Prologue
Il observa l'océan. Les mouettes et cormorans survolèrent les vagues et leurs cris aigus résonnèrent dans ses tympans. Ils recouvrirent, quelques instants, une voix rauque et hargneuse. Il jeta un bref regard à ses mains. Elles étaient nouées avec des cordes qui lui entaillaient les poignets. Chaque tentative de s'en débarrasser était vouée à l'échec.
Sa longue chemise blanche à volants, bien trop grande pour lui, était déchirée et maculée de sang, laissant son épaule gauche dénudée. Son pantalon de toile, trempé, lui collait à la peau. Assis, les genoux repliés contre son torse, attaché à un poteau de bois, il restait impassible, fixant l'horizon comme si l'océan pouvait lui offrir une échappatoire.
— Quand avez-vous caché la carte, monsieur Barclay ?
Ferguson Barclay, dix-sept ans à peine, abordait une silhouette frêle, ses longs cheveux châtains tombaient sur ses épaules, sa peau mate brillait sous ce soleil brulant de ce début de mois d'aout 1752. Ses yeux noisette brillaient comme des pépites d'or. Ses joues creuses et son visage fin le faisaient paraitre encore plus jeune. Il détourna finalement le regard. Il observa l'homme qui se tenait face à lui. Une canne blanche dans sa main, assortie à la couleur de son horrible perruque et à ses collants moulants.
— Continuez de m'ignorer, Barclay ! C'est la mort qui vous tend les bras !
Ferguson lança un sourire sarcastique. Il se pencha en avant, avec le peu de force qui lui restait.
— Certaines choses sont bien pires que la mort, monsieur.
— Cela va sans dire, souhaitez-vous le découvrir, ma canne n'attend que cela. répondit le capitaine avec un air machiavélique.
— Sachez que l'odeur nauséabonde que vous essayez de dissimuler sous vos couches de parfum est bien pire que toutes les formes de torture que vous pourrez m'infliger. La mort est une douce mélodie, comparée à tout cela.
La rage se peignit sur le visage du capitaine. Sur cette réponse, il gifla violemment le jeune homme. Ce dernier lâcha un rire nerveux, du sang gicla sur ses lèvres et dégoulina dans son cou.
— C'est un peu exagéré comme réponse, je n'ai dit que la vérité.
L'homme poussa un grognement bestial et se tourna en direction de son équipage.
— C'est assez ! Faites-lui subir le supplice de la planche !
Les gardes du bataillon britannique avaient déposé une planche en bois élevée au-dessus de l'eau. Ils détachèrent le jeune homme et le traînèrent jusqu'au bord.
— Attachez ses jambes ! ordonna le capitaine.
Les hommes s'exécutèrent. Fergus se retrouva rapidement au bord du précipice, il contempla la mer et attendit la mort.
C'était parfois le prix à payer pour une vie de pirate. Lui qui était né à bord d'un grand navire, fils d'une femme qui s'était battue toute sa vie pour intégrer un équipage masculin. Il était l'enfant d'un grand cartographe qui maitrisait la lame d'une épée comme un guerrier. Le courage, il l'avait dans le sang.
Il affronta une dernière fois le regard de son ennemie, sans laisser transparaître la moindre crainte.
— Il n'y a guère de plus belles fins pour un pirate que de mourir dans l'océan.
L'eau glacée l'engloutit immédiatement. L'instinct de survie prit le dessus. Il se débattit, tira sur ses liens, mais ses forces s'amenuisaient déjà. L'air lui manquait. Son corps s'alourdissait. Peu à peu, il s'abandonna.
L'eau envahit ses poumons. L'obscurité l'encerclait. Pourtant, au loin, une silhouette féminine se dessina. Elle se déplaçait à une vitesse irréelle. Avant que les ténèbres ne l'engloutissent totalement, il distingua une paire d'yeux d'un bleu saisissant, brillant comme deux éclats de lune sous les flots.
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