yeux braqués sur la jeune femme qui venait de suspendre ses gestes.
— D... Désolée... bredouilla-t-elle.
— Je crois qu'il est l'heure de manger, intervint Lovers en souriant. On a pris plein de choses, surtout pour faire découvrir à cette jeune demoiselle le terroir japonais.
Shi Ji lui lança un regard noir, déclenchant l'hilarité de tous, tandis qu'ils se distribuaient les bentô.
Shrinlo s'approcha doucement du lit, tendit une boîte à son boss et en posa une autre à côté de lui. Yüna comprit que la situation était vraiment critique, au point que personne n'osait l'approcher, de peur d'une réaction non contrôlée. Il fallait qu'elle fasse des efforts.
Alors qu'elle allongeait le bras pour récupérer la boîte, Shrinlo se recula, peut-être un peu trop brusquement. Yüna le regarda tristement et se rétracta.
Doucement ! Fais pas le con, elle fait ce qu'elle peut ! fit comprendre Shi Ji du regard au plus jeune qui hocha la tête, penaud.
Ne sachant comment se rattraper, Shrinlo resta figé jusqu'à ce que X-Life ne vienne à son secours. Il lui tapota l'épaule et lui présenta les baguettes en bois, lui faisant signe de la tête d'aller les donner à la jeune femme. Il s'avança prudemment vers elle pour les lui donner.
Yüna, voyant là une opportunité en or de faire un premier pas, allongea à nouveau le bras pour prendre les baguettes, frôlant sans s'en rendre compte les doigts du jeune garçon qui se figea. Leurs regards se croisèrent, mais quelque chose d'étrange se passa en elle. Elle ne ressentit aucun sentiment de dégoût ni cette envie de fuir, aussi à l'aise qu'avec Shi Ji.
Non, tout allait bien.
Ce qui étonna tout le monde furent les sourires éclatants qu'ils s'échangèrent, aussi brillants que les rayons du soleil au Zénith.
Le chanteur se surprit à vouloir ce sourire pour lui seul. Pourtant, quand elle se tourna vers lui, ce dernier fut encore plus éblouissant.
Elle était heureuse de ce premier contact et il était fier d'elle. En une journée, elle avait vécu tellement de choses et avait fait montre d'un courage impressionnant.
Le cœur du chanteur rata un battement et son sang se figea, avant de se mettre à rugir dans tout son corps.
Elle était si belle ainsi et son visage était transformé. Il voulait tant la voir sourire encore plus avec ce regard si lumineux, si expressif.
Il vint caresser sa joue avec tendresse, sans s'en rendre compte. Là encore, elle ne se recula pas. Elle alla même chercher, de sa propre initiative, le contact avec la paume chaude et rassurante du chanteur, laissant sa joue s'y frotter comme un petit chat.
Ce fut le départ d'une soirée heureuse.
Cette nuit-là, Yüna se coucha le sourire aux lèvres avec des rêves et de l'espoir plein la tête.
***
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