Le conte

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Pendant longtemps, Azura s'était interrogée sur la couleur unique de ses yeux. À sa naissance, les médecins avaient prédit une anomalie pouvant affecter sa vue, mais le contraire se produisit : sa vision était parfaite. Chaque jour, on lui faisait remarquer la beauté de ses yeux, ce qui la poussa à les détester. L'été devint sa saison préférée, car elle pouvait les dissimuler derrière une paire de lunettes de soleil.

Des siècles me séparent de cette femme, pourquoi aurais-je hérité de ses yeux et pas les autres ? Pourquoi pas Ewen ?

— Nous n'avons pas toutes les réponses dans la vie, dit Loevan. Nous sommes des mages, et il est fréquent que nous ayons des particularités physiques. Regarde mes cheveux.

— Quoi, c'est ta couleur naturelle ?

— Oui, chez les Sungrey, c'est une caractéristique commune.

— Je me sens légèrement moins seule... J'ai bien dit légèrement.

Le jeune homme gloussa pour la première fois depuis leur rencontre. Son sourire chaleureux donnait envie de rire avec lui.

— D'accord, partons du principe que c'est arrivé. Pourquoi me racontes-tu tout cela ? Demanda Azura.

— Parce que cette femme est à l'origine de la malédiction qui touche ta famille.

— Pourquoi aurait-elle fait une chose pareille ?

— Par amour. Ferguson, le pirate, a laissé des écrits que ton père a retrouvés dans les archives de Neridia bien avant ta naissance. Il y racontait qu'après le naufrage de son bateau, une femme l'avait sauvé de la noyade le 12 août 1752.

— Elinitsa ?

— Oui. Ses cheveux étaient châtains et d'une longueur impressionnante, mais c'était surtout ses yeux qui marquaient les esprits, décrits comme un océan d'émeraude. Elle nageait aussi vite qu'un dauphin et respirait sous l'eau, tout comme ton père.

— Mon père pouvait faire ça ?

Loevan hocha la tête.

— Elle le porta jusqu'à l'île. Dans ses écrits, il disait que dès qu'il croisa son regard, il sut qu'elle était la femme de sa vie. Il avait dix-sept ans, elle en avait quinze.

— C'étaient des enfants, constata Azura.

— La princesse lui transmit la seconde vue, lui permettant de voir l'invisible.

— En gros, c'est La Petite Sirène, ton histoire ?

— La petite quoi ? s'étonna Loevan.

— Rien, laisse tomber.

— Son père, le chef de son peuple, ordonna son exécution, mais changea d'avis en la voyant supplier pour la vie de Ferguson. Ce dernier renonça à sa vie de pirate et demeura sur l'île avec elle. Trois ans plus tard, leur fils Arel vient au monde, suivi de deux filles, Nessa et Isil.

- Voilà des prénoms bien étranges... Avoua Azura.

– À dix ans, Arel tomba gravement malade. Elinitsa refusa d'accepter sa mort et chercha un mage noir, dont on disait qu'il pouvait ramener les morts à la vie. Elle le trouva et il accepta, à condition qu'elle tue un homme et lui rapporte son sang.

— Elle accepta ?

— Oui. Elle tua un soldat britannique et remit une fiole de son sang au mage. Arel revint à la vie, mais il était différent, tourmenté. Nessa révéla le secret et, très vite, la nouvelle se répandit. Le chef n'eut d'autre choix que de bannir sa propre fille. Le mage la maudit, et cette malédiction frappe toujours ta lignée.

Un silence pesant s'installa. Azura frissonna à l'idée que sa famille puisse être en danger.

— Tu crois que c'est lié à la mort de mon père ?

— Je l'ignore.

— Qu'est-il arrivé à Elinitsa ?

— Elle fut contrainte de quitter l'île. Fergus ne la revit jamais.

— C'est affreux. J'ai du mal à y croire.

— Les humains croient seulement ce qu'ils voient. C'est ce qui vous différencie des Néridiens.

— Pourtant, je vois un humain en face de moi.

— Nous sommes similaires, mais d'une autre espèce. Notre existence ne repose pas sur l'histoire et l'évolution des hommes.

— Alors quoi, vous êtes apparus par magie ?

— Seuls les dieux connaissent la réponse.

Azura avait toujours cru être ordinaire, insignifiante. Pour la première fois, sa vie prenait un tournant à la fois fascinant et terrifiant.

Elisandre entra dans la pièce et remarqua que son assiette était encore pleine.

— C'est si mauvais que ça ?

— Désolée, je n'ai pas faim, murmura Azura en se levant. Je dois rentrer. Je dois retrouver mon frère.

— Ça peut attendre. Mon père veut te rencontrer à Neridia, et vite.

— Il attendra. Je ne laisserai pas mon frère.

— Ne me dis pas que tu comptes l'emmener avec toi ?

— Si, il sait déjà tout.

— Dehors, des créatures invisibles errent. Pour toi, elles ne le sont plus. Tu n'imagines pas le danger.

— Mon frère n'a pas de pouvoirs. Il ne peut pas les voir, donc il ne craint rien.

Loevan leva les yeux au ciel.

— Ce n'est pas raisonnable.

— Je ne mettrai pas les pieds sur cette île sans lui. C'est non négociable.

— Soit, tu as gagné. Mais si quelque chose tourne mal, ce sera de ta faute.

Azura croisa les bras.

— Je ne vois pas pourquoi ça tournerait mal.

— Tu ne sais rien du monde qui t'attend. 

— Et si je conduisais notre invitée dans ma chambre ? Tu dois mourir d'envie de te débarbouiller , non ? Je vais bien te trouver quelques vêtements. 

— Merci Elisandre, mais faisons vite, j'ai si hâte de revoir Ewen. 

Loevan roula des yeux, la brune emprunta un couloir derrière l'adolescente bien décidée à inclure Ewen dans ses péripéties. 

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