01 - La partie de carte entre copains
Ce mercredi-là, vers la fin de l'après-midi, la journée de travail terminée, Christophe fût le premier à quitter le bureau, impatient. Il remonta la rue, entra dans le café, salua le patron et la serveuse, et s'asseya à leur table habituelle, au fond de la salle. Ses collègues ne tarderaient pas à arriver. Depuis un mois, une à deux fois par semaine, la bande se retrouvait, toujours dans le même bistrot, dans le quartier du port après le travail où un relent d'alcool imprégnait l'atmosphère, une odeur presque imperceptible qui se mélangeait à d'autres effluves moins reconnaissables, mais tout aussi désagréables. Ils auraient pu choisir un autre endroit, n'importe quel bistrot aurait fait l’affaire, mais ce bar au décor vieillot semblait leur convenir. Proche de leur bureau, ils n'avaient que quelques mètres à faire dans la rue et ils pouvaient, sans perdre plus de temps, s’adonner à leur passe-temps favori, le poker. Le patron leur réservait la table au fond du bar, la plus reculée, celle où personne ne s'installait d’ordinaire, à moins de vouloir être tranquille. Christophe était pressé d'entamer la première partie, agacé par le fait de devoir patienter sans rien pouvoir accélérer, comme si ce qu’il attendait depuis le matin n’arriverait jamais et cette frustration ne s'éteindrait qu'à la première carte distribuée. Entrer dans ce lieu lui permettait de s'apaiser un peu, d'être déjà engagé dans ce qui allait venir. Comme un boxeur qui monte sur le ring ressent, avant même d’avoir échangé les premiers coups, la force des uppercuts qu’il assènera à son adversaire. Il jeta un rapide coup d'œil à sa montre, puis vers l’entrée. De sa place, il ne voyait que l’angle du comptoir et une partie de la vitrine d'où il apercevait une portion de la rue. Ses collègues allaient bientôt franchir la porte. Qui serait le premier à passer le seuil du bar ? Il aimait bien arriver en avance, ce qui lui garantissait de pouvoir choisir sa place. La meilleure position, il la connaissait et se la réservait. Au fond sur la banquette, le dos au mur, c’est à cet endroit qu’il avait une excellente vue sur le jeu. Enfin, ils arrivèrent les uns après les autres, passèrent devant les habitués imperturbables et s'installèrent, autant impatients que lui de jouer. Chaque fois qu’il en voyait un apparaître devant la devanture, sa fièvre le secouait. Charles fut le premier à arriver. Il aurait pu être un bon joueur s’il avait eu un peu plus confiance en lui. Il venait à la table déjà battu. Il se donnait une somme à ne pas dépasser et dès qu’il l’avait atteint, il se retirait. En quelque sorte, il venait pour perdre.
- Déjà là Christophe ? lui lança-t-il. J’ai l’impression que tu es toujours en avance.
- Oui, je suis impatient de vous mettre une raclée les gars.
- Comme d’habitude, on sait que t’es le meilleur.
- Je crois que j’attends ce moment depuis ce matin.
- Eh bien, je pense qu'aujourd'hui c’est moi qui vais t’en mettre une.
Puis ce fut le tour de Gérald qui s'installa à la table face à Christophe. Gérald lui ne bluffait jamais, quand ses cartes ne lui plaisaient pas et c'était souvent le cas, il se couchait. Alors il était facile de savoir quand il avait une bonne main. Enfin les deux derniers qu’on attendait toujours pour commencer, Arnaud et Stéphane, inséparable. Eux se liguaient dans un effort commun pour battre Christophe, se soutenant l’un l’autre, échangeant de petits signes, laissant la priorité à celui qui avait la meilleure chance de l'emporter. Quand tout le monde fut là, ils passèrent commande, la mise en place se fit brièvement, la serveuse leur apporta les boissons et posa les cartes sur un tapis vert Studson usé et les parties commencèrent.
