Du sang et de la poudre

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Un trousseau de clés à la main, Ferguson se dressait devant Azura. Il scruta les alentours avant de déverrouiller la porte de la cellule dans un grincement. Il s'arrêta un instant, levant les yeux vers le plafond. Des hurlements et des coups de feu retentissaient sur le pont. Sans perdre plus de temps, il se hâta d'ouvrir une à une les cellules. Azura l'observait avec stupeur. Elle en était persuadée : Ferguson était différent. Il le savait au fond de lui, un lien unique l'unissait à la jeune femme.

— Vous êtes étrange et différent, mais pour autant, je ressens le besoin de vous protéger, vous et vos amis, avoua-t-il en plongeant son regard dans celui de la brune. Peut-être ai-je perdu la raison, mais j'ai tendance à écouter mon cœur plutôt que ma tête.

Le trousseau de clés tomba au sol. Après avoir libéré tout le monde, Ferguson saisit Azura par les épaules.

— Azura, j'ai été ravi de vous rencontrer et je ne pourrai jamais oublier votre visage.

Les yeux de la jeune femme brillaient de larmes. Mais l'adolescent n'attendit pas de réponse et attira Azura et ses amis vers la sortie. Sur le pont, le navire était sens dessus dessous. Les cris se mêlaient au tintement des sabres et à une odeur âcre de fer. La Néridienne prit son courage à deux mains et scruta la foule à la recherche de son frère. Elle manqua de trébucher : un corps sans vie gisait à ses pieds. Un hurlement s'échappa de ses lèvres avant que Loevan ne la serre contre lui.

— Ne regarde pas. Allons secourir Ewen.

Elisandre, elle, fut violemment percutée dans sa course. Quand elle se redressa, elle ne distinguait plus ses amis. Un homme s'approcha et brandit son arme ensanglantée près de son visage.

— Une jeune fille sur un navire pirate. Voyez-vous ça…

Elise ferma les yeux. Soudain, un son aigu retentit. Elle entrouvrit les paupières et vit un homme la secourir. Il désarma son adversaire, et sa lame frôla plusieurs fois la poitrine du soldat avant de s'enfoncer dans son épaule. L'homme hurla de douleur. Jian se dressa devant la blonde et l'aida à se relever.

— Partez ! ordonna le pirate.

Elisandre esquissa un sourire et accourut vers ses amis. Elle s'arrêta net. Deux hommes se précipitaient sur Jian, qui leur tournait le dos. Sans hésiter, elle fit demi-tour, ramassa un sabre à terre et repoussa l'un des assaillants, qui chuta en jurant. Jian leva la tête, stupéfait. Elisandre, si jeune et frêle, tenait tête à deux soldats aguerris avec une agilité et une maîtrise impressionnantes. Elle appliqua tout ce qu'elle avait appris : les deux soldats, épuisés et couverts de plaies, tentaient de riposter. L'un hurla de rage, mais Elise l'assomma avec le manche de son sabre. Le second perdit l'équilibre et se fracassa contre la balustrade.

— Qui êtes-vous ? souffla Jian, abasourdi.

— Quelqu'un qui vous veut du bien.

Pendant ce temps, Azura et Loevan avançaient dans le chaos. La brune vacillait sous l'effet du tumulte, des bruits assourdissants et du sang qui maculait le pont. Soudain, Ewen apparut face à elle et se jeta dans ses bras.

— Ewen !

— Tout va bien, je vais bien.

— Oh mon dieu, j'ai eu si peur.

— Comment êtes-vous sortis ?

— Ferguson nous a libérés.

— Ferguson ? répéta-t-il, médusé.

— Pas le temps de discuter, on doit retrouver les autres, trancha Loevan.

Les jumeaux hochèrent la tête et balayèrent les alentours du regard. Ewen repéra une silhouette familière aux longs cheveux bruns et soupira de soulagement.

— Shadow est ici !

Loevan acquiesça. Malgré leurs différends, il était soulagé de voir son cousin. Lorsqu'ils le rejoignirent, Shadow se retourna, révélant son chemisier maculé de sang.

— Ce sang… à qui appartient-il ? demanda Azura.

— Des soldats ont tenté de me tuer. J'ai rendu service à l'humanité.

Deux corps gisaient à ses pieds.

— Tu les as tués ? s'étonna Ewen.

— Je n'avais pas le choix. Ils m'auraient tué sinon. Où est Elise ?

L'adolescente apparut quelques secondes plus tard, le souffle court.

— Où étais-tu passée ? grogna Loe.

— Je suis tombée en chemin et j'ai été attaquée. Jian m'a secourue.

— Et pourquoi tiens-tu un sabre couvert de sang ?

— Je l'ai pris sur un cadavre. Il fallait bien que je me défende.

— Elise, tu es trop jeune…

— Tu leur as mis une raclée. Bien joué, cousine.

— On dégage ! ordonna Loevan.

Ils se précipitèrent vers la balustrade, abaissèrent une barque de secours et s'apprêtèrent à sauter. Mais des hommes leur barrèrent la route, revolvers braqués.

— Un pas de plus et je tire sur le capitaine.

Le capitaine haletait, un pistolet pointé sur sa tempe. Ferguson et Jian étaient cernés par les survivants de l'affrontement.

