Chapitre 9

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Il s’approcha doucement d’elle, comme on approche une bête sauvage. Il ne voulait en aucun cas l’effrayer, elle qui semblait si proche et si lointaine.

Elle se tourna vers lui et posa sur lui un regard déchiré par une douleur immense. Ses yeux reflétaient une peine tellement profonde que Dylan sentit son cœur se briser. Il la prit dans ses bras, autant pour la rassurer que pour se rassurer. Il n’avait jusque-là pas conscience qu’un regard pouvait être si expressif. Elle tremblait dans ses bras, délicate et perdue.

Ils restèrent quelques instants, avant que le jeune homme ne commence à lui parler. Il lui dit à quel point il s’était inquiété pour elle, à quel point il s’en voulait d’avoir été aussi dur avec elle. Il la suppliait de lui pardonner, il lui expliquait à quel point il s’en voulait. A quel point elle avait été inconsciente de partir ainsi toute seule, sans prévenir personne.

Alice, dans ses bras, ne cessait de trembler. Elle avait enfoui son nez dans le creux de l’épaule du jeune homme.

Il s’arrêta, soupira, et, alors qu’il s’apprêtait à la ramener chez Emi, elle leva son visage vers lui et articula des mots. Aucun son ne sortait de sa bouche mais elle lui parlait. Dylan ne comprit pas tout, mais l’essentiel. Elle lui expliqua qu’elle était désolée, qu’elle ne lui en voulait pas. Qu’elle avait réagi ainsi parce que ce jour était normalement celui de l’anniversaire de son frère, mort il y avait dix ans. Que cette date lui rappelait à quel point ses parents lui manquaient. Elle n’avait pas réfléchi, elle avait voulu s’isoler et n’avait pas vu le temps passer. Mais à présent, elle voulait rentrer auprès de sa nouvelle famille. Elle avait froid, elle était fatiguée.

Dylan la prit donc dans ses bras le plus délicatement possible. Elle était incroyablement légère. Il se dirigea vers la maison d’Emi en la serrant contre lui pour essayer de la réchauffer. Elle était gelée.

Alice avait mis le bout de son nez tout froid dans la nuque du jeune homme. Elle repensait à ce qui venait de se passer. Elle n’avait pas voulu leur faire de mal.

Dylan était arrivé seul. Comme elle. Elle avait conscience que des larmes coulaient sur ses joues mais elle ne pouvait rien y faire. Elle était morte à l’intérieur. Elle sentait l’inquiétude de Dylan. Comme celle de son papa. Son faux papa. Il était gentil avec elle, mais pas comme son vrai papa. Personne ne pouvait remplacer son vrai papa. Elle l’aimait quand même. Elle pouvait voir sa fragilité, sa peine. Il était si fragile… Comme elle. Elle revoyait ses parents. Ils étaient morts sous la pluie. Elle avait toujours aimé la pluie. Mais elle lui en voulait de lui avoir pris ses parents alors elle ne l’aimait plus. Mais elle l’aimait quand même. Elle ne savait plus. Elle était morte sous la pluie, mais maintenant elle voulait mourir pour toujours. Sous la pluie.

Dylan se mit à lui parler. Elle l’écouta. Il lui parla de ses bêtises, de ses peurs qui l’empêchaient d’avancer. Elle aussi avait peur. Pour Butler, pour papa. D’elle-même. Il lui parla aussi de ses rêves. Il en avait plein la tête. Il s’en voulait, il voulait se faire pardonner. Mais il n’avait rien à se faire pardonner, elle ne lui en avait jamais voulu. Il lui disait qu’il n’aimait pas se disputer avec ses amis. Qu’elle était son amie. Elle en était fière. Dix ans qu’elle n’avait plus eu d’amis. Il se trouvait méchant, indigne de confiance. Mais elle lui faisait confiance. Alors elle lui parla. Elle lui raconta son enfance, ses parents. La beauté des paysages de sa première maison. Des mots tellement durs car si doux. Sans son. Il n’y avait plus de son depuis longtemps. Mais elle bougeait les lèvres, lentement, pour qu’il comprenne. Elle le voyait, qu’il ne comprenait pas tout mais pas grave, elle parlait. C’était le plus important. Il était content. Son papa aussi serait content. Mais elle ne voulait pas lui dire. Parce qu’il s’inquièterait. Comme toujours. Elle se sentait triste. Ou heureuse. Elle était perdue. Tout le temps. Elle ne savait plus. Rien.

