Visite
Dan l'entraîna à pas vif dans le couloir. Au fil de leurs pas, elle ressentit un mal-être croissant. Une sueur froide dégringola le long de son épine dorsale. À cette profondeur, elle se doutait que la lumière naturelle serait exempte des lieux. Or, malgré l'éclairage généreux diffusé par des appliques disposées sur la longueur de ce corridor interminable, celle-ci paraissait lutter pour s'imposer. Elle ne comprenait pas d'où venait cette sensation. Une sensation qui lui donna la chair de poule.
Ils passèrent devant plusieurs portes fermées et, au bout, entrèrent dans un nouvel ascenseur et descendirent encore au grand désarroi d'Emma. Ils ressortirent dans un autre couloir, et elle s'arrêta net, au cri ou plutôt au hurlement étouffé qui lui parvint aux oreilles.
— C'était quoi ça ? croassa-t-elle, affolée et tremblante.
— Voici les quartiers de bienvenue. Avance.
Dan observa son visage blême et poussa un soupir agacé. Il se demandait pourquoi son Boss lui octroyait le rôle de nounou, à lui, un lieutenant.
— Tu veux des réponses ? Alors avance bordel !
Elle sursauta au ton vindicatif du cerbère qui l'accompagnait, puis lui emboîta le pas pour entrer dans la pièce dont il tenait la porte ouverte. Devant elle, une salle immense. Elle tentait de comprendre ce qu'elle voyait, les yeux écarquillés. Sur la droite, cinq boxes d'environ 7m² s'adossaient au mur, seul l'avant offrait une ouverture munie de barreaux. Les autres côtés étant fermés.
À gauche, une véritable scène d'horreur. Des chaînes pendaient du plafond et entravaient un homme nu. Chacune d'elle lui maintenait les poignets au-dessus de sa tête à bout de bras. Ses pieds touchaient à peine le sol. Une cagoule noire le gardait dans l'obscurité. Un autre individu lui jeta un seau d'eau qu'elle supposait glacée, le prisonnier poussa un cri de rage, puis éclata d’un rire moqueur.
— C'est tout ce que vous avez ? Allez vous faire foutre ! ! je ne vous dirais rien, cette petite pute crèvera de faim et de froid si vous ne me libérez pas. Mon pote la laissera mourir, à moins qu'il ne décide de la tuer. Vous n'avez pas le choix, connards ! !
À ces mots, Emma plaqua sa main sur sa bouche pour étouffer son exclamation de stupeur. Elle se tourna vers Dan.
— Cette ordure a enlevé une fillette de dix ans avec l'aide d'un autre type, il y a trois jours. Nous les avons pistés et réussi à choper celui-là alors qu'il cherchait à se fournir en drogue. Cet abruti trop sûr de lui a relâché sa vigilance. Nous l’interrogeons pour savoir où se trouve la petite fille avant que son complice, qui fait partie d’un réseau de trafic d’humains, ne la fasse disparaître de façon définitive.
— Mais pourquoi ne pas l'avoir simplement suivi jusqu'à son repaire ?
— Parce qu'ils s'étaient séparés. Le plus dangereux détient la petite. Cette lavette ne vaut rien, il nous racontera ce que l'on veut savoir. Cette salle de bienvenue accueille les types, ou les femmes d'ailleurs à qui l'on doit tirer des informations urgentes. Trois invités se tiennent dans les boxes. Celui entravé que tu vois, un autre homme dont l'épouse reste introuvable depuis qu'une plainte a été déposée contre lui pour violences conjugales, et le dernier, que nous soupçonnons de diriger une filière de pédophilie.
À ces mots, Emma se mit à trembler, pas de peur, mais à cause des réminiscences qui l'accompagnaient depuis son enfance. Réminiscences qui effleuraient son âme, jusqu'au jour où un événement majeur déclenchât une remontée dans sa mémoire de tous ses souvenirs, d'une clarté telle qu'elle se retrouva sur le chemin des abysses.
Dan sentit le moment exact où l'humeur de la jeune femme changea. Il réprima un sourire de satisfaction. Emma tourna son regard vers l'homme suspendu. Alors elle assimila le fait que cette pièce s'avérait être une salle de torture. Les sols et murs étaient carrelés pour en faciliter le nettoyage. Les rigoles creusées qui rejoignaient un trou au pied de l'individu attaché afin d'évacuer le sang, les étagères sur lesquelles s'alignaient divers objets. Elle reconnaissait, sans en être experte, des instruments chirurgicaux.
— Dan, tu devrais la sortir d'ici, ce n'était qu'un amuse-gueule, inutile qu'elle assiste à la suite.
L'homme qui venait de parler se dirigea vers une étagère où il prit un objet, lorsqu’il se tourna Emma croisa son regard. Un regard d'un bleu glacial, concentré et décidé. Elle ravala la bile qui remontait dans sa gorge et se força à retrouver une respiration normale. Il lui adressa un clin d'œil ainsi qu'un sourire qui ne monta pas jusqu'aux yeux.
Il se dirigea vers le type cagoulé, qui inquiet des paroles du bourreau cherchait à savoir ce qui allait se passer d'un ton beaucoup moins arrogant. La vue occultée alimentant une peur fondamentale. Un gémissement issu de l'un des box lui parvint.
— Allons-y. J'ai d'autres choses à te montrer.
Sans hésiter, elle suivit Dan dans le couloir. Ils reprirent l'ascenseur et remontèrent. Avec ces allers- retours, toute notion de repérages s'évanouissait. Toalsar disait vrai, se sortir seule d'ici se révélerait être une gageure. Déboussolée, elle talonna son guide qui marchait à longues enjambées, aveugle à ce qui l'entourait. Des bruits de voix lui parvinrent. Elle redressa la tête et resta bouche bée.
Devant elle se présentait un immense gymnase de forme ronde. Dan la poussa pour l'inciter à entrer, elle avança en admirant la pièce. Pas de porte, mais une grande arche taillée dans la roche brute comme le reste de la salle.
Des gens s'entraînaient au corps à corps sur un sol en sable. Tout autour, en arc de cercle, des bancs en pierre occupés par quelques personnes encourageant les combattants. Ils portaient tous des tenues fluides aux couleurs rouges et noires, ou plutôt sang et noires. Derrière les spectateurs, un attirail complet d'armes à mains. Des épées, des sabres, des cimeterres, ainsi que des boucliers et d'autres instruments de combat inconnus pour elle.
Au bout d'un moment, elle entendit le silence qui régnait. Une chappe d'angoisse lui tomba dessus, tous les regards se focalisaient sur elle. Elle se recroquevilla sur elle-même.
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