1/3
Paris / Joachim
Il avait hésité à passer cette semaine seul en gîte à Caylus, il avait même proposé à Thomas de l’occuper, lui, avec qui il voulait, fut-ce même avec ce garçon, qu’il avait découvert dans leur lit, gémissant, accroché au corps de son mec. Son ex-mec…
Lit sur lequel il composait à présent le contenu de son sac de voyage, Tom ayant décliné. Sa liberté officiellement retrouvée, Paris est clairement un terrain de chasse bien plus giboyeux qu’un bled paumé du Tarn et Garonne, s'était dit Joachim. Autant que j’en profite, finalement. À défaut de nous rapprocher, le séjour me permettra peut-être de passer à autre chose !
Ce qui l’avait pourtant fait légèrement hésiter, c’était aussi ce rêve qu’il avait fait la nuit précédente.
Joachim ne leur accordait généralement aucune importance, les attribuant simplement au traitement par le cerveau, avant leur classement définitif, des souvenirs, des émotions, ou plutôt, dans ce cas-ci, de sa frustration.
Pourtant, celui de la nuit dernière avait été si prégnant ! Le gîte avait laissé la place à un petit château de province qu’il n’avait pourtant pas vu sur les photos du village qu’il avait googlées, où un jeune homme prénommé Guillaume lui avait sauté dans les bras à son arrivée, un garçon aussi blond que Tom était brun de poil, et que surtout, il était absolument sûr de n’avoir jamais rencontré.
Sauf à ne pas l’avoir remarqué, je ne voyais que Thomas… ajouta-t-il in petto, au final, c’était bien plus le fait de son désormais ex de traquer du regard tous les jolis mecs qu’il croisait, et qui, potentiellement…
Peut-être m’en doutais-je sans me l’avouer, mais alors, mon inconscient aurait déjà remplacé Tom par ce blond que je ne connais pas ?
Absurde ! s’était-il raisonné, les scenarii romantico-psychologiques, c’est juste bon pour les mauvais téléfilms de Noël, j’y ai encore échappé cette année, ce n’est pas pour m’en construire un en tête !
Caylus / Guillaume
"Cher journal", traça-t-il de son écriture fine, "Sous peu, je n’aurai plus besoin de toi, je vais le retrouver ! Ce que je te confie, je pourrai bientôt à nouveau le lui murmurer à l’oreille, en étreignant son corps. Il revient, je le sens, et même, je le sais."
Guillaume avait remarqué l’agitation autour de la maison des parents de Joachim, et seul le soupçon qu’il n’y serait pas exactement le bienvenu l’avait empêché d’en approcher. Son intuition avait été renforcée après qu’il s’était réveillé en sueur, avant l’aurore…
Quel songe étrange, et perturbant, se dit-il, avant de le coucher sur le papier.
"L’air était chargé d’orage, sous un ciel plombé de nuages menaçants. Depuis le perron du château, j'épiais l’arrivée de l’objet de mon affection, comme l’avait nommé Clémence, lorsque je lui avais raconté mon rêve ce matin, au petit déjeuner.
Lorsque j'ai vu sa silhouette en franchir les grilles, j'ai remonté la drève en courant à sa rencontre et me suis jeté à son cou, pour couvrir son visage de bisous légers, avant d’écraser mes lèvres sur sa bouche.
Il n'avait pas répondu à mon baiser, je m'étais légèrement écarté pour l’observer, inquiet. Il semblait ne pas me reconnaitre, et au lieu de l’habituel sourire lumineux, son masque presque impassible ne trahissait que l’égarement, alors que son regard balayait le parc et la demeure, comme s’il les découvrait, ainsi que moi…"
Bah ! Songe, mensonge ! L’essentiel, c’est que j’ai rêvé de lui… conclut-il, interrompant sa rédaction, pour porter le regard à travers la fenêtre, sur le parc illuminé par le soleil d’été.
Annotations
Versions