Pas plus loin que le bout de son nez
La voilà encore qui pique du nez cette pauvre fille au port de tête pourtant si charmant ! Chaque fois que sa jalouse de copine se moque d’elle en public elle se sent en dessous de zéro et baisse des yeux de Caliméro au dessus de son interminable et disgracieux tarin. Sa forme et son volume lui apposent, depuis sa plus mignonne enfance, un masque ressemblant trop bien aux lunettes à moustaches, montées sur un pif grotesques, que ses camarades ne manquaient jamais de se procurer dans la redoutée boutique de bonbons et de farces et attrapes du bled local. Ils les portaient devant elle, hilares et bruyants, excités comme des pucerons tétant leur chenille, secoués de l’irrésistible bouffée de pouvoir sadique de lui renvoyer l’image risible et grotesque qu’elle était, par malchance, dans le miroir de leurs yeux cruels et sans la moindre innocence enfantine. Des yeux qui ne savaient déjà que refléter la souffrance et la méchanceté jouissive, puisque gratuite, se dépouillant très tôt de leur humanité en bribes déchirantes, en lambeaux de mesquineries orchestrées, annonçant les tortures et autres calvaires des premières étapes d’une vie.
Pauvre Marinette ! Si fâcheusement et inélégamment surnommée « gros pif », ou encore « gros tarin » et autres sobriquets, qui ne manquèrent pas d’inspirer l’imagination fertile des branleurs moqueurs et autres rieurs avides d’exécutions publiques, si minimes et sans danger mortels soient-elles ! La période du lycée apporta la touche distinguée et cultivée à l’insulte de base dans le cours de français grâce à un Cyrano de Bergerac, innocent, et ignorant des conséquences de sa parfaite tirade nasale qui en est le classique incontournable. Il faut avouer que cette ère ne manquait pas de panache, à l’image de sa source et modèle onomastique, si bien que Marinette se consolait un peu grâce à la sympathie, irrémédiablement inspirée, par ce personnage populaire et respecté dont elle partageait, en quelque sorte, le calvaire.
Le reste de son visage ne participait pas très énergiquement à compenser l’énormité de l’organe qui piquait vers une bouche trop fine, dépourvue des courbes qui rendraient les lèvres pleines et ourlées. Le nez s’imposait en vedette indétrônable, prenant tant de place au milieu de deux yeux trop petits pour même afficher une couleur remarquable. Ces yeux étaient si gênés par la présence de cet énorme protubérance qui bloquait, ainsi, leur champ de vision qu’ils semblaient en loucher, incapables de voir plus loin que le bout de ce nez. Elle ne parvenait que très péniblement, et au prix de violents efforts de volonté, à regarder ses interlocuteurs dans les yeux, qu’ils soient étrangers ou même proches. Son nez lui faisait l’effet d’un phare géant vers lequel son regard se naufrageait, trompé par le guide traitre et menteur.
Les affres des émotions gênantes, provoquées par les performances et autres improvisations humiliantes entre copains qui « ne pensaient pas à mal et « ne faisaient que rigoler », se traduisaient immanquablement, chez la malheureuse qui les subissait, par toute une panoplie de grimaces disgracieuses, de colorations violentes et incontrôlables qui étaient sans indulgence pour ce nez déjà taré par sa taille dépassant, de toute évidence, les normes permises. En plus de piquer du nez en rougissant intensément la pauvre Marinette ne pouvait contrôler ses lèvres qui tremblaient avant de se tendre comme des élastiques en fin de carrière, quand, bravement et péniblement, elle tentait de sourire pour bluffer les rieurs en prenant la chose aussi légèrement qu’eux. Parfois elle parvenait à émettre un rire mort-né, flottant à la fois mollement et nerveusement sur sa bouche sans attraits, traçant comme l’empreinte indélébile d’un rictus hideux, digne des sorcières de contes de fées.
