Le bénéfice du doute !

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Presque une semaine que nous sommes en vacances, le temps passe à une vitesse folle ! Depuis notre arrivée, nous avons visité la ville, les plages, les bars et quelques restaurants. Mais aujourd’hui, nous allons faire du canyoning et je suis ravie ! J’ai finalement convaincue Popo de nous accompagner, mais ce ne fût pas chose facile. Quand il s’agit de lui bouger les fesses pour autre chose qu’une sortie à la plage ou du shopping, je vous dis pas la galère. J’ai dû lui promettre de faire une sortie fringue en ville entre filles. Moi qui déteste ça ! J’achète tous mes vêtements sur internet et je prends toujours la même chose et la même marque, pas besoin d’essayer et cela évite les mauvaises surprises. Je ne comprendrais jamais l’intérêt de porter des trucs qui moulent et où l’on est pas à l’aise. Jean, tee-shirt et un sweet l’hiver, je trouve cela parfait. Les rares fois où j’ai dû porter une robe peuvent se compter sur les doigts d’une main et j’avais l’impression d’être déguisé, mal dans ma peau, pas moi-même !

Je roule dans mon lit en m’étirant, il n’est même pas encore sept heure, mais je suis incapable de me rendormir, bien trop exciter par la journée qui s’annonce. De plus, j’ai complètement oublié de fermer les volets hier soir et le soleil est en train de me chatouiller le visage. Je me lève et descends au rez-de-chaussée dans l’objectif de me faire un café.

J’ouvre la porte fenêtre et sors sur la terrasse. J’observe la piscine en profitant du silence. Je pourrais peut-être faire quelques longueurs tant que tout le monde est couché. En journée c’est plus difficile, entre Popo qui râle dès qu’elle entend un bruit et Raph qui plonge sans arrêt, il n’y a pas moyen d’être tranquille cinq minutes.

Après avoir enfilé mon maillot, j’entame mes longueurs en laissant mon esprit s’évader et il s’arrête à l’homme croisé il y a quelques jours à la boulangerie. Jamais, je ne m’étais emportée comme cela. Jamais, je n’avais osé tenir tête à un inconnu de cette façon. Je me demande encore ce qui a bien pu me passer par la tête.

J’arrive au bord et m’arrête, je n’en peux plus.

— T’es une grande malade, tu le sais ça au moins ?

— Et pourquoi donc ?

— Avoue qu’il faut quand même en avoir un grain pour faire du sport avant huit heures du matin !

Apolline tourne les talons et se vautre littéralement sur une chaise longue, sa tasse de café à la main. Je sors, m’essuie et vais m’asseoir avec elle.

— De toute façon, toi, c’est au mot sport que tu es carrément allergique !

— J’apprécie le sport, mais à la télé et dans un bon canapé ! Et je viens juste de me souvenir qu’aujourd’hui, il y a une compétition de curling mixte que je ne peux vraiment pas rater. Donc, j’étais en train de me dire que vous pourriez aller faire votre truc sans moi. Je suis vraiment crevé, on s’est couché beaucoup trop tard hier soir.

Elle met son bras sur ses yeux en poussant un gros soupir. Mais je la connais par cœur et je sais qu’elle joue tout simplement la comédie. Dommage pour elle, je suis aussi têtue et un marché est un marché.

— Si tu crois arriver à t’en sortir comme ça, tu te fourre le doigt dans l’œil ma cocotte.

— Une autre fois, c’est promis.

— Oui, bien sûr, quand nous serons rentrés par exemple ?

— Mais pourquoi pas ! Tu viens d’avoir l’idée du siècle, je vote pour ! Dit-elle en riant.

Je me lève et me dirige vers l’intérieur pour me faire un autre café, je sens que je vais en avoir grand besoin et lui crie par-dessus mon épaule.

— Tu peux rêver, on a un marché, ne l’oublie pas !

En pénétrant à l’intérieur, je tombe nez à nez avec Raphaël à qui je trouve de petits yeux.

