Chapitre 13

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« Reste avec moi... Yüna. »

Avait-elle rêvé ces mots ?

Il lui suffisait de se retourner dans le lit pour savoir que non. Pourtant, ses mots continuaient de tourner dans son esprit.

Elle était chez lui, dans sa chambre, sous ses draps, humant son odeur virile dont le parfum de Santal imprégnait le tissu qui la recouvrait. Voilà deux jours qu'elle était là, dormant avec cet homme qu'elle ne connaissait pas, mais dont la seule présence la mettait à l'aise, lui procurant cette sensation de sécurité.

La veille, elle avait demandé à ce qu'on la laisse se rendre à son rendez-vous d'embauche. La raison pour laquelle elle avait pu se rendre sur le sol coréen était cette entrevue professionnelle. D'abord réticent, Ho Ly s'était décidé à l'accompagner pour lui éviter tout désagrément.

En soi, le rendez-vous s'était mieux passé qu'elle ne l'avait pensé. Ce fut des étoiles plein les yeux et des idées de designs plein la tête qu'elle était rentrée.

En ouvrant la porte de l'appartement où vivaient les garçons, elle ne s'attendait pas à voir Shi Ji, bras croisés sur sa poitrine, le regard partagé entre l'inquiétude et la désapprobation. Pour désamorcer la tension qu'elle sentait, Yüna trottina vers lui et vint se suspendre à son cou, surprenant le jeune homme. Elle raconta comment s'était passé l'entretien et tous voulurent fêter la bonne nouvelle en grandes pompes. Elle leur détailla les lieux, le personnel, le feeling qu'elle avait et l'accord passé avec la directrice, ainsi que les remarques faites sur son portfolio, telle une gamine s'extasiant devant le Père Noël. Shrinlo était admiratif du courage et de l'effort qu'avait produits la jeune femme pendant cette sortie.

[...]

Ce soir-là, après avoir passé la journée enfermée dans la chambre du chanteur à bosser sans relâche sur des croquis, dont l'inspiration lui était venue d'un coup, elle se décida à sortir pour les trouver, épuisés de leur journée, dans le grand salon. Car même s'ils étaient techniquement en vacances, ils avaient quand même des engagements à tenir vis-à-vis de leur agence.

Elle s'approcha doucement du salon, les observant boire de la bière dans un silence fatigué.

— Noona ? Désolé, on t'a réveillée ? s'enquit le plus jeune en la voyant approcher, pensant qu'elle avait dormi toute la journée pour se reposer, après toutes les émotions qu'elle avait pu traverser en quelques jours.

— Non, je ne dormais pas. Répondit-elle. J'ai travaillé toute la journée et j'ai réfléchi à beaucoup de choses.

Shi Ji, affalé dans son fauteuil, lui tendit un bras, l'invitant à venir se blottir contre lui.

— Vous ne vous arrêtez jamais, pas vrai ? demanda-t-elle d'une petite voix.

— C'est le monde qu'on a choisi. rétorqua X-Life.

Elle lui sourit tristement.

Yüna comprenait les sacrifices pour briller et atteindre le plus haut point dans le ciel. Mais le déclin de leur santé en valait-il vraiment la peine ?

Elle se blottit encore plus contre Shi Ji dont les bras se refermèrent sur elle, la maintenant dans un cocon chaud et apaisant.

Elle les écouta discuter de tout et de rien, se laissant bercer par les conversations qui, pour elle, n'avaient déjà plus aucun sens.

Quand elle sombra dans un demi-sommeil, Shi Ji leur dit :

— Elle est autant épuisée que nous.

— Pas étonnant, elle s'est enfermée dans ta chambre, lança Shrinlo en souriant. Elle y a fait quoi, à votre avis ?

— Dis donc, toi ! s'exclama Lovers. Elle a dit qu'elle avait bossé. À ton avis, que fait une designer de vêtements quand elle s'enferme dans une pièce toute une journée ?

— Trop bien, on a deux stylistes !! s'exclama le plus jeune.

Le jeune homme, du haut de ses 22 ans, ressemblait à un gamin de 10 ans apprenant que la magie existait, tout comme le monde de Narnia.

Soudain, une idée lui vint et il devait absolument l'exposer aux autres sans réveiller la jeune femme qui, bien qu'à demi-consciente et malgré son coréen aussi approximatif que son anglais, écoutait attentivement.

