Un vent glacial s'engouffra sur son visage, la forçant à retenir ses cheveux qui lui obstruaient la vue. Ses chaussures s'enfonçaient dans le sable humide tandis que les vagues venaient y déposer des algues et des coquillages délicatement roulés par l'océan. Plus loin, de massifs rochers surplombaient les eaux déchaînées. Azura jeta un regard en arrière. Le manoir avait disparu, remplacé par d'imposantes falaises bordant la plage à perte de vue.

— C'est grisant de traverser un portail, vous ne trouvez pas ? s'exclama Elisandre avec entrain.

— Toute famille de mages digne de ce nom en possède un chez elle, expliqua Loé. Mais ma magie a ses limites. Un saut jusqu'à Neridia m'affaiblirait trop.

Elise tendit à son frère l'objet qu'elle avait soigneusement gardé pendant le trajet.

— À toi l'honneur.

Loé lui sourit et saisit la bouteille de verre avec précaution. Sous les regards curieux des jumeaux, il la jeta dans l'eau. Aussitôt, un petit bateau de bois émergea à la surface, grinçant sous l'assaut des vagues. La bouteille revint aux pieds de Loé, qui la ramassa et la garda dans ses mains.

Azura, fascinée, ne put s'empêcher de demander :

— Pourquoi ne pas avoir pris un portail menant directement à l'île ?

— Ce n'aurait pas été aussi amusant ! répliqua Elisandre avec un clin d'œil malicieux.

Azura, sceptique, ne voyait pas où l'adolescente voulait en venir. Loé lui tendit la main et l'invita à monter à bord. Hésitant un instant, elle accepta et sentit la chaleur de sa paume contre la sienne. Ses pieds touchèrent enfin le plancher humide du navire. Non loin d'elle, Ewen était déjà installé au bord du bastingage, le regard perdu vers l'horizon, frissonnant sous le vent marin. Elle s'approcha doucement et se colla à lui pour le réchauffer.

Loé apparut derrière eux et déposa un plaid chaud sur leurs épaules. Azura l'observa, intriguée. Leur relation n'était pas partie sous les meilleurs auspices, et pourtant, il se montrait prévenant. Elle réalisa aussi à quel point il était beau.

Elise, aux commandes, mit le navire en mouvement. Lentement, ils s'éloignèrent de la plage.

— Maintenant, est-ce que je peux avoir des explications ? demanda Azura en croisant les bras.

Loé acquiesça.

— La nuit dernière, je suis venu voir ta sœur. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Je l'ai conduite au manoir et lui ai tout raconté.

Azura entreprit alors de résumer tout ce qu'elle avait découvert : leurs origines, la malédiction qui pesait sur eux et le rôle qu'elle était destinée à jouer dans cette histoire. Ewen, abasourdi, peinait à tout assimiler. Ce qui le bouleversait le plus était la mort de leur père, qu'il semblait avoir préméditée.

— Papa le savait ? murmura-t-il.

— Nous espérons le découvrir, répondit Loé. Il possède un grimoire qu'il a cherché pendant des mois. Il contiendrait toutes les réponses sur son décès.

— Comment pouvons-nous le retrouver ?

— Mon père saura nous répondre.

— Votre famille a un lien particulier avec l'eau, reprit Loé. Votre père pouvait respirer sous l'eau, comme toi, Azura. Il pouvait aussi créer des sphères d'énergie.

Les yeux d'Azura s'embrouillèrent d'émotion. Ewen, quant à lui, esquissa un sourire en coin.

— J'aurais aimé connaître cette facette de lui, avoua-t-il.

— Tu lui ressembles énormément, admit Loé.

— Tu l'as déjà rencontré ? demanda Ewen.

— Une seule fois, j'avais sept ans. Je n'étais pas censée le rencontrer, mais enfreindre la loi n'était pas quelque chose que votre père redoutait. 

— Il est parti un an après, murmura Azura, le regard perdu.

— Je suis sincèrement désolé pour votre perte. Du peu que je me souviens, c'était un homme bien. Il a renoncé à sa nature pour votre mère, un acte de courage immense.

Un silence pesant s'installa, avant qu'Ewen ne rompe le silence.

— Pourquoi évitez-vous les gens comme moi ?

— Tu veux dire les non-mages ?

Ewen acquiesça.

— Nous cherchons à préserver nos traditions. Si les humains découvraient notre existence, ce serait le chaos. Un mage qui choisit un humain doit renoncer à son monde. Et s'il trahit ce secret, la loi exige de lui retirer la mémoire.

— Même des gens qu'il aime ? s'indigna Azura.

— Oui. Autrefois, les mages étaient exécutés. Elinitsa était la fille du chef, ce qui lui a sauvé la vie.

— Vous n'étiez pas amicale, visiblement.

— C'est la nature profonde des hommes.

— REGARDEZ !

La voix d'Elise résonna sur le pont. Tous se tournèrent vers elle.

— Voyez-vous cette lumière qui danse sur cette barrière invisible ? C'est le bouclier de Neridia. Il cache l'île aux yeux des marins. Dans quelques minutes, nous y serons.

Azura fixa l'horizon, son cœur tambourinant d'excitation et d'appréhension.