— Mais qu’est-ce que vous avez à brailler toutes les deux ? Vous foutez un de ces bordel !

— Mince, pardon, on t’as réveiller ?

Je mets ma tasse sous le percolateur et lance la machine avant de me retourner vers lui.

— Tu en veux un ?

— Oui, c’est pas de refus et oui, vous m’avez réveillé !

Je lui tends sa tasse avec un sourire avant d’attraper la mienne.

— L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ! Rappel moi qui dit ça sans arrêt ? Lui dis-je.

Il secoue la tête sans répondre, se dirige vers l’extérieur et je le suis. Il fait bon le matin de bonne heure, ça fait vraiment du bien et ça change de la chaleur de la journée.

Nous sommes tous les trois allongés sur un bain de soleil côte à côte, quand Popo se redresse en s’adressant à moi.

— Dis donc ma poule, il faudrait voir à penser à t’épiler !

— Tu plaisantes, je me suis rasé juste avant de partir !

Je regarde mes jambes, bon ok, ça a repoussé, un peu, un peu beaucoup, mais ce n’est pas pire que d’habitude. Je ne me rase jamais, sauf pour les vacances, puisque c’est la période où j’expose mes jambes. Et encore c’est vraiment parce qu’elle insiste lourdement ! J’ai vu Apolline s’épiler une fois et cela m’a suffi. Rien qu’à voir la tête qu’elle fait au moment de retirer la bande, franchement, je n’ai même pas envie d’essayer ! Elle me regarde en soupirant.

— Tu es vraiment irrécupérable ! Combien de fois je vais devoir te répéter qu’une femme doit faire un minimum d’effort et ne pas avoir de poil c’est la base.

— Et pourquoi donc ? Pourquoi les hommes auraient-ils le droit de se balader avec du poil partout et pas nous ? Nous avons voulue l’égalité des sexe, alors moi, je dis que j’ai aussi le droit de garder mon duvet !

Elle éclate de rire, si bien que j’ai l’impression qu’elle est en train de s’étouffer. Je me demande bien ce que j’ai pu dire de si drôle, vraiment ! Popo finit par reprendre son souffle et essuie ses yeux pleins de larmes.

— Oh ma chérie, je te rappelle que tu es brune et mate de peau de surcroît. Alors je peux te garantir que ce n’est pas du duvet que tu te traine, c’est carrément un champ de foin ! Et tu sais ce que l’on dit : Quand il y a du grain dans l’escalier, c’est qu’il y a du foin au grenier ! Et vu que ton foin est rendu dans l’escalier, je n’imagine même pas l’état du grenier !

Et elle repart dans un fou rire et Raph qui tentait de se contrôler finit par faire pareil. Rien que de les voir comme ça, je suis incapable de paraitre vexé ou quoique ce soit, j’ai juste envie de rire avec eux !

Nous sommes en route pour le canyon du Val d’Angouire qui est apparemment le plus beau du secteur. C’est Raph qui a dégoté l’adresse et s’il dit que celui-ci qu’il faut faire, moi, je le suis les yeux fermés. La bonne nouvelle c’est que nous sommes tous les trois. La mauvaise, c’est que Popo à négocier sa venue contre une séance d’épilation à la place de la sortie shopping. Donc, ce soir au programme, c’est apéro dinatoire et l’éradication de mon système pileux ! Il y a des jours comme ça, où je me dis qu’il faudrait vraiment que j’apprenne à dire non. Je suis carrément terrorisée et je jure que si elle évoque le maillot, je la noie dans la piscine !

Quand nous arrivons à destination, je suis tout simplement émerveillé devant le spectacle qui s’offre devant mes yeux. Une immensité rocheuse verdoyante qui s’étend à perte de vue avec en son centre une crevasse qui semble aller jusqu’à la mer. L’eau que l’on peut apercevoir en contrebas est tellement cristalline, que même de là où nous nous trouvons, nous pouvons apercevoir le fond rocheux.

