Enlevée
Emma sortit de ses souvenirs en clignant des yeux alors qu'elle reprenait connaissance, et regarda autour d'elle, désorientée. Peu à peu, elle se souvint ; le sentiment d'être observé, cette odeur étrange, glaçante, puis l'agression. Elle se redressa, tandis qu'une douleur fulgurante lui vrilla le crâne, l'obligeant à rester un temps immobile. Les séquelles de l'étranglement infligé par son assaillant lui laissaient une gorge desséchée et meurtrie. Une montée d'adrénaline se faufila dans ses veines.
La jeune femme inspira et expira profondément, répétant cet exercice plusieurs fois tandis que le calme revenait en elle. Sa peur à peu près maîtrisée, son regard balaya le lieu de sa détention.
La pièce, de surface moyenne, était éclairée par une lumière diffuse provenant d'un plafonnier qui aidait à percer l'obscurité. Aucune fenêtre, aucun meuble, sauf un petit lit en acier sur lequel elle se tenait assise, ainsi qu’une table de chevet du même métal. En y regardant de plus près, elle découvrit qu'ils étaient boulonnés au sol.
Se mettant debout, les jambes flageolantes, Emma se dirigea vers une ouverture à la droite du lit. Il s’agissait d’une salle d’eau avec une douche à l'italienne qui occupait le fond de la pièce, ainsi qu'un toilette et un lavabo posé sur un meuble ouvert, renfermant le nécessaire pour l’hygiène. Elle le fouilla frénétiquement avec le désir d’y trouver un objet susceptible de l’aider à se défendre a minima, mais son espoir fut vain. Même le miroir encastré dans le mur était en acrylique renforcé et donc incassable.
Sa visite se termina par l'entrée de la cellule. En acier et sans poignée, la porte possédait un judas positionné à hauteur d'yeux avec à la gauche, un boîtier d'ouverture à carte fixé au mur. Désemparée, elle retourna s’asseoir sur le lit, se cala contre la tête et attendit, le corps tendu, les mains moites et crispées sur le drap, avec la sensation que la peur rampait sous la surface de sa peau.
Où était-elle ? Que lui voulait-on ? Qui ? Son agresseur l’avait suivi, il savait. Enfermée dans sa détermination farouche d’aller jusqu’au bout de sa décision, Emma n’avait tenu aucun compte de ce qui se passait en dehors de son objectif, mais ne doutait pas que son enlèvement était lié à ses actes. Fermant les yeux, elle attendit ce qui lui parut des heures, le cœur au bord des lèvres.
"Mettez-vous au centre de la pièce."
La jeune femme glapit et sursauta au son de cette voix grave désincarnée. La frayeur tenta de la submerger, des sueurs froides dégringolèrent dans son dos, sa gorge se serra, son estomac se contracta, mais elle contint cet afflux de sensation. Le son provenait du boîtier, ou plutôt de l'interphone placé au-dessus de celui-ci. Se levant, elle se positionna, vacillante, et se composa un masque d'impassibilité, décidé à dissimuler ses émotions. Une habitude acquise après des années de maltraitances physiques et psychologiques dispensées par sa mère.
La porte s'ouvrit dans un chuintement silencieux. Emma étudia l’homme qui s’avançait. Tout de noir vêtu, grand, cheveux roux hirsutes, un regard sombre et froid. La peur roula sous ma peau moite, mais malgré cela, elle le fixa droit dans les yeux et l'apostropha.
— Où suis-je ? Que me voulez-vous ? Qui êtes-vous ?
L'homme s’arrêta face à elle en haussant les sourcils, le regard dur, l'obligeant à brider un besoin primaire de reculer.
— Vous n'êtes pas en position de poser des questions. Tournez-vous.
Elle reconnut la voix de son agresseur, mais resta immobile et avec un effort colossal, réprima ses tremblements. Une colère, bienvenue, circula dans ses veines. Consciente de jouer avec le feu, son menton se releva dans une attitude de défi, résolu à ne plus jamais se soumettre à qui que ce soit.
L'homme ricana, et son rire lui fila la chair de poule. Il dégageait quelque chose d'étrange, de chaud et de froid, qui la mettait extrêmement mal à l'aise.
— C'est vous qui m'avez agressée là-bas, espèce de connard !
— Bon, ça suffit !
Il se retrouva dans son dos, attacha ses mains et recouvrit ses yeux d'un bandeau en un temps record, alors qu'elle tentait de crier et de se débattre, en vain. Comment avait-il pu aller aussi vite ? Il la poussa vers l'avant, mais la jeune femme freina des quatre fers. Son agresseur grogna, la souleva et la jeta sur son épaule comme un vulgaire sac.
— Si tu n’arrêtes pas de gigoter, je t'assomme, est-ce que c'est clair ?
Son corps se figea, son bandeau mouillé par des larmes de peur et de rage.
Il sortit de la pièce et s'engagea dans ce qui lui semblait être un long couloir, puis entra dans un ascenseur qui descendit très bas, ce qui l'inquiéta davantage. Des images de sous-sols angoissants, où étaient retenues et torturées des victimes de psychopathes, défilèrent devant ses yeux, lui glaçant le sang.
Arrivé à destination, il reprit son chemin sur quelques mètres, s'arrêta pour toquer, ouvrit une porte, s'avança, avant de la reposer sur ses pieds sans douceur. Elle tenta de garder son équilibre, mais gênée par ses entraves, chuta sur les genoux. Tremblante de fureur, sa colère explosa.
— DÉTACHE-MOI ENFOIRÉ !!!
— Dan ?
— C'est une emmerdeuse, boss ! grogna l’interpellé, lui ôtant son bandeau et la redressant.
La lumière vive l’incita à plisser les yeux. Un individu brun et vêtu d'un costume sombre lui tournait le dos, planté devant une grande baie. Furibonde, Emma fusilla le dénommé Dan du regard avant de revenir sur l’inconnu. Elle jeta un œil sur ce qu'il se cachait derrière la vitre, mais celle-ci s'occulta alors que l'homme pivotait.
— Bonjour, Mademoiselle Evans.
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