De plume et de sang
Mes pieds nus foulaient la rue pavés de pierres carrées. Les gens se retournaient sur mon passage en entendant les bracelets à mes chevilles. Ma chevelure d'or rouge encore coiffée de mes plumes colorées attirait tout les regards. Je savais pourquoi. J'étais l'archétype de la beauté actuelle. Grande, bien bâtie, les cheveux longs et bouclé et les pommettes hautes. Mon teint bronzé de fille du grand air plaisait et tout un chacun s'accordait à dire que cela faisait ressortir mes yeux d'un noisette profond et mes tatouages dorés. J'avais le sourire facile sur mes dents fortes et blanches mais là... Mes lèvres peinte en rouge vif les recouvraient. Le gens ne faisaient pas que lever les yeux sur moi, ils me suivaient aussi du regard. Mais ma tunique courte de l'entraînement de Poc'holali moulait mon corps comme une seconde peau et même si ma jupe se soulevait haut sur mes cuisses, elle était si bien adaptée à cacher mon intimité lors de cabrioles et bonds en l'air que les voyeurs n'avaient aucune chance. Je poursuivis mon chemin, rendant brièvement un salut aux personnes que je connaissais personnellement mais ne m'arrêtais pas pour partager un Noca, une boisson gazeuse de plantes macérées que j'affectionnais particulièrement comme tout mon peuple. Je n'étais vraiment pas d'humeur. Après mon entraînement j'étais directement aller chez notre Chumana, notre soigneuse, comme à toutes mes demies lune. C'est là qu'elle m'avait assénée une nouvelle dont je peinais à me remettre. Je refoulais mes larmes, serrais les dents et poursuivit mon chemin.
En longeant la route principale, je finis par arriver en bordure de ma cité et la rue pavée laissa la place à un sentier montant de terre battue entretenu par les milliers de pas se rendant quotidiennement à l'un de nos innombrables temples dédiés à nos divinités. Après avoir dépassé trois bornes peintes en vert et jaune, je me figeais une seconde devant la statue de Chi'ski. Si Makalu déesse des pluies et de la nuit avait ma préférence, j'adorais également Chi'ski maître des volcans et de l'orage et fit une courte pause le temps d'admirer sa beauté. Chi'ski était capricieux, sombre et violent, il convenait de l'apprécier à sa juste valeur sous peine d'encourir sa fureur. Je regardais autours de moi pour lui faire une offrande, dans ma précipitation à fuir, j'avais oublié que je passais devant son temple. Mon Dieu aimait le rouge, le sang et le bruit. Après une centaine de pas, je trouvais une fleur de Cokiline d'un rouge profond. J’ôtais une clochette de l'un de mes bracelets de cheville et nouait le tout ensemble dans une jolie composition florale avec quelques feuilles de Noka sauvages. J'y ajoutais l'une de mes plumes blanches rayées de jaune qui me faisaient penser à l'éclair et à l'aide de mon couteau de chasse je m'entaillais à la naissance du poignet sous l'une de mes bandes de tatouage doré et fit glisser quelques gouttes de sang sur le ruban maintenant mon offrande. Satisfaite, je me repositionnais devant la statue à l'air terrible et m'agenouillais en le remerciant pour ma rapidité et ma beauté. Chi'ski aimait le mouvement et non les longues litanies comme Mézéa déesse des ombres et de la pourriture alors je me relevais prestement, déposais mon offrande, et poursuivis ma route en longeant le temple fait de pierres et de boue blanche.
Le sentier finit par disparaître dans la montagne, les gens allant rarement au delà de la montée du temple des Orages. Je parcourus encore l'équivalent d'une dizaine de bornes même si sous la broussaille, il était impossible de reconnaître exactement les distances. La Chumana m'avait de toute façon trop choquée pour que j'y accorde une quelconque importance. Ma mère avait tenu à ce que j'aille régulièrement la voir ainsi que des dizaines d'Oracles différents pour déterminer quel était mon problème. Elle disait que depuis enfant, j'avais une jalousie maladive d'elle et de ma soeur et elle m'avait amenée en cure des dizaines de fois pour tenter de soigner mon mal. Quand ses tatouages et sa chevelure avaient viré à l'argenté et que les miens éclataient d'or à peine rosé elle m'y avait amené toutes les demi-lunes en prétextant que je lui avais lancé une malédiction. Chose dont je me serais bien gardée, les Dieux m'en soient témoins. Ma petite soeur avait le teint plus clair que le mien et les cheveux noir comme les Carbox. Ses tatouages ressortaient cuivré sur sa peau blanche. Il était de notoriété qu'elle n'était pas très jolie et pas très habile. Elle était devenue ombrageuse depuis quelques années mais je continuais de la vénérer même si rien n'y faisait, je n'obtenais que rancune et remarques. Mon tempérament et tous mes actes leur pesaient. J'avais beau m'échiner aux entraînements de Poc'holali et devenir l'une des meilleures de mon équipe, je sautais haut et ma force était l'un des piliers de notre stratégie d'attaque, m'habiller simplement et travailler tous les jours à la bijouterie dans laquelle j'excellais, impossible de leur tirer autre chose qu'une commentaire acerbe. Je les agaçais toujours autant. La Chumana m'avait alors asséné la racine de mon problème et je ne m'en remettais pas. Je dus agripper au tronc d'un arbre pour ne pas chanceler. Rien n'aurait pu être pire que ça...
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