Avec Raph nous adorons les sports un peu extrême comme le rafting, le parapente ou encore le saut à l’élastique. Dans nos montagnes, je suis saisonnière. L’hiver, je suis monitrice de ski et guide de haute montagne, l’été je fais découvrir aux touristes des sports original typique des hauteurs tel que : la descente de pistes de ski en VTT, les promenades sur le glacier de la Grande Motte, les randonnées à la recherche d’une bergerie fabricant sur place des fromages ou encore, les baptêmes en parapente. Et durant mon temps libre, je suis pompier volontaire. Toutes ses activités me permettent de gagner confortablement ma vie et de pouvoir rester dans le village de mon enfance, auquel je suis très attaché. Raphaël quant à lui est pompier professionnel, mais nous partageons la même passion pour ces sports un peu fous. Apolline, elle, est l’une des régulatrices de jour de la caserne, c’est elle qui traite les urgences et les classes par ordre d’importance, avant de nous envoyer sur le terrain.

— Il est encore temps de faire demi-tour ?

Popo est en train de regarder en bas et semble quelque peu mal alaise !

— Non, c’est mort t’es là, t’y reste ! Lui répond Raph.

— En fait, vous voulez ma mort c’est ça ? Vous voulez vous débarrasser de moi !

Il l’a regarde du coin de l’œil.

— Et bien, pour être parfaitement honnête avec toi, on cherche juste un moyen de faire passer ça pour un accident !

— Mais dis-moi mon petit Raphy, t’as bouffé un clown aujourd’hui, lui répond-elle !

Le bruit d’un véhicule en approche se fait entendre, nous sortant de notre discussion. Quatre hommes en descendent et au vue du matériel qui remplit leur camionnette, je suis certaine que ce sont nos moniteurs de la journée. Ils semblent être plutôt jeunes, enfin dans nos âges à nous. Mais en y regardant d’un peu plus près l’un d’entre eux me semble familier.

Non mais dites-moi que je rêve ! J’ai la poisse, je suis maudite, appelé cela comme vous le voulez, mais ce n’est pas possible de manquer de chance comme ça ! Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire au bon dieu pour mériter ça ? J’avais une chance sur combien de retomber sur lui, de recroiser son chemin ? Une sur un million ? Une sur un milliard ?

— Hé merde !

— Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Me demande Raph.

— Crois-le ou non, mais c’est le type de la boulangerie !

— Sérieux ?

— Si j’te le dis !

— Ces quoi ces messes basses tous les deux ?

Il faut aussi savoir quelque chose sur Apolline, c’est qu’elle a un radar à potin, elle arrive toujours au bon moment, comme un cheveux sur la soupe, toujours quand on s’y attend le moins !

— Rien, c’est juste le type avec qui je me suis prise la tête à la boulangerie.

— Lequel ?

— Le grand brun.

Elle me regarde en ouvrant de grands yeux.

— Ma poule, il va falloir être un peu plus précise, parce qu’ils sont tous grands et bruns !

— Le seul qui n’a pas le sourire !

— Je vois !

Les quatre hommes s’avancent vers nous et le premier nous tend la main.

— Bonjour, je suis Samir et voici les autres membres de l’équipe encadrante pour aujourd’hui. Abel, Théo et Noël.

Noël ? Je suis à deux doigts d’exploser de rire. Comment peut-on porter un prénom signe de douceur, de joie de vivre, de convivialité et de partage tout en étant un aussi gros con, aigri et mal poli ? Il y a dû avoir un problème dans l’éducation de ce monsieur ! Bon, si ça se trouve, il était juste vraiment pressé et un peu de mauvaise humeur ce jour-là. Je vais lui laisser le bénéfice du doute.

