Loevan avait rapproché la jeune femme du bord, scrutant les alentours avant de se pencher par-dessus la balustrade. Il incita Azura à le suivre, veillant à ne pas attirer l'attention.

— Si tu veux que les pirates ne t'entendent pas, tu ferais mieux de chuchoter, murmura Azura.

Loevan marqua un temps d'arrêt et lança un dernier coup d'œil en arrière.

— Nous sommes tombés sur le bon bateau, mais aussi sur le mauvais. Certes, nous pourrons atteindre l'île avec le Splinter. Mais si le destin se répète comme prévu (et il le faut pour que toi et Ewen veniez au monde), le navire sera attaqué.

La brunette pâlit.

— Et nous avec… J'espère que notre rencontre avec Ferguson ne causera pas de dégâts irréparables sur le temps.

— Je ne peux pas le prévoir, mais une chose est certaine : nous ne devons pas altérer le destin. Le vaisseau sera inévitablement assailli, et cela ne doit pas changer.

— Peut-être devrions-nous tous nous réunir pour en parler, suggéra la brune.

Jian se glissa entre les Neridiens, le regard suspicieux. Azura détourna les yeux sous son expression de mépris.

— Nous discutons simplement, c'est interdit maintenant ? lance-t-elle.

— Vous discutez ou vous complotez contre nous ?

— Franchement, pourquoi ferait-on ça ? Vous avez tout un équipage qui peut nous faire taire en un instant. Aucun de nous ne prendrait ce risque.

— Jian, viens, ordonna un pirate.

— Considérez-vous chanceux cette fois-ci, je reviens immédiatement !

— C'est le moment opportun pour réunir tout le monde, s'exclama Loe. Oh, et Azura, tu as bien répondu.

— Merci.

Aaron remarqua que sa sœur scrutait le jeune homme avec une certaine avidité. Il n'était pas dupe : il comprenait parfaitement qu'il s'était passé quelque chose entre eux. Cette pensée lui donna instantanément envie de les interrompre.

— De quoi vous parlez ?

— Ewen, tu arrives à point nommé, avoua Loe. Où est Élise ?

— Derrière toi.

Le jeune homme détourna le regard.

— Attention, l'autre vautour ne va pas tarder à faire son retour.

— On a besoin de se rassembler. Quoi qu'il arrive, il faut qu'on discute, on est confrontés à un grave problème ! s'enquit Azura.

— Ça, tu l'as dit… répondit Élise.

— Il faut partir avant que le bateau ne soit assailli ! Si ma mémoire est exacte, l'attaque aura lieu en plein jour, à proximité de l'île.

— Donc le navire nous y mènera forcément.

— Oui, Ewen. Mais si nous restons ici, nous courons aussi le risque d'être attaqués, expliqua Élise.

— À condition de s'y préparer.

Shadow apparut derrière eux alors qu'Azura détournait le regard.

— On récupère la montre, on attend le moment crucial, puis on monte à bord d'un navire de secours pendant que ces idiots de pirates s'entretuent. Ni vu ni connu !

— On court le risque de se blesser, ou pire ! s'offusqua Azura.

— Tu as un meilleur plan, ma jolie ?

— Il faut récupérer le pendentif et partir d'ici sans tarder ! s'exclama Loevan.

— Comment on va faire ça ? Ça grouille de pirates ici, demanda Élise.

— Explorateur, je souhaite m'entretenir avec vous !

Hernest les coupa, accompagné d'un asiatique.

— Monsieur Lacroix a rempli sa part du contrat, annonça-t-il. Il désire voir quelqu'un prendre les rênes. Vous, la jeune fille aux cheveux couleur cendre.

Élise entrouvrit les lèvres.

— Moi ?

Shadow sourit.

— Oh, je fais ce que je peux, mais je ne suis pas si…

— Ma cousine est trop modeste ! Croyez-moi, c'est une navigatrice d'exception ! insista Shadow.

Élise lui jeta un regard foudroyant.

— Bien, cette demoiselle ira à la barre dès demain matin ! Mais d'abord, débarrassez-vous de cet ignoble accoutrement. Jian, accompagnez-les dans mes appartements.

— Capitaine, je dois les accompagner… ?

— Piètre imbécile ! Retiens tes ardeurs et guide-les jusqu'à la porte.

Les filles gloussèrent. L'Asiatique baissa les yeux, embarrassé.

— Je n'avais pas l'intention de les suivre à l'intérieur, capitaine, je vous le promets !

— Jian, disparais immédiatement.

Les jeunes femmes le suivirent dans les étroites allées du navire. Une fois à l'intérieur de la chambre, il referma la porte derrière elles. C'était une pièce modeste, avec un vieux lit à baldaquin trônant au centre. Deux commodes abîmées se tenaient de chaque côté du lit, couvertes d'amas de livres et d'un bougeoir. Des vêtements pliés attendaient sur l'une d'elles.

Pendant ce temps, les hommes étaient dans une pièce obscure, aux allures de cale. Des tonneaux et des hamacs encombraient l'espace. Aaron, Shadow et Loevan scrutaient leur environnement lorsque Ferguson leur lança une pile de vêtements.

— Mettez ça et retrouvez-moi sur le pont.

Ewen frissonna. Se déshabiller devant ses camarades le gênait profondément. Il se retira derrière un hamac, tandis que Loevan commençait déjà à enlever sa chemise. Shadow, torse nu, révélait un dos élancé et musclé, orné d'un tatouage sur l'omoplate : un aigle tracé à l'encre noire.

Soudain, Shadow se figea, puis tourna légèrement la tête. Ewen détourna précipitamment le regard. Le brun gloussa avant de saisir une couverture et de la tendre devant lui.

— Tu peux te déshabiller sans crainte. Tout le monde n'est pas à l'aise avec son corps.

— Je… merci.

Ewen balbutia avant de s'agenouiller et de se changer.

— Je jure que je ne regarde pas.

— T'as tout intérêt ! menaça Ewen.

— Pas que ça m'aurait déplu, mais toi, tu ne t'es pas gêné, répliqua Shadow avec un sourire en coin.

Ewen, mortifié, tenta de changer de sujet.

— C'est quoi, ton tatouage ?

— Un symbole amérindien. De là viennent mes racines…

— De ta mère, je suppose ?

— Exactement…

Une lueur s'éteignit dans le regard de Shadow. Ewen comprit alors que sa mère était morte.

— Désolé…

— Ce n'est rien… Je ne l'ai jamais connue.

Un pincement serra le cœur d'Ewen.

— Je suis navré, je sais ce que c'est…

— Ça nous fait un point commun, avoua Shadow.