— Dites !! Vu qu'Alex Hyung nous fait déjà nos costumes, vous pensez que Noona serait d'accord pour nous les dessiner ?

— Pour combiner les talents de maman Alexis et de Yüna ? ironisa X-Life.

— Et pourquoi pas ? répondit T qui semblait y réfléchir sérieusement, lui aussi.

Tous deux se lancèrent des regards entendus.

— Pourquoi pas... Mais laissons-la, pour l'instant. trancha Shi Ji, trouvant lui aussi l'idée très tentante.

Je sais quoi faire pour eux, maintenant. Merci, Ka Si, tu es un petit génie. pensa-t-elle, tandis qu'elle ne put retenir un sourire.

— Eh ? Elle sourit ! Noona est d'accord avec moi, même dans ses rêves ! s'exclama le jeune garçon en sautillant sur son siège.

Tous rirent et Shi Ji décida qu'il était temps d'aller dormir.

[...]

Le lendemain.

— A... Alexis ? appela Yüna en entrant dans l'atelier de celui-ci, situé à l'étage privatisé du groupe.

— Oh, Belle Yüna ! Entre ! Que puis-je pour toi ? s'exclama ce dernier en lui ouvrant la porte.

Timidement, elle entra dans l'antre du Don Juan et ferma soigneusement la porte, sachant qu'elle pénétrait un endroit convoité par beaucoup de femmes. Elle s'y aventura doucement, peu à l'aise, et le suivit jusqu'à une table en osier rigide, dont la plaque en verre était recouverte d'un plateau sur lequel trônait une tasse fumante.

Il l'invita à s'installer sur la chaise qui lui faisait face.

— Que me vaut l'honneur de cette visite ? dit-il en s'asseyant, la détaillant du regard, un sourire en coin relevant ses lèvres.

— Je... Je voudrais que tu jettes un œil à ceci et que tu me donnes ton...

— Avis ?

Sans rien dire, elle se contenta de hocher la tête.

Il sourit devant tant de timidité. Yüna posa sur la table son carnet de croquis et le fit glisser vers le chanteur qui attendit qu'elle retire sa main pour l'ouvrir et le feuilleter.

Surpris de voir autant de talent dans ce petit bout de femme, il ne put qu'être admiratif de son travail qu'il trouvait délicat, inspirant et dont certains croquis étaient osés.

— Tu...

Il venait de tomber sur une page qui le figea. Il étudia ce premier dessin avec un intérêt certain.

— J'ai trouvé l'idée très bonne et je voulais faire quelque chose pour vous.

— Alors tu ne dormais pas, pouffa l'aîné, se rappelant de la conversation de la veille lancée par le plus jeune des garçons.

— À demi seulement, rougit la jeune femme.

— Petite effrontée. Oh, je crois me rappeler que tu es plus âgée que moi ! s'exclama ce dernier.

— Petite effrontée me va bien, ne t'en fais pas, pouffa-t-elle, étrangement à l'aise.

Et pour la première fois depuis quelques jours, il l'entendit rire. Et quel rire ! Il était si beau et communicatif que lui-même se prit à la suivre dans cette douce hilarité.

Après ce petit moment de légèreté, il feuilleta le reste du carnet où avaient été dessinés un croquis pour chacun. Impressionné par le talent de la jeune femme, il ne pouvait que saluer son esprit créatif.

— Si je comprends bien, tu veux réellement combiner nos savoirs pour créer ces tenues ?

— Oui... Tu accepterais ?

— Bien sûr que j'accepte ! explosa-t-il soudainement, comme si elle venait de l'insulter. Mais pour ce que tu me demandes, je vais devoir faire des courses...

Il se mit à réfléchir jusqu'à ce que le regard brillant de la jeune femme ne l'interpelle.

— Tu veux m'accompagner ?

— Tu crois que je peux ?

— Il faudrait d'abord demander à Shi Ji, dit-il, les bras croisés contre lui, l'air pensif. Je sais qu'il a très peur pour toi s'il n'est pas dans les parages.

— Tu as raison... Mais je n'ai pas peur avec vous. Même si ce n'est étrangement pas pareil qu'avec lui. Si je suis avec toi, ça devrait être possible, non ? expliqua-t-elle.

— Que dis-tu de ça ? Je vais lister ce dont on a besoin et tu prends ton carnet, car on va en avoir besoin. On demande à Shrinlo et X-Life de nous accompagner, comme ça, ton preux chevalier sera rassuré. lui proposa-t-il comme solution.