Nous nous serons tous la main en nous présentant et quand mon tour vient de m’approcher de lui, j’ai un temps d’arrêt. Je n’avais pas du tout fait attention à son physique la première fois, mais je ne peux pas nier qu’il est plutôt pas mal. Bon ok, pas mal n’est pas vraiment le mot, il est carrément canon oui ! Grand, brun, barbu et des yeux d’un vert que je n’ai jamais vu auparavant. Son équipement le moule à la perfection et laisse deviner qu’il s’entretient un minimum. Mais c’est son regard qui me laisse perplexe, ses yeux sont voilés et semble triste. Je lui tends la main.

— Bonjour, je suis Sam.

Il m’examine en relevant un sourcil, avant de se détourner en prononçant un rapide bonjour dans sa barbe. Bon rectification, c’est juste un gros con. Je défie quiconque de venir me prouver que le cliché du beau gosse complètement con est faux et croyez-moi, je vais le recevoir. Ce type est aussi désagréable qu’il a une belle gueule ! Je serre les dents pour ne pas répondre, de toute façon, il n’en vaut vraiment pas la peine. Il ne mérite même pas que je m’abaisse à l’envoyer sur les roses. Je suis quelqu’un de calme, posé et réfléchi, ce n’est certainement pas lui qui réussira à ébranler ma patience à toute épreuve.

Une journée, il faut juste que je tienne une seule journée avec mon envie de l’étrangler !

— Parfait, voilà le reste du groupe de la journée.

L’un des moniteur me sort de mes pensées et en relevant les yeux j’aperçois quatre autres personnes, une famille, je présume. Ils ont tous un grand sourire quand ils se présentent. J’apprends que le papa s’appelle James et qu’il est agriculteur, que sa femme se prénomme Chérie, ce qui soit dit en passant est un prénom des plus original et qu’elle l’aide sur l’exploitation. Leurs deux enfants, Stéphane et Michel ont respectivement quatorze et seize ans. Eux au moins ont vraiment l’air sympathique, ce qui devrait relever le niveau.

— Maintenant que nous sommes au complet, je vous demanderez de vous équiper. Vous trouverez à l’intérieur de la camionnette des combinaisons, ainsi que des casques et des baudriers. Quand tout le monde sera prêt, nous pourrons amorcer notre descente dans le canyon. Pour ceux qui ne connaissent pas la manipulation du baudrier, n’hésitez surtout pas à faire appel à un membre de l’équipe encadrante.

Je suis fin prête et mes amis aussi, la famille elle, semble rencontrer quelques difficultés, alors je m’approche.

— Vous voulez un coup de main ? Demandai-je.

— C’est pas de refus, si vous vous y connaissait dans ces instruments de torture. Me réponds Chérie.

Je lui sourit.

— Oui très bien, ne vous en faites pas. Faite voir.

Elle se tourne et je me rends compte qu’elle a juste enfilé le baudrier à l’envers, alors je lui fait retirer, le remets dans le bon sens, sert les lanières et accroche les mousquetons en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

— Et voilà, vous êtes paré.

Elle me remercie, un moniteur vérifie que nous sommes bien attachés et nous nous mettons en route. Nous empruntons un sentier qui longe les falaises, mais qui est plutôt bien aménagé. Une rambarde de corde a été installée du côté du vide, permettant de s’y accrocher. Pour ceux qui ont tendance à être attiré par le vide, le simple fait d’avoir de quoi se tenir, suffit en général à faire disparaître la sensation d’inconfort. Apolline est juste derrière moi et s’accroche fermement à la lanière de mon sac à dos. Nous avons décidé avec Raphaël qu’il porterait notre déjeuner et moi nos chaussures, permettant à Popo de ne rien avoir qui l’encombre. Elle est déjà trouillarde de nature, le but de la sortie, c’est de lui faire découvrir de nouvelles sensations, pas de la dégoûter à vie.

— Petite question. Tout ce que l’on est en train de descendre, dites-moi qu’il ne va pas falloir le remonter !

J’éclate de rire, Apolline et sa logique.

— Si Popo, au bout d’un moment, il va bien falloir remonter.