*
Matt pénétra dans le bar, seul, détaillant d’un regard oblique les rares clients qui discutaient assis à une des tables près de la vitrine. A sa démarche élégante, on pouvait en déduire son assurance et sa détermination. Il traversa la salle comme s’il était chez lui, fit un signe au patron et la serveuse qui l'avait reconnu lui adressa un sourire complice, presque malgré elle, c'était sa façon d'accueillir les hommes dont l'élégance activait chez elle une envie de plaire. Vêtue d’une doudoune sans manche, les deux bras nus tatoués de dessins tribaux remontant jusqu'à son cou, elle avait l’air d’une junkie épuisée. Un client à l’autre extrémité du bar le regarda s’installer avec insistance, résolu à marquer son ascendance. Matt le fixa un instant et l’homme défait, baissa les yeux, vaincu. Avec son visage fermé et ses yeux noir, Matt en imposait à tous ceux qui croisait son regard. Il connaissait parfaitement les lieux et venait parfois renifler ce qui ce passé de nouveau dans ce coin du quartier, à la recherche de je ne sais quels mauvais coups. Mais qu'est-ce qu'il cherchait dans un endroit pareil ? Lorsqu'il venait, il s'installait au comptoir, passait quelque temps à écoutait les ragots, les commérages, bref tout les bruits du quartiers, interrogeait le patron, la serveuse, parlait aux clients, et repartait avec une mine d’informations, que beaucoup d'autres que lui n'auraient su que faire. Comme à son habitude, il s’accouda au comptoir et prit le temps de s'imprégner de l'atmosphère du lieu avant de passer commande.
- Il y a longtemps qu’on t'a vu, lui lança le patron.
- J'étais occupé, des affaires à régler. Tu me mets un expresso.
La serveuse qui avait suivi la conversation, s’activa pour le servir. Le patron ne savait pas vraiment ce que faisait ce client élégant dans la vie et ne cherchait pas réellement à savoir, Toujours bien habillé, costume raffiné, chemise blanche et chaussure cirée, il faisait penser à ces hommes d’affaires impénétrables dont les activités échappent à la majorité des gens. Il venait de temps en temps dans son bar, jamais aux mêmes heures, s’attardait au comptoir, discutait un peu avec lui sans vraiment s'interroger sur qui pouvait être cet homme singulier et repartait à ses occupations. Un consommateur irrégulier avec lequel il avait sympathisé comme il l’aurait fait avec tout autre client un peu locace, cela faisait partie de la fonction de taulier, accueillir, servir, écouter les clients. Si le patron avait dû décrire cet homme atypique, il l’aurait probablement qualifié d’énigmatique et curieux.
- Rien de nouveau dans le quartier, interrogea Matt ?
- Non, c’est calme en ce moment, répondit le patron. Le ronron quotidien, toujours les mêmes têtes.
La conversation s'arrêta là et le patron se remit à essuyer les verres tout en regardant la télé muette accrochée au mur qui diffusait en permanence les résultats des courses de chevaux. Un jour calme, pensa Matt. Cependant, de temps en temps, tout en buvant son café à petites gorgées, il jetait un regard discret et curieux vers le fond de la pièce où il avait remarqué un groupe de quatre joueurs de cartes. Il savait que le patron permettait, si l’on savait rester discret, que l’on joue dans son arrière boutique. Intrigué et intéressé, il finit par faire quelques pas pour se rapprocher de leur table. Il s’installa sur un haut tabouret au bout du comptoir et se positionna de trois quart. Ainsi, il avait une vue sur l'ensemble des joueurs aux allures de modestes employés de bureau, une bande d'amis ou des collègues qui devait se retrouver là après le travail. Apparemment, le groupe se connaissait bien. Parfois, les voix s’emportaient, mais ces éclats d’humeur retombaient aussi vite qu'ils étaient venues et les rires qui suivaient, clôturait ces excès. Une bonne ambiance de copains, des gars qui se retrouvent pour taper le carton, à première vue rien d'intéressant, pensa Matt. Mais à y regarder de plus près, un des joueurs se distinguait des autres, à sa façon de jouer, précise et intelligente. Soit ce type avait une chance incroyable, soit il possédait une technique extraordinaire. Il plumait tous ces adversaires sans qu’ils puissent lui opposer la moindre résistance. Les autres l'appelaient CB. Ce qui le caractérisait le plus, c'était ses yeux bleus et sa mèche blonde rebelle qu'il ne cessait de remettre en place. Peigné en arrière, bien fait de sa personne, au charme manifeste que les femmes devait apprécier. Il avait un faux air d'acteur, une curieuse ressemblance avec Benoît Magimel, mais italien, au teint hâlé. Les parties étaient bruyantes et parfois le patron venait faire un rappel à l'ordre, sur ce qui était convenu; discrétion et pas d'esclandre. Au bout d’une demi-heure, à rester là à les observer et à les écouter furtivement, Matt connaissait tous les joueurs par leurs prénoms ou leurs surnoms, leurs façon de jouer, leur façon de se tenir. Rien ne lui échappait, les petites manies, les tics imperceptibles dont eux-même n’avait peut-être pas conscience. C'est fou ce qu’on peut apprendre de personnel, voire intime, sur une bande de collègues légèrement alcoolisés, rien qu’en les regardant et en les écoutant jouer aux cartes, conclu-t-il intérieurement avec un sourire.
