Constance
Sirocco, ton nom avide court sur mes plaies
Occitane ma douleur
Noir est ton autan, vent fou qui ravage mes colères
Électrise ma peur et noie mes peines
Constance se leva et approcha sa main de la bulle. Fraîche, humide, élastique sous la soie de ses doigts. Elle en fit le tour, lentement, comptant chacun de ses pas sur le sol de marbre tiède.
C'était le début de l'été et déjà les maisons et leurs habitantes s'affaissaient sous la chaleur. L'air tremblait des avances du soleil et des alizés. On entendait le murmure de l'océan, au loin. Les lataniers ondulaient doucement, saluant l'azur. Posté près de la fenêtre, l'ylang-ylang planté quelques dizaines d'années auparavant attendait le crépuscule pour exhaler ses parfums envoûtants. Derrière les voiles safran, la chambre baignait dans un demi-jour moite. Constance prit une grande inspiration, et décela un infime effluve. Cette odeur la ramenait bien loin.
Ailleurs, avec lui. Dans sa pépinière aux allures de jardin sauvage, ils avaient marché, nommé les plantes autour d'eux, s'étaient deviné des points communs ; elle se penchait pour sentir chaque fleur, il riait de son obsession pour les odeurs ; petit à petit ils avaient laissé leurs cœurs se répondre. En partant, elle avait découvert le bel ylang-ylang, qui n'était bien sûr pas à vendre. Elle en avait ramassé une fleur, sa fleur, petit trésor collecté, comme tant d'autres mais vif en son cœur, unique.
Douleur douceur.
Elle accentua la pression. La membrane souple s'enfonça, sans rompre.
Constance recula. Sa longue jupe aux motifs fleuris glissa au sol, découvrant des jambes d'enfant sauvage, des cicatrices de toutes tailles, souvenirs d'une jeunesse joyeuse à grimper aux arbres et à courir dans les champs de cannes, entourée de ses chiens bien-aimés. Le chemisier léger suivit la jupe, doux froissement écru ; Constance accueillait l'air qui courait de son cou à ses reins, s'enroulait autour de sa taille. Nue, elle pressa son corps alangui contre l'enveloppe hyaline.
Elle sentait la caresse de la bulle la prendre par les hanches, la tirer en avant. Un soupir dans l'âme en pensant à ses mains. Va plus loin.
Elle avança jusqu'au point de rupture.
Mes frissons effleurent
du bout des doigts ta paume tiède
Le coeur bat, mais cette fois
blottis-moi contre toi
loin de la course du temps
Zephyr coquin
j'ai par trop exploré, visité, entamé ton corps
de mes griffes et de mon désir
Alize-moi jusqu'à la maison
Pose-moi sur le sable
Enfouis-moi jusqu'à l'oubli
Plop. La bulle se referma sur Constance.
Absorption.
Tout engourdir
Pour ne pas
Penser
À toi
Repliée sur elle-même, Constance entra en hivernation, écrin de fraîcheur au beau milieu de l’été.
La métamorphose viendrait.
Annotations
Versions