Elle s’arrête net et je me tourne vers elle. Mon amie se retourne et regarde dans la direction dont nous venons.

— Mon dieu, je vais mourir !

Raph lui fait faire demi-tour et la pousse vers l’avant.

— Non tu ne vas pas mourir, mais tu vas découvrir ce que c’est d’être fatigué le soir, lui dit-il.

— Ouais ben, je vais t’apprendre un truc, une séance de shopping donne exactement le même résultat, c’est juste beaucoup moins dangereux.

— Mais ce n’est pas dangereux, fait pas ta chochotte, même les enfants sont acceptés sur le parcours, lui dis-je.

— Mon dieu prier pour moi ! Je veux retourner au bord de ma piscine !

Nous éclatons de rire en reprenant notre route.

Quarante-cinq minutes plus tard, nous sommes au point de départ. Et c’est là que le vrai plaisir commence. Nous descendons dans l’eau, chacun à tour de rôle.

— Putain, mais elle est gelée ! S’exclame Popo.

L’un des moniteurs s’approche d’elle.

— Ta combinaison est étudiée pour. L’eau pénètre à l’intérieur et va se réchauffer avec la chaleur de ton corps, d’ici quelques minutes, la sensation de froid aura disparu et l’eau te paraîtra à la bonne température.

— Sûr ?

— Sûr et certain oui !

Elle se tourne vers nous et nous foudroie du regard.

— Mais dans quelle galère vous m’avez encore embarqué tous les deux. Sam, tu sais que je vais me venger ? Tu en es consciente ? Il est encore temps de faire demi-tour, me dit-elle.

Et là connaissant je suis persuadé qu’elle pense ce qu’elle vient de dire et je dois bien avouer que je compte bien sur le fait, qu’elle soit tellement crevée ce soir, qu’elle n’aura pas la force de mettre sa menace à exécution. Si en temps normal je n’ai pas peur de grand-chose, j’avoue que sa séance de torture me fou quand même la trouille. Mais comme je ne suis pas du tout du genre à me défiler, je lui répond :

— On verra ça, mais pour le moment, avance donc !

Elle souffle et s’avance un peu plus loin dans le lac permettant aux autres de faire de même.

Nous arrivons presque à la moitié du parcours qui était sympa, mais un peu trop simple à mon goût. Mais d’après ce que j’ai compris, la deuxième partie devrait être un peu plus sportive. Nous n’avons toujours pas fait une seule descente en rappel et l’heure du déjeuner approche.

Noël se tient le plus éloigné de moi possible et n’a pas décroché un mot de toute la matinée. Apparemment, en plus d’être un connard égocentrique, il est aussi sauvage. Je me demande bien ce qu’un type pareil peut bien faire dans le tourisme. Il n’est pas avenant pour un sous et ne sourit jamais, une vraie tête à claque.

— Aller messieurs dames, un saut dans ce lac et nous allons déjeuner sur la plage que vous pouvez apercevoir en face.

— Excusez-moi !

Popo s’avance vers le moniteur qui se retourne.

— Oui !

— Y’a-t-il une autre solution pour descendre ? Genre un sentier, un truc comme ça.

— Oui, mais vous en avez pour une bonne heure au bas mot.

— Tant pis, je préfère encore marcher que de me jeter dans le vide !

Je lève les yeux au ciel en soufflant. Qu’est-ce qu’elle peut être fatigante parfois, en plus elle n’a même pas le vertige.

— Ne sois pas ridicule, ce n’est que de l’eau, que veux-tu qu’il t’arrive ?

— M’ouvrir le crâne sur un rocher par exemple ou me faire bouffer par un poisson. On ne voit même pas le fond, va savoir ce qu’il peut se cacher là dessous.

— Il n’y a pas de rocher et rassure toi c’est pas la p’tite bête qui va manger la grosse.

— Qu’est-ce que tu en sais toit d’abord ?