Il fît signe à la serveuse et l'interrogea discrètement à voix basse.
- Ils sont là souvent ?
Elle se rapprocha pour créer avec Matt un climat de complicité qu’elle jugea utile comme si elle avait compris que Matt ne souhaitait pas être repéré par le groupe de joueurs.
- Oui, ils viennent régulièrement, deux fois par semaine, le mercredi et le vendredi. Toujours les mêmes. Ça rigole, ça picole. Le patron les aime bien.
Tout en répondant, la serveuse jeta un œil sur le groupe de joueur en faisant des moulinets discrets avec sa main droite tatouée, le doigt tendu, comme pour signifier une routine et par là, l’ennui que lui inspirait les joueurs.
- Vous voulez jouer avec eux, lui demanda-t-elle en inclinant la tête en direction du groupe ?
Matt ne répondit pas aussitôt et resta songeur quelques secondes.
- On verra. Tu me remets un café.
La serveuse comprit que la conversation était finie et partie vers le percolateur.
- Un expresso ?
- Oui !
*
Christophe consulta sa montre, comme secouait par un rappel à l'ordre inconscient.
- Merde, j’ai pas vu l’heure passait. Je vais me faire remonter les bretelles par ma femme. Elle ne rigole pas sur l'heure du dîner. Je vous laisse, de toute façon, je vous ai déjà tout pris, ce n'était pas votre jour de chance les gars!
Il se leva et récupéra sa veste sur le dossier de sa chaise. Les protestations furent immédiates.
- Eh! ta femme peux attendre, on quitte pas une partie comme ça. J’allais me refaire sur celle-là, objecta l’un des joueurs.
Ce qui eut pour effet d'entraîner tous les autres dans des protestations puériles.
- Eh, on est là pour s'amuser, détendez-vous un peu les gars, se défendit Christophe. Vous aurez l'occasion de vous refaire la prochaine fois, enfin si vous arrivez à me battre. On se revoit demain au bureau.
