32 – Feyn : Le témoin de l’apocalypse

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Le second passage dans l’infirmerie lui a permis de confirmer leurs craintes : Alexander Donnart est très certainement l’immondice qui a causé tous ces dégâts. Les batteries y ont été soigneusement isolée du reste du réseau, près d’un quart d’heure avant l’incident. Avant !

Tsadir a refusé de mettre l’homme aux arrêts : Feyn la suspecte de jouer avec sa proie pour le forcer à une erreur et révéler ses méfaits au grand jour sans aucune possible contestation.

Avant d’aller à l’infirmerie, il a réparé les connexions endommagées, réamorcé les batteries et laissé une unité de robots de maintenance s’occuper de la fuite du module du réacteur. Les deux monkeybots accompagnés d’une vingtaine de spiderbots seront bien plus efficaces que lui là-dessus. Ces réparations critiques lui permettront d’avoir accès à tous les systèmes du vaisseau bien plus simplement.

Ressortant de l’infirmerie, il se dirige vers la passerelle. Avec l’alimentation de secours réactivée, il pourra accéder aux données de bord et faire la lumière sur ce qui pouvait valoir le meurtre de tout l’équipage et la totalité des passagers.

Remontant la coursive latérale, l’astronaute croise l’un des robots corbillards. L’impressionnant arachnide ressemble au robot de transport médical, à la différence près que le sac de transport est détachable et complètement opaque. Jetant un œil sur les marqueurs, il constate que les trois quarts des corps ont déjà été pris en charge. C’est sans aucun doute l’événement le plus grave auquel il ait été confronté. Prions pour que ce soit aussi le plus grave de toute sa carrière à venir.

Le voici enfin arrivé sur la passerelle. Sans les corps à l’entrée et la malheureuse qui était attachée sur le siège du timonier, l’installation semblerait presque avoir été épargnée par le désastre. L’enquêteur se connecte au terminal de l’appareil. Il est naturellement verrouillé, mais le matériel terrien n’a aucune chance face aux puissants logiciels de piratage des colonies.

« Akasha, peux-tu me déverrouiller les accès de la passerelle ? Demande-t-il.

– Voilà commandant. », confirme la petite fée volant à côté de lui.

Il télécharge les fichiers de navigation, le journal de bord et les manifestes du vaisseau et commence à les examiner. Les enregistrements automatiques du journal de bord cessent à l’heure estimée de l’incident, confirmant la chronologie établie. Chose curieuse, il n’y est fait aucune mention de la jeune femme de l’infirmerie.

Le registre de l’équipage lui apporte quelques éléments de réponse. Il trouve le nom de la femme : Alice Noterger, une cadette dont le dossier est élogieux. Ce même document lui permet aussi de faire le lien avec pratiquement tous les corps. Le compte, lui, est bon : malgré la dépressurisation, personne n’a été éjecté à l’extérieur. Tiens, le dossier de Donnart. Rien d’exceptionnel dedans à part le numéro de sa cabine.

Le manifeste des passagers s’avère aussi très intéressant : les militaires à bord font tous partie de l’escorte du Général Iravat Simh. Le général était aussi présent et Feyn se souviens bien l’avoir marqué lors de son exploration initiale. Il note aussi le numéro de ses quartiers.

Le reste des documents ne comporte aucune information sur l’incident. Tsadir sera certainement très intéressée. Il lui envoie tous les documents avec un très bref résumé de ses hypothèses : Donnart pourrait très bien avoir été envoyé pour tuer le Général.

L’inspection de la passerelle terminée, il redescend vers les ponts médians qui portent les quartiers de l’équipage et des passagers. Une patrouille de robots de maintenance, quatre monkeybots, une trentaine de spiderbots et deux arachnides logistiques, passe devant lui. Profitant de sa lente descente, il ouvre le rapport technique d’Akasha et constate les nombreuses anomalies qui y sont répertoriées : si la plupart sont imputables à un entretien presque exclusivement manuel, les défauts sur les portes coupe-feu et les deux sas portent très clairement les marques du sabotage.

