Ce matin, tu as à peine le temps d’ouvrir un œil que ta copine te saute dessus - d’habitude, c’est le contraire, et ça n’est pas pour te déplaire. Là, tu comprends très vite que tu peux garder ton slip et faire une croix sur ton missionnaire ainsi que ta partie de jambes en l’air, en la voyant te mettre sous les yeux - car l’autre a suivi le premier - le calendrier de l’Avent qu’elle t’a confectionné.

— Ouvre, ouvre ! la case du 22, répète-t-elle en t’astiquant les neurones avec ardeur.

Toi, tu aimerais bien qu’elle en déploie autant pour t’astiquer autre chose en ce moment, mais finis par céder à sa demande et découvres la case qui l’excite autant. À l’intérieur se trouve un papier. Elle te presse à nouveau.

— Vite, vite ! lis-le, crie-t-elle comme s’il s’agissait d’une bombe à retardement sur le point d’exploser. Tout haut, ajoute-t-elle en te voyant le faire mentalement.

— « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras. » relis-tu à haute voix.

Ah, non ! Tout sauf une devinette, penses-tu tout bas, en espérant qu’elle ne lira pas dans ton crâne en état d’alerte. Les rébus et autres casse-tête, tu détestes. Tu n’as pas oublié ta dernière sortie scouts. Grâce à toi, ton groupe a vécu un véritable cauchemar éveillé en forêt. Tu étais le plus âgé et chargé de décoder un message en morse indiquant la direction du camp. Au lieu de remplir ta mission, tu as conduit tes petits camarades confiants dans la direction opposée en leur faisant traverser - malgré une multitude de panneaux indiquant « DANGER » et « INTERDICTION » - un terrain militaire en pleine activité. Tu te souviens encore du bruit des balles à blanc et de ta course effrénée devant des soldats hébétés.

— « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras. » articules-tu à nouveau lentement en espérant que le papier va disparaître ou qu’un tien apparaîtra.

Étant donné qu’aucun de tes vœux ne se réalise, tu réfléchis en transpirant et transpires en réfléchissant.

Un tien… un tien… un… CHIEN ! Depuis le temps que tu lui rabâches - même dans son sommeil - que tu désires un compagnon à quatre pattes, elle te l’offre aujourd’hui. Non ! Tu n'y crois pas. C’est le plus beau jour de ta vie.

— Un CHIEN ! ma chérie, tu es un ange, aboies-tu, fou de joie.

— Un chien ? Quel chien ? Où ça ? te répond-elle en regardant - apeurée - tout autour d’elle.

Ton super soufflé - sans reblochon - retombe façon tatin dans ta face de lutin.

— Si ce n’est pas un chien, lui balances-tu - contrarié - que m’as-tu donc mis de côté ?

— De côté, rien, te lâche-t-elle - les yeux embués. Mais, à présent, je suis deux. C’était simple à deviner.

— Nous sommes deux, tu veux dire, mais cela fait déjà trois ans maintenant.

— Certes, mais dans NEUF MOIS, nous serons TROIS. Comprends-tu cette fois ?

— Dans neuf mois, nous serons trois ? Tu veux dire que... ta MÈRE s’installe chez nous ?

— Mais, NON ! J’attends ou plutôt nous attendons un heureux évènement.

— Ben si c’est la venue de ta mère, personnellement, moi, je ne l’attends pas et ce n’est pas l’adjectif qui me vient en tête quand je pense à cette nouvelle.

— Arrête de faire une fixette sur ma mère. Elle ne vient que pour le temps des fêtes.

— Et c’est amplement suffisant !

— De toute façon, là n’est pas la question ni ce que je voulais t’annoncer.

— Accouche alors : ça ira plus vite !

— Justement, ce sera le cas, MAIS dans NEUF MOIS.

— Dans neuf mois ? NON ! tu vas… je vais… on va… devenir maman, papa, parents !

— OUI ! hurle-t-elle en manquant de me crever les tympans. Je croyais que tu ne trouverais jamais !

— D’accord, mais dans ce cas, lui murmuré-je en la prenant dans mes bras, ce n’est pas « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras » qu’il fallait noter sur ton papier, mais « Jamais deux, sans trois ! » À nous deux, on fait vraiment la paire !

— Peut-être, mais plus pour longtemps.

— En attendant, j’espère que lui ou elle sera plus fûté(e) que nous deux réunis, ajouté-je ému avant de l’embrasser tendrement.