Dans le salon d’Emi, la tension était palpable. La maîtresse des lieux piaillait d’inquiétude, Butler continuait de faire les cent pas, et personne n’avait de nouvelles de Dylan. Liam allait se lever pour aller les chercher – ça faisait tout de même plusieurs heures qu’il était parti, lorsque la sonnerie retentie. Emi se précipita ouvrir la porte. Tout le monde fixait la porte avec angoisse. Un cri de joie nous confirma le retour de Dylan. Ce dernier entra dans la maison, le corps chétif d’Alice dans les bras. Butler se précipita vers sa maîtresse. Il semblait soulagé. Etrangement, il ne lui fit pas la morale. Liam haussa un sourcil. Il aurait au moins pu lui faire promettre de ne jamais recommencer.

Il la serra un court instant dans ses bras, pour ensuite la relâcher, et lui ordonner d'aller se changer. Sa robe était trempée, et lui collait au corps, révélant une silhouette fine et souple. Elle partit se changer sans un mot. Après son départ, tout le monde se tourna tous d'un même mouvement vers Dylan :

-Dis-nous tout, comment tu l’as retrouvée ? s'exclama Emi.

-Oui, elle... elle était où ? s'enquit timidement Kaya.

-La pauvre, elle était trempée !! dit Rose

-Hé, une question à la fois !! s'exclama Dylan. Et je ne vous dirais rien. Je ne veux pas en parler.

Et il ajouta, l'air goguenard :

-Mais vous pouvez toujours lui demander. Elle vous répondra peut-être.

Ils se regardèrent. Puis ils le regardèrent, comme s’il était devenu fou. Emi inspira profondément avant de crier :

-Elle t'a parlé ! Alice t'a parlé ! T'es pas sérieux ! Elle ne m'a rien dit depuis qu'elle est arrivée ici, alors que j'ai tant fait pour elle !

Il eut l'air gêné, comme un gamin pris en faute :

-Je n'ai jamais dit ça ! Je vous ai proposé de lui poser la question, c’est tout !

Son comportement était étrange, comme s’il s'était passé quelque chose qu'il ne voulait pas mentionner. Comme s’il partageait un secret avec elle.

Alice choisi ce moment pour revenir dans la pièce, coupant court à notre interrogatoire. Elle adressa un petit sourire contrit à Emi, comme pour s'excuser de son comportement. Et un regard reconnaissant à Dylan, comme si elle le remerciait de la couvrir.

Elle tapa dans ses mains, pour qu'on fasse attention à elle, puis désigna la porte du bout du doigt. C'était celle de la penderie. Butler se dépêcha d'en sortir son manteau et de le lui tendre.

Première décision qu’elle prenait en public. Elle se tourna vers Emi et lui tendit un petit paquet rose poudré entouré d’un élégant ruban doré. La jeune fille le prit délicatement dans ses mains, émue par l’attention, et l’ouvrit doucement.

Elle le sortit et découvrit la plus adorable chose au monde. Il s’agissait d’une sorte de fleur, dont les pétales délicats étaient refermés.

À sa vue, Butler écarquilla les yeux de surprise. Alice s'approcha tout doucement d'Emi, et appuya sur un petit bouton placé sur le côté. Tout à coup, la fleur se déploya, révélant une danseuse sur pointe. Elle était adorable.

Emi s’approcha à son tour d’Alice et tenta de la prendre dans ses bras, mais cette dernière eu un mouvement de recul. Elle lui adressa un sourire à peu près chaleureux, gênée par la proximité d’Emi.

Butler, lui, semblait ravi par la réaction d’Alice. Elle se tourna subitement vers lui en fronçant légèrement les sourcils. Il la regardait à présent avec l'air un peu perdu, ce qui sembla agacer Alice. Elle lui désigna la porte en grimaçant. Semblant comprendre ce qu'elle lui demandait, il se dépêcha de récupérer son manteau. Elle le prit par le bras, et l'entraîna vers la sortie.

Les jeunes gens se regardèrent avec surprise, ne s’attendant pas à une telle réaction après ce qui venait de se passer.

-Qu'est ce qui lui arrive ? demanda Emi, inquiète pour celle qu'elle considérait maintenant comme sa protégée.

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