Pourtant elle avait un charme classique et certain de fille naturellement mince et élancée, aux seins fermes et pointus, se balançant sur des hanches fines, des jambes fermement galbées selon les critères de leur type, un ventre authentiquement plat qui impressionnait énormément les autres filles dont c’était souvent la préoccupation principale. Justement, la copine la plus irritante, parce que la plus jolie, gracieusement doté d’un adorable petit nez digne de fleurir sur la face ébahie de Cléopâtre, avait souvent des problèmes à maintenir la population graisseuse de son corps naturellement rondouillet, et donc en grand risque de boudinage. Dans ses périodes maigres elle se pavanait en tenues moulantes et colorait son parfait petit visage de fards provocants et immanquablement remarqués. Son attitude était, dans ces moments, relativement infecte et insupportable, et la compétition primaire et basse pour les mâles, et pour leur attention puérilement brève et faible, devenait rapidement invivable pour Marinette qui piquait du nez désespérément. Elle se cachait, dans ces moments terribles et angoissants, dans les coins obscurs des terrains de chasse, en général bars ou boites de nuit, où les mecs en sont les gibiers, certes pas glorieux, mais mieux que rien malgré tout.
Mais quand sa copine traversait ses trop nombreuses périodes grasses Marinette avait enfin l’avantage du territoire et le champ de bataille lui appartenait, par parcelles annexées et gagnées, cédées à contrecœur par l’amie-ennemie, vaincue à chacun de ses gonflements d’accordéon indisciplinés. Le visage de sa rivale s’empâtait plus rapidement qu’il ne décroissait et son cou était particulièrement touché par la montée graisseuse qui se logeait, tout naturellement, et sans faute, dans le double-menton, lequel pendouillait dangereusement pour ressembler à celui d’un dindon. Le cou et sa position stratégique dans l’encadrement et le maintien du visage était, justement, le trait le plus avantageux d’une Marinette, dont le cou de cygne imposait un certain charme féminin qui se diffusait dans tout son être, lui donnant un air d’elfe gracile qui dodelinait une tête bien posée, exposée sur ce piédestal de beauté qui était, chez elle, d’une longueur et d’une finesse remarquables et de fait remarquées.
Dans ces moments de victoires temporaires Marinette sortait de l’ombre des trous où, généralement, elle se terrait pour s’afficher à son tour, en tenues seyantes qui rappelaient celles de la copine regrossie, tout en soulignant la différence, incontestablement avantageuse pour la perdante d’hier jubilante. Son cou gracile et sensuel lui donnait un port de reine dont la tête, ainsi présentée, semblait attendre le couronnement imminent qui confirmerait l’authenticité de sa beauté révélée. Elle avait cet éclat de femme distinguée, ayant une classe naturelle, presque aristocratique, régalienne pourrait-on dire, que l’on remarque en premier chez des femmes de beauté et d’influence notoires telles que Grace Kelly, ou encore Audrey Hepburn, incarnations incontestables de la perfection féminine, de l’élégance, et du style.
Mais les victoires de séductions locales ne sont jamais parvenues à assouvir l’alanguissement et le désir brûlants d’avoir un nez charmant, ou tout au plus normal, qui consumait Marinette depuis toujours, en injectant une peur incontrôlable de son miroir et une haine passionnée pour l’image qu’il lui renvoyait. En avançant dans son parcours de femme, Marinette se persuadait de la nécessité du miracle annoncé de la chirurgie esthétique et de ses promesses dorées. Elle avait donc consulté plusieurs chirurgiens pratiquant les meilleures rhinoplasties, nom technique de ces opérations du nez perfectionnées au fil des années de pratique, et d’expérimentation, sur les patients désespérés qui s’y sont accrochés comme des naufragés sur une bouée de secours.
Le chirurgien qui parvint à gagner sa confiance suggéra une autre opération, nécessaire semblait-il au succès de la rhinoplastie et qui concernait l’augmentation du menton, qui devait être ajusté, et accordé au nouveau nez dont la nouvelle forme changerait complètement l’équilibre préexistant du visage. Cette opération portait le nom savant de génioplastie et consistait en la pose d’une greffe en silicone placée sous la peau du menton, lui redonnant ainsi le volume dont il semblait si cruellement manquer. La combinaison des deux interventions portait également le nom, bien cherché et imposant, de profiloplastie, opération destinée, comme son appellation l’indiquait, à améliorer et à sculpter un profil déclaré disgracieux.
