30 – Feyn : L’expertise

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L’exploration extensive des drones confirme les craintes de Feyn. De nombreux corps, dérivent épars dans les coursives des quartiers et près de la passerelle.

En dehors de l’infirmerie, seul endroit encore alimenté par ses batteries, le vaisseau semble mort. C’était le faible dégagement de chaleur provenant de l’installation médicale qui les avait attirés. Ils n’avaient alors croisé aucun corps : la fuite de pression avait poussé tous les corps dans la direction opposée.

Mais, en traversant les quartiers, Feyn doute qu’il trouve qui que ce soit de vivant. Les corps et leurs rictus témoignent de la violence de l’événement. Une violence morbide. Certains, les chanceux, sont morts rapidement, privés d’atmosphère. Les autres ont suffoqué pendant des heures dans des cabines pressurisées mais sans pouvoir renouveler leur air, ni même filtrer le dioxyde de carbone.

Des cadets. Des jeunes qui devaient probablement terminer leur formation. Tous incapables de réagir à temps. Leurs encadrants et le personnel navigant ont fait partie des premières victimes : la passerelle vidée de ses occupants en dehors du timonier, encore sanglé. Il semble avoir tenté de se saisir d’un respirateur à proximité, mais la baisse de pression s’est montrée plus rapide que lui.

C’est un désastre et la façon dont les principales coursives ont été exposées au vide spatial appuie fortement l’hypothèse d’un sabotage. Dès leurs premiers pas à bord, même Tsadir l’avait suspecté. Si la découverte de la fille continuait d’appuyer cette hypothèse, Feyn perd tout doute en examinant le corps dans la salle du réacteur. Abattu d’une balle dans le dos, le malheureux est probablement la victime qui aura le moins souffert dans l’incident.

Ainsi se termine sa première exploration à la recherche de survivants. Il prend contact avec le vaisseau : « Akasha, tu peux déployer les corbillards. J’ai répertorié et marqué plus de soixante-dix corps qu’il faut emballer et cryogéniser. Préviens le contrôle spatial que nous n’avons retrouvé que deux survivants dont un dans un état préoccupant. Enfin, préviens Tsadir, et uniquement elle, que c’est bien un acte de sabotage.

– Bien commandant, confirme l’IA. Comment vous sentez-vous ?

– Le moral oscille un peu, avoue Feyn, mais je dois encore déterminer la chronologie de l’événement et confirmer le niveau de destruction.

– Commandant, en vertu du protocole de sécurité mis en place par la Solar Wardner, je vous envoie l’arme qu’elle vous confie, annonce Akasha.

– Je ne pense pas que ce sera encore nécessaire, mais elle a raison, on ne sait jamais. », termine-t-il.

Feyn lance l’analyse de la salle du réacteur. Bien que complètement close et même verrouillée, elle était déjà dépressurisée. Soulevant les dalles d’accès aux câbles situés sous le plancher, il examine les branchements : deux câbles semblent avoir sévèrement surchauffés et un des condensateurs a complètement explosé. Projetant le schéma électrique reconstitué dans l’espace virtuel, il se rend compte que l’alimentation du générateur a directement été déviée dans le condensateur. Est-ce que le saboteur a essayé d’envoyer une décharge dans les batteries du vaisseau pour les déconnecter ?

Dans ce cas, il n’a réussi qu’avec un coup de chance funeste. En vérité, au lieu d’une décharge, son bricolage a fait exploser le condensateur détourné. En dehors des légers dégâts structurels qui ont dépressurisé la salle des machines, le sabotage aurait normalement dû échouer. Mais en fondant, il a aussi relié deux câbles, mettant le générateur et les batteries en court-circuit. Et là, les batteries ont toutes disjoncté. Feyn place une note dans un coin de son interface : « Vérifier batterie infirmerie. », avant d’appeler Tsadir.

« Oui Feyn ? lui demande la samouraï.

– Garde vraiment un œil sur notre gus, l’avertit-il.

– Je le gère, ne t’en fais pas, lui assure-t-elle. Ça va ?

– Le bilan est très lourd. Je pense qu’on a là l’incident le plus meurtrier de cette année…

– Quelqu’un répondra de tout ça. Tu rentres bientôt ?

– Pas tout de suite, je veux avoir le cœur net sur cette affaire. Et puis, les corbillards vont avoir besoin de moi pour certaines portes.

– D’accord. Je continue de veiller sur notre belle inconnue. Et de garde un œil sur cet Alexander Donnart.

– On reste en contact. », termine Feyn.

Le raton laveur, reprend son enquête dans ce qui lui semble être le point zéro de l’incident. Chargeant la mémoire du réacteur à fusion, il analyse les dernières commandes exécutées. Tiens donc : un arrêt programmé pour le 27 août 2093 à 5 heures du matin. Voici la date de l’incident. Cela fait plus de quatorze heures que le drame s’est joué. S’ils étaient arrivés seulement trois heures plus tôt… « On ne réécrit pas le passé. », se console-t-il.

Marquant le corps pour les corbillards, il examine une dernière fois la salle, avant d’en sortir. L’astronaute laisse la porte ouverte pour faciliter la tâche au robot qui viendra bientôt récupérer la dépouille de l’infortuné.

Remontant la coursive, Feyn essaie encore de comprendre ce qui justifie un tel acte. Si tant est que ça puisse être possible. Il sait que la réponse est à bord. Et il la trouvera.

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