12 – Iravat : Amertume et corruption
Iravat est songeur. À peine une crise se termine-t-elle qu’une nouvelle commence. Depuis la fin de la guerre, l’ONU peine à trouver une certaine stabilité politique. Cette année aura vu un nouveau scandale, et la démission d’une autre secrétaire générale, madame Mahut. Et voici que son successeur a demandé un entretien spécifique avec lui, sans aucun témoin sur un canal sécurisé.
Sur l’écran du système de visioconférence, monsieur De-Montergny, lui souhaite le bonjour et réitère ses félicitations pour sa récente promotion au grade de général. Ouvrant un dossier qu’Iravat ne peut que deviner, l’homme explique ce qu’il attend de lui : « Général Simh, j’ai une demande un peu particulière que je ne peux confier qu’à une personne intègre et de tous les dossiers qui m’ont été transmis, vous êtes celui qui a le meilleur. Je sais que le contexte peut vous paraître mal approprié, mais mes récentes expériences m’ont permis de me rendre compte à quel point certaines choses ont dérapé au sein de cette organisation. »
Cet aveu du nouveau secrétaire général sur son ressenti sur l’organisation paraît un peu étrange. Le général onusien constate que plus le temps passe et plus les vielles affaires pourries remontent à la surface. À tel point qu’il lui semble de plus en plus impossible pour ces responsables d’alors de cacher ces actions, initiés pour « le bien commun ». À un certain moment, la haine des corporations a visiblement justifié tous les moyens.
En fait, c’est une véritable mission que lui confie De-Montergny : « Je pressens que la corruption au sein de l’ONU ne s’est pas limitée au front et j’aimerais que vous meniez une enquête pour moi : je n’ai pas confiance dans les inventaires faits par nos prédécesseurs et il me semble urgent d’en mener de nouveaux et de déterminer quelles ressources ont été détournées et si possible par qui. »
Paradoxalement, ces « si » dessinent une certitude qui se dessine dans les propos du secrétaire général. À vrai dire, il est de notoriété publique qu’une grande partie des ressources envoyées au front n’est pas revenue. Sans parler des défections qui ont eu lieu à la fin de la guerre. Alors que De-Montergny marque une pause, Iravat lui demande : « Très bien monsieur le secrétaire général. Pouvez-vous me dire si vous connaissez des personnes de confiance sur lesquelles je pourrais m’appuyer ?
– Hélas Général, vous êtes la seule personne que je puisse impliquer sans risque de fuite, déplore l’homme. Les rares autres personnes que j’aurais pu mandater sont hors monde et probablement occupées dans les colonies.
– Je vois monsieur. Y a-t-il une échéance particulière ? demande Iravat.
– Pas d’échéance fixe, précise De-Montergny. Cette mission est trop importante pour l’enrober dans des impératifs administratifs. Je vous donne bien sûr l’accès aux archives et votre accréditation de Général devrait suffire pour vos autres besoins. J’ai sincèrement besoin de vous. L’organisation a besoin de vous. On ne peut pas se permettre d’autres erreurs : nous parlons de la sécurité de la Terre.
– Je comprends monsieur et je partage votre sentiment, confirme le général. Vous faut-il autre chose ?
– Non, c’est déjà beaucoup. Tenez-moi au courant et bon courage. », lui souhaite le secrétaire général avant de couper la communication.
Iravat s’adosse à son siège, comme s’il avait à supporter le poids de tout un monde sur lui. Il savait que la situation n’était pas glorieuse, mais là, une mission secrète mandaté par l’homme le plus puissant de la Terre ?
Une chose est sûre : ni De-Montergny, ni le général, ne souhaitent voir apparaître une situation similaire à la chute du grand bloc soviétique décrite dans les livres d’histoire. La corruption, le vol et le recel au sein de l’organisation seraient de nouveaux coups portés à sa réputation, sans compter les effets directs.
Maintenant, par quoi commencer ? Commençons simplement. Un audit de sa propre unité serait un bon départ.
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