Dans la foulée le docteur suggéra, en passant mais pas très vite, la possibilité, fortement recommandée, d’augmenter les lèvres au passage, en injectant, avec assurance, du collagène qui leur donnerait ce galbe dont l’évidente nécessité s’imposait d’elle-même. Va pour le regonflement des lèvres pour être assorties au reste de l’édifice en proie à de grandes rénovations, à un ravalement de façade spectaculaire !
Dans l’esprit et le cœur de Marinette il n’y avait pas le moindre doute, ni la plus petite hésitation, et elle se découvrit impatiente, piaffante, toute entière soumise à une insupportable attente, comptant les jours avant cette opération qu’elle désirait de toutes ses forces de laideron désespéré. Elle apprit et étudia tous les détails des opérations prévues et définitivement planifiées qu’elle pensait connaître suffisamment bien, au point de confier, d’une foi inébranlable, son précieux visage aux étapes dont la description effarerait une autre moins aux abois. Elle était carrément prête à mourir sur la table à découper sur laquelle elle n’avait pas peur de s’étendre, puis de fermer les yeux en Belle au Bois Dormant, pour les rouvrir en Blanche Neige s’éveillant du coma artificiel et sorcier, découvrant un monde où les contes de fées sont réalisables, et dont les fins heureuses sont négociées et acquises sans l’intervention impossible et magique d’une marraine féérique.
Au réveil, elle sentit d’abord le plâtre, ajouté aux bandes et autres pansements, qui avaient été fermement pressés et collés sur les blessures en voie de cicatrisation, si lourdement présents qu’ils semblaient être à Marinette les couches superposées d’un bâillon qui l’étouffait en la paralysant. Son nez était bouché en plus d’être désagréablement engourdi mais néanmoins sensible à la pression des bandages, ce qui obligeait Marinette à faire l’effort pénible et dérangeant de respirer par la bouche. Sans un nez qui rempli ses tâches respiratoires ainsi qu’olfactives, elle se découvrit privée du goût et de la compagnie des odeurs et des parfums, pour lesquels elle se découvrait une envie subite, étrangement tenaillante et insistante.
Mais ni les douleurs postopératoires, ni l’inconfort de respirer par une bouche qui en devenait pâteuse, ni même les colorations et boursoufflures des hématomes, aucune de ces irritantes aspérités ne parvenaient à dissimuler complètement le petit chef-d’œuvre en construction. Lors de l’inauguration du monument un minois, assez avenant, souriant avec grâce à travers les dernières traces des travaux récents, il y a plus de deux semaines, éclaira de tout son bonheur et réassurance, un visage de femme heureuse. La peau et le cartilage, encore fragiles, étaient tuméfiés mais le résultat était pourtant déjà visible et sa nouvelle beauté la regardait droit dans les yeux, mutine comme ce nouveau nez naissant dans la joie et le bonheur d’un souhait enfin réalisé. Son menton se courbait joliment entre des lèvres pleines, mais sans vulgarité, surplombées avec symétrie et élégance par un organe désormais noble, droit, et d’une taille enfin correcte.
Quelques semaines encore furent nécessaires pour que le visage de Marinette dégonfle complètement et retrouve une couleur normale. Le maquillage et la coiffure ne tardèrent pas à parer le visage radieux, charmant et aux traits fins, d’une très jolie femme, séduisante et même carrément irrésistible.
Elle vécu six mois d’un bonheur indescriptible, follement amoureuse, et tant aimée en retour, de ce visage qui ne savait plus que sourire, ainsi que d’embrasser d’autres bouches, d’autres visages qui semblaient de plus en plus attirés par elle, et incapables de lui résister. Chacune de ses conquêtes masculines furent de la race des trophées de grand salon, de popularité et fermeté corporelle croissantes, à mesure que Marinette prenait de l’assurance, aiguisant ses griffes de tigresse mangeuse d’hommes.
