Chapitre 15
Alors que les vacances approchaient de leur terme, Shi Ji voulut en profiter pour offrir à la jeune femme, et au groupe, un peu de détente.
Il décida de les emmener dans un sauna à l'extérieur de la ville. Là où il savait que personne n'oserait venir les déranger.
Ce fut ainsi qu'ils partirent dans la camionnette d'Alexis. Le véhicule ne payait pas de mine, mais c'était une sorte de ruse pour passer complètement inaperçus.
Shi Ji en prit le volant et les embarqua vers un petit village très rustique qu'il aimait beaucoup. Il se gara et les précéda vers une petite bâtisse vieillotte.
— Bonjour ! s'exclama une vieille femme qui le reconnut.
— Bonjour ! Je suis venu avec mes amis et une invitée, ça ne vous dérange pas ?
— Bien sûr que non, mon garçon ! fit la grand-mère en lui prenant les mains pour les serrer dans les siennes. Je suis toujours très contente que tu viennes jusqu'ici, alors avoir un peu de monde fera vivre cet endroit.
— Vous savez bien que j'adore venir ici quand je peux, lui dit-il avec un grand sourire.
— Et nous sommes toujours aussi contents de te voir, fit une voix derrière le comptoir.
Un homme d'un âge assez avancé s'approcha pour le saluer et se positionner près de la vieille femme.
— Ce sont les gérants de cet établissement, expliqua Shi Ji à Yüna et au groupe.
— Nous vous avons vus à la télé, hier. Vous avez été grandioses, comme à chaque fois. fit l'homme en souriant, tout fier.
— Merci. répondirent les garçons avec beaucoup de respect.
Le vieux couple les devança pour leur montrer les vestiaires. La vieille femme prit Yüna à part pour l'accompagner ailleurs. Paniquée, elle fit un bond en arrière, trop surprise par la familiarité de cette dernière qui la dévisagea, inquiète.
— Tout va bien, mon enfant ?
— Je... D... Désolée, je ne voulais pas... C'est...
— Yüna n'est pas fan du contact avec des étrangers, mais elle y travaille. intervint son preux chevalier en adressant un sourire penaud à la femme qui avait porté une main sur son cœur.
Shi Ji glissa son bras autour de la taille de Yüna, l'attira contre lui et lui adressa quelques mots aux creux de l'oreille. Elle hocha timidement la tête et suivit la femme. Il ne bougea pas, attendant qu'elle disparaisse de son champ de vision pour rejoindre les autres dans la partie des hommes.
Une fois tous en serviettes, les hommes quittèrent leur vestiaire pour entrer dans une sorte de grande salle de bain collective. Ils s'installèrent chacun sur un tabouret pour se laver, avant d'entrer dans les grands bains fumants.
Une fois qu'ils furent tous dans l'eau chaude, le vieil homme les questionna, profitant de l'absence des femmes :
— Votre amie est malade ?
— Pourquoi vous nous demandez ça ?
— J'ai connu quelques personnes qui avaient ce genre de réaction. J'ai mis du temps à comprendre, avant qu'on ne dise ce que ces personnes avaient.
— Phobie sociale ? l'interrogea Shi Ji, curieux.
— C'est donc ça...
— Oui, mais c'est plus compliqué pour elle, compléta le chanteur. On fait ce qu'on peut pour l'aider à avancer dans le monde, mais c'est...
— Pas facile, hein ? Vous avez bien du courage, lui dit le vieil homme, admiratif.
— C'est elle la plus courageuse ! lança Shrinlo en se redressant dans l'eau, créant des vagues qui emportèrent sa serviette.
— Assieds-toi. Si Yüna arrive et te voit comme ça, elle va nous claquer entre les doigts. l'implora Alexis, lui tendant le tissu qu'il avait récupéré.
— Oh, pardon... rougit ce dernier, nouant de nouveau la serviette autour de sa taille.
Un bruit de porte se fit entendre, ainsi que des petits pas qui se dirigeaient vers les bacs de douche.
La vieille femme parlait et riait toute seule, mais le groupe devinait assez facilement que la jeune femme, encore très peu à l'aise, lui répondait à voix basse.
— Oh, c'est vrai ? Ça doit être tellement beau à visiter ! Mon dieu, si j'avais su, j'aurai préparé de quoi vous restaurer pour que vous me racontiez tout ça ! Oh, ne vous excusez pas, ma douce, nous avons tellement rarement du monde. Qui vient ici, d'ailleurs...? Oh, bien sûr que si ! Nous avons voyagé, mais pas aussi loin. Hmm, si je me souviens bien, nous avons fait le Japon, la Chine, la Russie... Oh oui, et il faisait si froid...
Les six hommes pouffèrent jusqu'à ce qu'ils entendent les deux femmes quitter les baquets et entrer dans l'eau du bain chaud. La voix de Yüna se fit soudain bien plus audible.