Yüna pouffa, elle adorait les entendre se moquer du leader de cette manière, même si elle savait que ce n'était pas en mal.

— D'accord !

[...]

La bataille avait été rude, mais ils avaient finalement obtenu gain de cause. Ils se retrouvèrent donc tous les quatre dehors, masqués, tous autour de la jeune femme pour lui offrir un maximum de protection.

Shrinlo avait sauté de joie quand Lovers et Shi Ji lui avaient dit qu'il accompagnerait la jeune femme en ville. Il s'était empressé de s'apprêter comme pour un défilé de haute couture, mais avait vite été stoppé par ses aînés, lui rappelant qu'ils devaient passer incognito.

La jeune femme en avait beaucoup ri. Il lui avait fait un mini défilé privé qui lui avait donné quelques idées de tenues pour les sorties des garçons.

Ce fut une fois dehors qu'il comprit que le côté discret était requis, car une horde de fans hystériques attendait devant l'immeuble, encerclant la grande porte en verre. Ils avaient dû user d'ingéniosité pour sortir en toute tranquillité. Une fois dehors, ils purent enfin commencer leur petite escapade.

Apeurée, Yüna s'était accrochée au bras de X-Life. Le chanteur coinça son bras dans le creux de son coude, lui assurant ainsi qu'il la garderait en sécurité.

— T'en fais pas, je reste près de toi, lui dit-il, un demi sourire sur le visage.

— M... Mer... ci... bredouilla-t-elle, reconnaissante.

La petite troupe prit la direction de plusieurs fournisseurs de tissus. Ils avaient également une liste de matériaux à prendre pour confectionner les costumes du groupe.

En fin d'après-midi, Yüna ressentit une grande fatigue. Les larmes commençaient à lui brouiller la vue et la panique à gagner du terrain. Sa respiration se faisait de plus en plus rapide et elle ne voulait pas causer de problème, mais il lui fallait rentrer au plus vite, avant de faire une scène.

Alors que tout son corps se crispait d'une crise sous-jacente, sa prise autour du biceps de X-Life se fit plus serrée, alertant le jeune homme qu'il était temps de rentrer, et en urgence.

— Hyung ! On doit rentrer ! s'exclama-t-il.

Les deux autres garçons se tournèrent, les bras chargés, et firent face à une Yüna bien pâle, toute tremblante et les yeux grands ouverts.

— Sors-la, on arrive. ordonna Lovers, alors qu'il allait payer les derniers articles qu'ils étaient venus chercher.

— Viens, on va respirer un peu, la guida doucement son compagnon de balade.

— I... Il faut que je... que je...

— Parle pas, je sais. Ils payent et on rentre. On est pas très loin. Je te porte s'il le faut.

Elle lui lança un regard à la fois outré et apeuré, ce qui le fit sourire. Le chanteur lui parla gentiment, pour tenter de la calmer, en lui racontant ce qu'ils allaient lui préparer comme repas, ainsi que ce qu'elle allait pouvoir créer avec l'aîné comme costumes.

Elle voulait parler, mais elle avait la gorge trop sèche et les larmes menaçaient dangereusement de couler.

Heureusement pour eux, les deux autres sortirent pile à ce moment-là et ils purent tous reprendre le chemin vers l'immeuble, en prenant bien soin d'esquiver les entrées bouchées par les fans et paparazzis prêts à leur sauter dessus.

Ce fut une fois dans l'ascenseur qu'elle commença à pleurer, en silence. X-Life voulut l'aider à se calmer, mais quand les portes en métal s'ouvrirent, Yüna put le voir. Il ouvrit les bras et la laissa venir à lui. La jeune femme réussit à se précipiter contre cet homme qui était, en si peu de temps, devenu son point d'ancrage. Elle pouvait sentir ses bras se refermer sur elle et les battements de son cœur résonner contre son oreille, l'apaisant.

— Comment ça s'est passé ? demanda Shi Ji, tandis qu'il caressait le dos de la jeune femme.

— Bien, mais je pense qu'elle a dépassé sa limite personnelle, répondit simplement X-Life.

— Rentrez, Min Ko a préparé des snacks*. Tu nous raconteras ton après-midi, dit Shi Ji à la jeune femme.

Elle hocha la tête et le suivit à l'intérieur.

***

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