Tout en plantant ses crocs acérés et gourmands dans leur tendre chair de sexe faible, la féline chasseresse se sentait devenir forte, invincible et, pour la première fois, intrépide et sans limites. Fréquentant assidument les clubs de gym et autres salles de danse, yoga, ou arts martiaux, histoire de prolonger le plaisir d’exhiber sa parfaite silhouette, assortie de surcroit par son nouveau minois, Marinette y traquait en général ses proies les plus convoitées. Elle adorait regarder les corps massifs et puissants des bodybuilders, pourtant dans l’ensemble assez bovins, ainsi que la finesse et parfaite symétrie des corps vifs des athlètes, membres d’une équipe de foot locale mais notoire, sérieux et compétents au contraire des frimeurs en quête de gonflements macho et superficiels. Ces hommes, pour la plupart plus jeunes qu’elle et exhibitionnistes, l’émoustillaient pendant ses propres manœuvres de musculation et autres activités vigoureuses. De ses émois de luxure et de convoitise elle éprouvait une montée d’adrénaline, si délicieusement forte et stimulante, que son corps repoussait sans peine ses limites et bénéficiait pleinement de l’entraînement pratiqué dans le plus confortable des consentements.
Elle sentait pousser des ailes sous ses pieds, ce qui lui donnaient une impression de légèreté invincible, se sentant prête à s’envoler, indifférente aux efforts et autres peines des exercices qu’elle exécutait et subissait avec la même résolument stoïque que ses opérations.
Peut-être reconnaissait-elle, dans ces espaces saturés de sueur et de testostérone, le même acharnement, désespéré, de contrôler et modifier leur corps, la même urgence, qui la tourmentait depuis toujours, chez les hommes qu’elle y voyait souffrir. Eux-aussi semblaient en proie à des douleurs assez fortes pour leur arracher maintes cris, ahanements de bestiaux en rut ou à l’abattoir, et autres halètements gutturaux et inquiétants. Ce déploiement de chair mâle en proie à des tortures spectaculaires et bruyantes, ces cris primaires et même jusqu’aux odeurs musquées et animales des bodybuilders, étaient comme un catalyseur qui l’amenait à la phase ultime de métamorphose en cygne officiel et indiscutable.
Elle s’enivra délicieusement de ses succès masculins, de ses conquêtes sexuelles qui finirent de la transformer en amazone omnipotente, imbattable, que personne ne pourrait arrêter ou contrôler, en reine guerrière et gagnante, libre et capable de tout faire, de tout goûter, tout essayer, tout tenter…
Ne fréquentant plus que des dévoreurs de vie comme elle avides de sensations fortes et nouvelles, Marinette se risqua à pratiquer des sports et des activités de plus en plus périlleuses, jusqu’au jour où un accident, en apparence bénin, vint mettre définitivement fin au rêve éveillé.
Ayant bravé et survécu au saut en élastique, ainsi qu’au décollage en deltaplane, et même à l’épreuve suprême et définitive du parachutisme authentique, Marinette, en grande forme et d’un optimisme inaltérable, se dit que l’escalade était vraiment peu de chose en comparaison de son parcours de battante. Avant d’envisager la Cordillère des Andes ou le Mont-Blanc, elle s’entraina tout naturellement dans sa salle de gym préférée, fréquentée presque uniquement de corps souffrants, mais admirables, et contemplés comme le sien, sur un mur artificiel des plus inoffensifs. Sa dernière conquête du moment, adepte de la varappe comme il l’appelait avec conviction, la guidait mollement dans son apprentissage. Son rôle consistait à tenir, de préférence fermement, la corde reliée à la taille de Marinette, suspendue par une poulie qui, si elle venait à tomber, la maintiendrait dans les airs en évitant la chute potentiellement dangereuse. Malgré les nombreuses preuves de sa nonchalance et de son manque général d’attention, Marinette avait placé, sans hésiter ni réfléchir, une confiance tragiquement aveugle dans ce beau chevalier surfant, blond et bronzé comme son modèle californien, qui la secourrait certainement à temps si l’improbable survenait.
Il n’en fut rien.