— Alors ma jolie, comment vous trouvez l'endroit ?
— C'est joli. Ça me rappelle un peu chez moi.
— Vous avez aussi des saunas ?
— Pas les mêmes, mais je parle de l'architecture. Là où j'habitais avant de venir ici, c'était un vieux village assez authentique avec de la pierre dans un style encore Moyen Âge. Mais c'est un style que j'aime beaucoup. raconta-t-elle avec une pointe de nostalgie dans la voix.
La vieille femme buvait littéralement les paroles de la trentenaire bretonne qui ne s'arrêtait plus de décrire son pays et plus particulièrement sa région natale. Les garçons en profitèrent également et se prirent à rêver d'aller visiter ces endroits qu'elle décrivait avec tant de passion.
[...]
Durant tout le temps qu'ils passèrent dans la grande baignoire, Yüna et Shi Ji n'avaient eu de cesse de se jeter des regards. Le grand bain central était découpé en deux parties uniquement délimitées par un grand pilier assez large pour se cacher.
Alors que la vieille femme et son mari avaient accaparé la jeune femme pour lui parler voyage et architecture, les quatre autres en avaient profité pour écouter, mais surtout pour capter les regards que ces deux-là s'échangeaient.
Une question s'imposa à eux comme une évidence : Que fera Shi Ji à la fin des vacances ?
Le CEO avait très clairement fait comprendre à tous qu'à la fin de celles-ci, il viendrait leur rendre visite pour mettre les choses au clair et comprendre la situation, afin de mieux anticiper la suite.
Sachant cela, tous étaient en proie à une inquiétude grandissante et à un questionnement incessant. Mais personne n'osait en parler ouvertement devant Yüna. Sauf que les sentiments que le couple développait l'un pour l'autre commençaient à être bien trop visibles à leurs yeux. Ho Ly, qui passait souvent les voir, était également le témoin de cet amour naissant.
Cette journée de repos était bien tombée, mais mettait au grand jour l'inévitable, l'Amour.
Et ce fut durant cette journée que Shi Ji comprit qu'il ne pourrait décemment plus être séparé d'elle. L'Agoraphobie était une peur de l'humain, mais actuellement, lui avait peur que cette humaine ne disparaisse de sa vie et ne laisse qu'une coquille vide dans une vie sans saveur.
Le vieux couple les invitèrent à rester déjeuner avec eux et pour les remercier, Yüna prépara un nouveau plat typique de la France.
Trop heureux d'avoir une étrangère chez eux pour leur faire découvrir son terroir, le vieux couple n'avait pas résisté très longtemps avant de lui céder leur cuisine et de profiter du groupe pour discuter de tout et de rien.
Le repas avait été, encore une fois, très copieux. La vieille femme avait même pressé Yüna de lui fournir tout un tas de recettes à refaire.
Prise dans un tourbillon de plaisir, la jeune femme ne vit pas le temps passer et ne s'était pas rendu compte non plus qu'elle avait arrêté de sursauter au moindre frôlement.
Mais elle devait revenir à la réalité. À la fin de cette semaine, le CEO de ToXy Entrainement viendrait lui parler et elle devait savoir quoi lui répondre s'il lui demandait de partir.
Y arriverait-elle ? Non. Pourrait-elle survivre seule ici, à Séoul ? Non. Essayerait-elle tout de même ? Oui, si c'était pour prouver à tous qu'elle n'était pas totalement dépendante de Shi Ji ou du groupe. Mais ce ne serait pas sans conséquence et elle le savait.
Quand ils durent quitter ce petit couple adorable, Yüna eut soudainement la nostalgie de son pays et de ces êtres qu'elle avait perdus au cours de ces dernières années.
Tous avaient eu une longue vie et elle avait été, pour chacun, bien remplie. Maintenant, c'était à elle de remplir la sienne et de faire ce qu'il fallait pour ne pas ternir le souvenir de son passé auprès de ses chers disparus.
Mais sa peur et son dégoût n'était jamais loin.
Si le CEO lui demandait de partir, elle savait déjà qu'elle ne survivrait que très peu de temps avant de se terrer dans le fond d'une pièce, en attendant qu'on vienne la chercher pour l'en sortir. Mais elle ne pourrait pas se dresser contre lui non plus. Elle n'en aurait pas le courage et de toute façon... il aurait bien raison de la mettre dehors.
— J'ai adoré ! dit-elle de but en blanc, surprenant les garçons qui lui répondirent par un sourire rayonnant.
Oui, elle avait adoré plus que tout cette journée, la dernière de cette parenthèse de bonheur.
Demain, tous reprendraient le chemin du travail et des emplois du temps surchargés, mais aussi la solitude et le surplus de doute et de questionnement.
Demain sonnerait la fin ou l'évolution.
Demain... elle ne voulait pas y penser, mais quoi qu'il décide, elle ne s'en relèverait pas...
***
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