Le murmure fracassant

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Dans la nuit tiède, le vent fait bruisser les feuilles des lataniers.

Il flotte dans l'air une fragrance mêlée d'ylang-ylang et de jasmin de nuit. Forte. Entêtante. Si présente qu'elle prend forme et onde jusqu'aux persiennes du balcon, où filtre une lumière chaude.

Comme tous les soirs depuis le début de l'été, cette chambre silencieuse baigne dans un ocre diffus qui s'accroche aux recoins, court sur le rotin des meubles, répand son grain doré.

Près de la fenêtre, jetant son reflet sur le marbre gris, la bulle flotte en silence. En son sein se trouve Constance, recroquevillée.

Oh ce n'est pas triste non, juste silencieux, reposant. Ce n'est pas la mort, c'est le calme. Enfin.

Un lit défait aux draps froids. Des vêtements sur le sol. Un livre ouvert, posé à l'envers sur la table de chevet. Les voiles au dessus du lit n'ont plus guère de moustiques à piéger, faute de chair à vampiriser.

La pièce en suspens retient son souffle, au rythme de la jeune femme dans la bulle, la douce Constance.

Dans sa mer de rêves, elle louvoie.

Elle le voit.

Droit, beau, la joue drue, l'œil taquin.

Épique.

Qui est-il ? De l'eau vive, du pilier, de la douce musique, ou de l'animal enfant, elle l'ignore.

Une jungle qui met le feu à son sang. Coagule ses pensées, disperse son coeur à tous les vents.

Comme un moment de soleil volé au printemps, un appétit féroce et tendre, l'iris clair et joyeux. Des mains qui courent sur les corps, luttant contre le vent glacé.

Comme une aventure en voiture et en musique. À se comprendre, à s'apaiser, à avancer.

Comme un tournesol, moulin à vent du bonheur.

Carrousel magnifique.

Chaque moment la répare, la redresse, la caresse. Fulgurances éphémères, l'intensité dit amour mais le temps dit souvenir.

Vague par vague, il s'efface de la chair, se range parmi les autres, sage, doux visage, feuillet chéri du carnet de voyage de sa vie. Fil par fil elle délace cet amour, se prélasse.

Il est temps.

Constance n'est plus recroquevillée, mais flotte maintenant, déployée, sereine. Fille du monde.

Un mouvement. Son talon frôle l'enveloppe fine de la bulle.

Plop.

La sphère s’ouvre, son halo s’évanouit tandis que le corps qui l’occupait se déplie.

Au balcon, des rayons naissants tentent de se faufiler dans la chambre sombre, à présent.

Dehors, les bougainvilliers offrent leur corolle à l’est, les hibiscus sèchent la rosée de leurs pétales au soleil du matin. L’aloe vera se gorge d’eau.

Le jasmin se referme jusqu’à la nuit.

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