La chute ne fut pas particulièrement brutale car Marinette n’était pas montée encore très haut, mais le jeu trop mou de la corde, lâchée distraitement par le clone de surfer, entraîna un décollement soudain de la grimpeuse qui se recula brutalement, un court instant flottant dans le vide, avant de perdre la prise ferme et nécessaire de la corde de secours, et d’atterrir sur la paroi qu’elle heurta de plein fouet, son visage plaqué et aplati, avant de tomber lourdement sur les fesses. Le coup fut net et abrupte, frappant l’arrête de son nez en son milieu, fendant l’os instantanément, faisant éclater le cartilage en une explosion désastreuse, autant que soudaine, qui lui coupa littéralement le souffle.
Debout, mais chancelante, Marinette retrouva à la fois sa respiration et ses sensations, l’air et la douleur la pénétrant presque en même temps. Elle n’avait pas besoin de porter ses mains tremblantes à son visage car elle savait très bien que son nez était cassé et déchiré. Après d’interminables minutes pendant lesquelles le sang pissait de ses narines écartelées dans un jet grossissant, inquiétant de débit et de quantité fuyante, quelques volontaires vaguement compétents et concernés tentèrent de juger de l’étendue des ravages alpins afin d’intervenir selon leurs possibilités. Les premiers soins appliqués sous forme d’épais bandages, cotons et compresses, sous le double robinet sanglant s’avérèrent d’une inefficacité alarmante, se gonflant et rougissants de plus en plus rapidement, et sans aucun signe de ralentissement. L’attente de l’ambulance se fit dans la panique la plus totale, le chaos le plus effrayant devant l’hémorragie impossible à endiguer, véritable tsunami d’hémoglobine qui emportait la vie de Marinette comme fétu de paille, corps frêle jeté dans l’ouragan marin qui le happe et l’entraine vers la noyade certaine et fatale.
La transfusion sanguine d’urgence, combinée aux anticoagulants et autres puissants alliés chimiques, ne parvinrent pas, même enfin à l’abri dans la rassurante ambulance, à tarir la source qui se déversait inexorablement, semblant vouloir se vider tout entière et quitter pour toujours ce corps abandonné, comme on quitte un navire naufragé. Les médecins de l’hôpital n’eurent pas plus de succès dans le contrôle de l’hémorragie, évaluée et jugée inévitable, touchant sans aucun doute et de plus en plus vite à sa fin. Les dernières goutes évadées des veines désertées accompagnèrent les derniers souffles de Marinette dont la dernière pensée, avant de sombrer dans un coma ignorant, résonant encore de la sirène de l’urgence, fut d’espérer, et même de prier, pour que son nez soit épargné, ou tout au plus réparable, sa charmante forme lui étant plus chère que la vie même.
Elle ne se doutait pas, aveuglée et manipulée dans toute sa naïveté, que c’était exactement le sacrifice qu’elle avait jadis, et en toute sincérité, subi au nom de la beauté qu’elle avait si ardemment désirée, et si vaillamment obtenue, cette petite intervention miraculeuse était bien ce qui la tuait aujourd’hui. Ce qu’elle ignorait, c’était que depuis cette bienfaitrice profiloplastie une erreur médicale, assez banale et bénigne généralement, venait de se transformer en accident fatal, en véritable et grotesque tragédie.
Saignée à blanc, comme les poulets et les lapins des jardins campagnards, par une artère déplacée et rendue mortellement vulnérable, victime insoupçonnée et oubliée, d’un point de suture tout bête, mais têtu, le nez de Marinette était en train de se montrer sous son vrai jour de talon d’Achilles, de point faible par lequel le pire peut se faufiler.
Elle était en train de payer les véritables conséquences de son intervention chirurgicale qui se révélaient dans le pire des scénarios catastrophes, fort justement tu des praticiens, implorant, dans leur molle défense, leur invraisemblable rareté. Bref une malchance sur mille, pour ne pas dire inexistante, d’hémorragie fatale et postopératoire, à retardement cependant, ainsi que partiellement provoquée par un accident sportif auquel la victime participait de son plein gré.
La victime en question étant, dans ce triste coup du sort, une pauvre fille mal dans sa peau dont la seule erreur fut de n’avoir jamais pu voir plus loin que le bout de son nez.
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