Assis à ma table, mes doigts tapent à une vitesse fulgurante les idées qui me viennent sur mon ordinateur. Est-ce cette douce odeur de café qui m'inspire en cette paisible matinée d'été? Je jette un oeil à la table d'à côté, les trois jeunes gens qui étaient plutôt bruyants s'en vont enfin en continuant de glousser comme ils le faisaient jusqu'à maintenant. Le café se vide peu à peu, comme tous les matins à cette heure-ci, les gens partent travailler. Quelques habitués sont encore là, dont moi. C'est l'avantage d'être un écrivain, on écrit quand on veut, où on veut. Je m'arrête quelques instant pour touiller mon café. Le bruit de la cuillère contre la tasse m'apaise et me permet de recentrer mes idées qui partent un peu dans tous les sens. Je continue de remuer légèrement ce sombre breuvage, lève la tête quelques secondes et parcours la salle d'un regard furtif, celui-ci se posant sur une jeune femme que je n'ai jamais vu, à l'autre bout de cette grande salle, assise seule à une table pour deux, lisant ce qui semble être un roman. Se sentant certainement fixée, elle regarde dans ma direction et se replonge dans son histoire. Elle est belle, jeune, et ne semble pas farouche au vu du décolleté qu'elle porte. Vu son allure, elle doit attendre quelqu'un, un homme surement. Je me lève et me dirige vers les toilettes, elle m'intrigue, je veux la voir de plus près. Alors que je passe à côté d'elle, elle me regarde rapidement avec ses grands yeux parés d'un trait de crayon noir accentuant leur belle couleur bleue. Je fais demi tour, saisis la chaise qui lui fait face et demande avec mon air gentleman:
"- La place est prise? ou alors vous attendez quelqu'un?"
Elle me toise, d'un air hautain, plein de jugement avant de répondre par un petit "non" sec. Je ne comprendrai jamais les femmes, elles s'habillent avec des décolletés, des jupes, des talons, des robes, se maquillent, et semblent génées lorsqu'on les approche.
Elle continue de lire, sans me considérer. Je me sens légèrement vexé. Elle s'habille comme une allumeuse mais quand il s'agit de faire la discussion il n'y a plus personne.
- Vous savez je suis écrivain, j'aime lire, ça nous fait un point commun, c'est un bon début! je lance d'un air amusé.
- Un bon début?
Le ton sarcastique employé par la jeune femme m'agace mais je tente de passer outre.
- Vous avez quelqu'un dans votre vie?
Elle me dévisage, je ressens un certain mépris dans son attitude.
- Non, je n'ai personne mais je ne suis pas intéressée.
Son attention retourne dans son ouvrage. Plein de rage, touché dans mon estime, je me lève, la reluque et m'exprime assez fortement:
- Seule dans un café, habillée comme vous l'êtes, il ne faut pas vous étonner que l'on prenne ça pour une invitation. Cessez de jouer les vierges effarouchées quand vous ne l'êtes pas.
Elle semble bouché bée, ne répond rien. Encore une qui n'a pas de répartie. Je retourne m'asseoir à ma table, les gens autour ont cessé de regarder la scène et vaquent à leurs occupations. Certains lisent le journal, d'autres sont sur leur téléphone ou sont dans leurs pensées. Je jette un rapide coup d'oeil à sa table, ses affaires et elle même ne sont plus là. Je hausse les épaules, lâche un léger et me remet au travail.