— Ne vous occupez pas de moi ! Tuez ces maudits soldats !

— On fait quoi maintenant ? murmura Elise.

L'atmosphère était électrique, prête à exploser…

— James ? Où te caches-tu ?

— James ? répéta Loe, déconcerté.

— Je suis là.

Le petit voleur se hissa entre Jian et Fergus. Il s'était caché derrière un amas de tonneaux depuis le début. Son petit corps tremblait et il avait l'air désemparé. Le capitaine l'observa avec stupeur et interrogation.

— James, petit demeuré, tu te cachais. Encore.

— James, est-ce que tu connais cet homme ? demanda Hernest.

Le petit garçon abaissa les yeux.

— « S'il me connaît » ? L'homme pouffa. Cette crapule sans intérêt est mon fils.

— Non… James, c'est toi qui nous as dénoncés ? Comment ? lâcha Fergus, médusé.

Jian poussa un cri et asséna un coup de coude à l'un des soldats. Le nez en sang et emporté par la colère, il prit son arme et tira dans la jambe de l'homme. L'asiatique poussa un gémissement de douleur et tomba à genoux. Les jumeaux se raidirent tandis qu'Élisandre lâcha un juron et sprinta vers Jian, mais les soldats lui barraient la route. Ferguson hurla son nom, désemparé et pris au piège. Le capitaine haletait, le regard dans le vide.

— Abrégez les souffrances de cet odieux pirate, ordonna le capitaine de la garde royale.

— Ne faites pas ça ! Je sais où est la carte !

— Attendez ! ordonna le général. Donne-la-moi !

— Laisse-les partir !

— James, leur vie n'a aucune valeur, ce sont des criminels.

— C'est faux ! Ils n'ont rien fait de mal, c'est vous les criminels ! sahurlnglota le petit garçon.

— James… pourquoi ? demanda Hernest dans un soupir.

— Capitaine, mon père m'a obligé à me faire passer pour un mendiant, pour que je gagne votre confiance et dérobe la carte. Le jour où nous avons rencontré les Français, mon père m'attendait pour la récupérer… Mais je me suis ravisé, je le jure ! Je me suis enfui !

— Que faisais-tu exactement dans le bureau du capitaine avec cette carte ? demanda Shadow.

— Je voulais m'en débarrasser… Je ne pensais pas qu'ils allaient nous retrouver… sanglota James.

— Tu n'as fait qu'accroître ma colère. Tu seras puni en conséquence, ignoble lâche ! grogna l'homme.

Le général appuya sur la gâchette. Un bruit assourdissant retentit sur le navire. James accourut vers Shadow et, d'instinct, le jeune homme le saisit et le détourna de cette scène d'horreur. Ferguson hurla et s'empara du pistolet pointé sur sa tête. L'homme tira, la balle frôla son oreille. Fergus lui arracha son arme, tira dans l'épaule du soldat et le jeta par-dessus bord. La bataille sanglante reprit. Le corps sans vie d'Hernest gisait sur le pont. Ewen détourna le regard et serra la main de sa sœur aussi fort que possible. Loevan, affligé, lui ferma les yeux. Élisandre sprinta pour porter secours à Jian, gravement blessé à la jambe.

— Oh mon Dieu…

— Partez ! dit-il dans un gémissement.

— Laissez-moi vous aider !

Le pirate saisit le poignet de la blonde et rétorqua à nouveau :

— Partez.

La jeune fille détourna le regard par-dessus son épaule. Loe se dressait derrière elle, la main tendue vers sa petite sœur. Élisandre ne pouvait se résoudre à ne rien faire. Elle déchira la manche de sa chemise et la noua autour de la jambe de Jian. Il lâcha un gémissement de douleur et lui serra la main un peu plus fort.

— Élise, il faut partir, maintenant !

À contrecœur, la blonde lui lâcha la main et s'éloigna.

— Je vous interdis de mourir ! S'exclama-t-elle avant de se retourner.

Fergus faisait face au général, une rage folle l'animait.

Loe attira sa sœur vers le bord où se trouvaient déjà les jumeaux.

— Allez, on saute !

Azura observa Fergus. Elle savait qu'il allait s'en sortir. Pourtant, une douleur vive lui transperçait la poitrine. Son frère scruta les alentours, inquiet.

— Où est Shadow ?

À l'unisson, les Néridiens détournèrent les yeux. Shadow accourait vers eux, James dans les bras. Dans sa course, un homme brandit sa lame en sa direction. Shad poussa un gémissement de douleur. Il sentit la lame traverser la surface de sa peau, lui lacérant le ventre. Malgré sa blessure, le brun ne relâcha pas James et atteignit enfin la balustrade. Ewen fut attiré par sa sœur et sauta ; Élisandre était déjà en bas. Loe remarqua alors la présence de James.

— Que fais-tu avec ce traître ?

— Je lui sauve la vie.

Dans un soupir, Loevan attrapa le petit garçon et ordonna à son cousin de sauter. Il le rejoignit quelques secondes plus tard. Le bateau s'éloignait lentement, dans un silence pesant. Azura et Élisandre avaient les yeux pleins de larmes. James était recroquevillé au pied de Loevan.

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