Il feignait d’arborer l'humeur joyeuse du vainqueur, gardant au fond de lui sa frustration, ne montrant qu’un visage sûr et affirmer de celui qui choisit et assume la contrainte de partir. Gardait sa fierté d’homme face à d’autres hommes. Conservait le ton de la dérision, surtout ne pas affichait la faiblesse de cédait à sa femme, au rappel du foyer. L'alcool le grisait un peu et le portait. Il n'avait pas beaucoup bu, mais il se sentait bien. Il connaissait cette sensation de bien-être ou l'alcool l'étourdissait, c'était le seuil à ne pas franchir, la limite au-delà de laquelle tout pouvait basculer. Il avait connu tant de soirées borderlines quand il était étudiant qu’il avait conscience de ses limites. La soirée s'était bien passée, il n'avait contre lui que des amateurs sans réel connaissance du jeu et il se plaisait à les voir mettre toute leurs énergies à vouloir le battre. C'était à sa demande qu’ils avaient mis en place ces rencontres, une ou deux fois par semaine, après leur journée de travail. Il ne regrettait pas cette initiative. Il retrouvait le plaisir de jouer, le frisson grisant de gagner, l'odeur des cartes, l’ambiance. Le poker n'était pas seulement un jeu pour lui, c'était une façon de voir la vie, une philosophie, une manière d'être. La rivalité entre les joueurs, ce besoin d’opposition, le bluff, des sensations qu’il n’avait pas ressenti depuis si longtemps, remonter en lui. Il avait abordé le sujet des jeux d’argent lors d'une pause café et au fil de la discussion, Christophe avait révélé qu’il jouait quand il était étudiant. Il n’avait pu résister à ce désir qui lui brûlait la bouche, si longtemps réfréner et affichait fièrement qu’il était un très bon joueur par le passé. On l’avait pris au mot. Ainsi sans y prendre garde il s'était laissé entraîner et avait proposé de jouer quelque parties ensemble après le travail. Il chercha les clés de sa voiture au fond de ses poches, déplorant de devoir partir si tôt, alors que la soirée ne faisait que commencer. Ses collègues joueraient probablement encore une heure ou deux avant de rentrer chez eux. Quitter la table, abandonner la partie, ces amies, lui était pesant. Il ne se sentait pas aussi libre qu’il l’aurait voulu. Résigné, il partait avec regret, retournant chez lui sans envie. Pris d’un vertige, d’un désir de liberté que l’alcool amplifié, il aurait aimé être un cheval sans bride.
- Bonne soirée les gars. Ne traînaient pas trop tard, on a du boulot demain.
- Salut lâcheur.
- Bonjour à ta femme.
- Salut CB.
Christophe salua le patron et sortit du bar avec l'air satisfait du gagnant plaqué sur son visage. Matt le suivit des yeux et régla rapidement son addition pour lui emboîter le pas. Une fois dehors le vent doux du soir revigora un peu Christophe. Il respira à plein poumons pour chasser les effluves d'alcool qui l'engourdissait et reprit ses esprits. Il aimait ces sorties entre copains. Il rejoignit sa voiture sans prêter attention au type qui le suivait.
- Vous jouez drôlement bien, lança Matt distant de quelques pas derrière, avant que Christophe n'eut le temps d'ouvrir la portière de sa voiture. Je vous ai remarqué tout à l'heure dans ce bar avec vos amis.
- La chance, répliqua Christophe qui ne voulait pas s'attarder dans une discussion avec un inconnu. Il avait reconnu le type qui les avait regardés jouer avec intérêt pendant plus d’une heure. Assis au bar, il avait suivi les parties sans rien dire, commandant café après café. Bien sûr tout ceci n’avait rien à voir avec la chance et ils le savaient tous les deux.
- Non, c'est plus que ça, vous avez une sacrée technique. Où est-ce que vous avez appris ?
- Excusez-moi, j'aurais aimé discuter avec vous plus longtemps mais on m'attend.
- Je comprends, la famille.
Matt avait entendu les propos de Christophe sur sa femme et compter bien sans servir le moment venu. Il poursuivit sans se préoccuper de l’impatience polie de Christophe.
- Je connais bien le poker et je reconnais un bon joueur quand j'en croise un.
Christophe ouvrit la portière de sa voiture et s'installa au volant, pressé de rentrer chez lui. Avant qu’il n’eut le temps de fermer, Matt saisit le haut de la porte.
- Vous devez jouer depuis longtemps ? J’ai quelques connaissances qui apprécieraient votre jeu vous savez. Vous devez vous ennuyer à jouer avec ces amateurs.
- Désolé, mais je ne joue qu’avec des amis, répondit Christophe, offusqué qu’un inconnu parle de ses collègues d’une manière aussi péjorative, car même s’ils ne jouaient pas aussi bien qu’il l’aurait souhaité, il prenait plaisir à partager ses moments avec eux.
Il retrouvait avec ses amis des émotions, des sensations qu’il avait enfoui au plus profond de lui et qu’il laissait remonter comme des petites bulles de champagne. Il ne voulait pas se laisser griser. Jouer avec des amateurs, comme disait cet homme, lui convenait parfaitement. Il pouvait ainsi maîtriser ses pulsions et arrêter quand il le désirait. Il ne retomberait pas dans les excès d’autrefois.