L’immondice a réellement œuvré pour tous les tuer.

Avec légèreté, Feyn s’arrête sur le pont qui avait été réservé aux militaires. Ici aussi les corbillards ont terminé leur travail. La cabine du général aurait normalement dû être celle du commandant du vaisseau. Plus grande, elle bénéficie aussi d’un espace de travail et de commodités séparées. Sur l’Akasha, ce genre de favoritisme n’existe pas, mais les cabines y sont plus spacieuses et mieux équipées de base.

À l’intérieur, quelques affaires flottent dans le vide. D’un regard rapide, Feyn repère le terminal du général pris dans l’angle de la salle. Feyn s’en saisit et l’allume. L’appareil n’a pas supporté le vide et est mort lors de la dépressurisation lorsqu’il a ouvert la cellule la première fois. Extrayant prudemment la mémoire interne de l’appareil, il la transfère dans le lecteur de sa combinaison. Heureusement, ces cartes mémoires sont résistantes.

Dessus, les dernières informations enregistrées en dehors des innombrables journaux des applications exécutées en permanence, concernent un fichier vidéo. Feyn, décide de le lire.

Sur l’image, Simh s’adresse à la caméra : « Il y a une demi-heure, une détonation a résonné dans le vaisseau. Peu de temps après, l’éclairage, les systèmes atmosphériques… Tout, en fait, s’est éteint. Hors de ma cabine, le son de l’air fuyant les coursives a fait trembler ma porte puis tout est devenu complètement silencieux. Ma chambre ne fait que quelques mètres cubes, d’ici quelques heures si personne n’est en mesure de faire quelque chose… Eh bien, vous aurez cet enregistrement. »

Il était conscient de son sort, réalise Feyn tout en admirant la dignité de l’homme.

Le commandant reprend : « Je ne pourrais pas continuer ma mission… Probablement… Le secrétaire général Grégoire De-Montergny suspecte des hauts gradés de l’ONU de détourner des ressources de l’organisation. Jusqu’ici, mon enquête n’a pas pu aller bien loin, mais je sais qu’une frégate d’assaut Shark-II et deux canonnières Lance ont disparues des registres autour de Mercure. J’ignore qui en est responsable, mais le fait qu’aucun rapport n’ai été transmis indique une complicité à plusieurs niveaux. »

Les informations laissent Feyn perplexe. D’un côté, si abattre le général était une solution pour ces ennemis non identifiés, c’est que sa venue pouvait très probablement lever le voile sur l’affaire. De l’autre, une frégate d’assaut et deux canonnières représentent une force de frappe conséquente. Tsadir souhaitera probablement mener l’enquête sur place, mais le commandant redoute un affrontement contre de tels adversaires : son propre vaisseau, l’Akasha, ne peut strictement pas lutter.

Poursuivant la vidéo, le général Simh adresse ses souhaits : « J’ignore si vous êtes des survivants ou des secouristes, mais je prie pour que vous puissiez transmettre ces informations à monsieur De-Montergny… Monsieur, si vous voyez cette vidéo, je vous adresse mes excuses : j’ai sous-estimé notre adversaire quand bien même j’avais reçu un avertissement. Si la jeune Noterger sort vivante de cette affaire, rassurez-la : c’est moi qui n’ai pas considéré les premiers signes à leur juste valeur, elle a sans doute fait bien plus que ce qu’on peut attendre d’une cadette. »

Iravat marque une pause de presque dix secondes, fouillant ses pensées. Avec une voix peinant à masquer quelques sanglots, il reprend : « S’il vous plaît. Rapatriez tous ces enfants chez eux. Ne les abandonnez pas à la froideur de l’espace… Quant à moi… Je ne veux pas vous infliger ma mort très prochaine. Adieux. »

Le fichier vidéo se termine. Tsadir doit impérativement voir tout ça. Il contacte la wardner : « Tsa’, j’ai des nouvelles. Tu ne vas pas tout aimer, mais ça t’intéressera.

– Moi aussi, j’ai des nouvelles, annonce Tsadir. Des bonnes et des moins bonnes. »

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