— Tu crois vraiment que s’il y avait le moindre risque, on nous ferait sauter ? Tu sais parfaitement nager, il n’y a aucun problème, alors arrête de faire ta chiante et saute lui dit Raphaël.

Elle se tourne vers lui.

— Saute d’abord toi, comme ça tu pourras toujours me récupérer et après, je sauterai avec Sam.

Il lève les yeux au ciel en se rapprochant du bord. Nous sommes les derniers, la famille et trois des moniteurs sont déjà en bas.

— Si cela fait plaisir à madame, dit mon ami.

Il effectue un plongeon parfait et je me dis que j’aurais tout compte fait préférer sauter à sa place, parce que ma copine ne sait pas faire et tel que c’est partie, elle va sauter et faire une bombe. Bon, quand il faut y aller…

— prête ? lui dis-je.

— Non, mais je n’ai pas vraiment le choix !

— Exactement, aller on y va. Je compte jusqu’à trois.

— Attends !

Elle m’attrape le bras, alors que j’étais en train de me diriger vers le bord.

— Quoi encore ?

— On saute à trois ou à trois on saute ?

Je lève les yeux au ciel.

— On saute à trois !

— Ok, comme ça c’est plus clair et je suis sûre de ne pas me tromper. Bon allons-y !

Nous nous approchons du bord sous le regard amusé du moniteur toujours en haut avec nous. Apolline prend ma main et je me tourne vers elle.

— Prête ?

Elle regarde en bas en faisant la grimace, mais ne se démonte pas.

— Ouais !

Ça c’est ma copine !

— Un, deux, trois !

Au moment où mes pieds décollent du sol, j’entends Apolline pousser un cri qui me déchire les tympans, si bien que je me demande si elle ne s’est pas fait mal.

Quand je ressors la tête de l’eau, je tire sur sa main toujours dans la mienne et l’aide à remonter. Quand elle émerge enfin, elle se met à tousser.

— Ça va ? Lui demandai-je.

— Très bien pourquoi ?

— Peut-être parce que tu as poussé un cri digne des plus grands films d’horreur.

Elle éclate de rire alors que nous nous dirigeons vers la rive à la nage.

— Ah ça ! Vu la résonance, je trouvais ça marrant.

Une vraie tête à claque !

Durant le déjeuner l’ambiance est plutôt agréable et bonne enfant. Nous sommes tous réunis en groupe en mangeant nos sandwichs. Seul le Grinch s’est mis à l’écart. Noël, le Grinch, oui je sais elle est facile, mais néanmoins marrante ! Bref, je me demande toujours ce qu’un type comme ça, fait dans ce genre d’excursion. Il ne parle à personne et répond encore moins aux questions, il est vraiment très spécial.

— Dites, c’est quoi son problème à votre collègue ? C’est incroyable d’être aussi con !

Samir se tourne vers moi avant de suivre mon regard au moment où Noël se lève et se dirige vers nous. Il se penche vers moi, saisit une bouteille d’eau avant de lancer :

— Il n’a aucun problème, il est juste con, comme vous le dites si bien ! Il est temps d’y aller, on n’a pas toute la journée !

Merde, il m’a entendue. Il reprend son sac à dos, fourre ses affaires dedans et s’avance vers le lac. Tout le monde se lève et prend sa suite. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je me sens un peu mal. D’une part parce que ce n’est pas du tout dans mes habitudes de juger les gens aussi vite et de l’autre, parce que je ne le connais absolument pas pour me permettre de le critiquer de la sorte. Pire même, de l’insulter. Je suis en train de faire exactement tout ce que je déteste des autres. Mes parents m’ont élevé dans le respect de mon prochain et il m’ont appris à ne pas me fier à la première impression. Ils disaient toujours que quelqu’un d’aigris, de méchant ou de désagréable cachait toujours un lourd secret, une vie difficile ou un passé malheureux.

Je me demande bien ce qui a pu amener le Grinch à être ce qu’il est aujourd’hui.

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