- Je vous laisse mon numéro.
Matt sortit une carte de son portefeuille et la présenta à Christophe qui la saisit sans conviction. Matt lui tendit la main droite comme pour sceller un pacte et Christophe dans un geste retenu la serra avec méfiance.
- Je m'appelle Matt. Appelez-moi demain… si vous avez envie de jouer avec des pro.
Christophe examina le petit carton en bristole blanc ou seul un numéro de téléphone écrit à la main figurait et le posa sur le siège passager sans vraiment s’y intéresser.
- Merci, mais je dois y aller, on m’attend.
- Ah les femmes, elles nous font courir, n’est-ce pas, ajouta Matt avant que christophe ne claque la portière. Il le regarda partir et sans attendre retourna vers le bar d’un pas rapide, décidé d’en savoir plus sur ce joueur pressé. Il avait compris que Christophe cachait quelque chose et qu’il pourrait s’en servir pour l’amener là où il l’avait décidé. Il refusait d'admettre qu’il savait jouer, pourquoi ? Que ces connaissances étaient bien supérieures aux autres de cette table dans ce bistro minable. Ce n'était qu’une question de temps et de patience. Matt, tel un pêcheur habile, jetait sa ligne et attendait que le poisson morde à l'appât. C’est seulement après l’avoir pris, qu'il déciderait du sort qu’il lui réserverait. Matt en était là de sa réflexion. Mais il savait déjà que ce joueur valait de l’or. Avant tout, il devait prendre un maximum de renseignements sur ce gars, apprendre qui était ce joueur habile et c'était là tout son talent. Il poussa la porte du bar et s'approcha de la table où le jeu avait repris.
- Bonjour Messieurs, puis-je me joindre à vous ? Je vois que votre ami à laisser une place. Vous accepterez sûrement que je le remplace.
Tous se regardèrent, s’interrogeant l’un l’autre du regard, avant qu'un des gars, plus directif ou aventureux que les autres, ne lâche.
- Oui, pourquoi pas! La blind est à 10.
L’homme qui se présentait à eux était tellement sûr de lui dans son costume bleu marine foncé sur mesure, que tout les autre furent incapable de refuser et l’accueillir sans oser protester, comme si le carisme et la prestance de ce personnage les saisissaient. Ce n'était pas dans les habitudes du groupe d'accepter une personne étrangère, pourtant malgré le sentiment de trahison d’une des règles principales, ils cédaient et firent une place à contre cœur à ce nouveau joueur. Matt souria et acquiesça, il avait obtenu ce qu’il voulait sans difficulté. Il prit place sur la chaise où, il y a encore quelques minutes, était assis Christophe. Maintenant qu’il était installé à cette table, il saurait tout sur ce gars pressé, il suffisait de laisser s'apaiser les réticences que sa présence suscitait. Avec le temps, il savait que les esprits s'accoutumeraient. Patiemment, il attendrait que s'installe l'hébétude, l'engourdissement des esprits dans l’alcool. Alors insidieusement il poserait ses questions, placerait ses pions, jouerait la partie à sa manière, tel un félin placide. Il observerait ses proies sans jamais forcer. Patient il les laisserait venir doucement à lui. Il les flatterait, les étourdirait par des paroles patelines, saurait se montrer ferme sans jamais heurté, précis dans ses paroles pour ne pas laissait place au doute. Il devait s'intégrer au groupe, faire partie de lui, se glisser à l'intérieur, comprendre les codes qui l'anime, le régisse et les copier comme dans un effet miroir. Plaisanter, rire de leurs blagues, se fondre pour ne plus être vu comme un étranger mais comme un élément du clan, devenir un membre solide, robuste sur lequel on peut s’appuyer en toute confiance. Une fois installé, il retira sa veste pour se fondre davantage dans le groupe.
- Patron! apporte moi un whisky, lança t-il d’un air joyeux et sers ces messieurs.
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