Petit voleur

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Ils glissèrent dans un torrent de lumière. Cela ne dura que quelques secondes, mais suffisamment pour provoquer un haut-le-cœur à chacun d'eux… Ils tombèrent à la renverse sur une chaussée venteuse et glissante. Le son des sabots et les hennissements des chevaux résonnaient autour d'eux, mêlés aux crissements des roues des carrosses et à la voix nasillarde d'un marchand de poisson devant sa marchandise. Une odeur d'égout flottait dans l'air, rendant l'atmosphère encore plus oppressante.

Le ciel était gris et orageux. Partout, l'agitation régnait. Les femmes portaient de grandes robes bouffantes et des corsets étouffants aux couleurs sobres, tandis que les hommes arboraient des costumes moulants, très élégants, ainsi qu'une moustache en pointe. Sur le trottoir, en revanche, d'autres n'avaient pas cette chance. À peine vêtus, souillés et frêles, ils espéraient un geste de générosité d'un passant.

— Où sommes-nous ? s'enquit Azura, encore sonnée.

Loevan se releva d'un lien et aperçut un journal abandonné sur le trottoir, souillé de boue. Il le ramassa et déchiffra rapidement l'en-tête.

La Gazette de Londres, 6 août 1752.

— Eryx nous a envoyés à la bonne époque ! Mais il y a une faille : on est à Londres.

— On devrait être sur l'île ! s'exclama Elisandre, confondue.

Ewen observait la scène, le regard sombre.

— Regardez tous ces gens…

Le spectacle lui serrait le cœur. Des silhouettes célèbres, à peine couvertes de haillons, suppliaient du regard les passants mieux lotis. Une scène poignante qui ne laissa pas les jumeaux indifférents.

Shadow, silencieux, observe ses multiples anneaux. Puis, sans un mot, il en fit glisser un de son doigt et s'avança vers un groupe de mendiants. Parmi eux, une fillette brune, décharnée, leva vers lui un regard plein d'admiration.

— Shadow, que fais-tu ? demanda Loevan, méfiant.

Le brun saisit la petite main frêle et y dépose la bague en or.

— Apporte-la à tes parents. Je suis persuadé qu'ils en feront bon usage.

L'enfant lui offre un sourire éclatant avant de détaler vers sa famille.

— N'étions-nous pas supposés rester discrets ? soupira Loevan.

Ewen observait Shadow avec perplexité. Il ne s'était jamais imaginé qu'un homme aussi arrogant pouvait se montrer si réceptif à la souffrance des autres.

Soudain, des passants tombèrent nez à nez avec eux. Une femme aux mains gantées tressaillit en les voyant, son chapeau tomba dans la boue et elle se mit dans tous ses états.

— Gardes, approchez, je vous prie ! s'écria-t-elle d'une voix perçante.

Un petit groupe de soldats britanniques, vêtus d'uniformes impeccables, s'avance. Leurs perruques blanches et leurs queues de cheval accentuaient leur air austère, et chacun portait un pistolet à la ceinture.

— Madame Canova, le temps n'est guère propice aux promenades, encore moins dans le quartier des pouilleux, lança l'un d'eux d'un ton condescendant.

Azura proféra un juron, outrée.

— Je rêve, pour qui il se prend !

Le soldat s'arrête net en détaillant leurs vêtements.

— Quel accoutrement grotesque ! Je n'ai jamais rien vu de tel, pas même sur ces miséreux. Ces mendiants malpropres sont-ils la cause de votre désagrément, madame ?

Un autre soldat s'avança et fixa Ewen d'un regard menaçant. Shadow, jusqu'alors impassible, sentit son sang bouillir.

— Comment osez-vous piétiner cette chaussée ? ! cracha le soldat. Les miséreux de votre rang devraient être pendus sur la place publique !

Il braqua son pistolet sur la tempe d'Ewen. Le cœur du jeune homme rata un battement. Azura bondit vers lui, mais Shadow fut plus rapide. D'un geste fulgurant, il attire le soldat par la nuque. Avant même que l'homme ne réagisse, il s'effondra, inconscient.

Deux autres soldats dégainèrent leurs armes. Loevan arracha le pistolet du garde à terre et assomma l'un de ses camarades avec le manche. Elisandre, rapide, balança un coup de pied au troisième. L'homme trébucha et son arme glissa sur la chaussée. La femme qui les avait dénoncées poussa un cri et s'enfuit, affolée.

Élise attrapa son adversaire par la queue de cheval et tira brusquement. La perruque se détache, dévoilant un crâne dégarni. Elle éclata de rire avant de lui asséner un coup de poing en plein visage. Humilié, le soldat prit la fuite.

— Des intrus attaquent la garde ! lance un témoin.

Le chaos éclata. Nos protagonistes tentèrent de s'échapper.

Soudain, Azura sentit une main agile glisser dans son dos et s'emparer de sa montre de poche. Elle se revient vivement, portant une main à son cou.

Un petit garçon la fixait avec un sourire espiègle, l'objet brillant entre ses doigts.

— Redonne-moi ça, espèce de voleur ! s'écria-t-elle.

L'enfant gloussa et détala à toute vitesse.

— Merde ! Pesta Loevan avant de se lancer dans sa poursuite.

Il aurait pu utiliser ses sauts pour le rattraper, mais avec tous ces gens autour, c'était hors de question. Le garçon connaît les rues comme sa poche. Il zigzaguait dans les ruelles, bondissant avec agilité par-dessus les obstacles.

Ils longèrent un parc aux jardins somptueux, bousculant les passants sur leur passage. Le voleur se faufila entre les étals d'un marché, attrapa une pomme au vol et s'arrêta brièvement pour croquer dedans.

Loevan et Azura tentèrent de l'attraper, mais il se coula entre deux passants, les laissant pantois.

Finalement, il déboucha sur les quais. Le long de la Tamise, d'imposants navires de marchandises s'alignaient sur l'eau sombre.

Le garçon s'arrêta au bout d'un poteau, cerné entre le fleuve et leurs poursuivants. Pourtant, il ne semblait ni effrayé ni contrarié. Bien au contraire. Son visage angélique était encadré par d'épaisses boucles brunes, et ses yeux pétillaient d'amusement.

Azura, haletante, fulminait.

— Tu es coincé, vente petit voleur !

— Ça, c'est vous qui le dites, répondit-il avec un sourire narquois.

Un cri retenu derrière eux. Elisandre venait d'émettre un gémissement étouffé.

Azura et Loevan se retournèrent brusquement. Des hommes avaient surgi de l'ombre, saisissant la jeune fille par derrière. Un tissu blanc fut plaqué sur sa bouche.

— Élisandre !

Loevan voulait se précipiter, mais une poigne invisible s'empara soudain de lui. Il lutta, tentant de se débattre, mais un parfum entêtant envahit ses narines. Sa vision est obscure.

Le monde vacilla autour de lui.

Et, dans un dernier sursaut, il entendit les cris de ses amis avant que l'obscurité ne l'engloutisse entièrement.

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