33 – Alice : Égarements

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L’impression de flotter et de dériver dans un espace infini, au milieu de formes géométriques impossibles. Tout se simplifie, je n’aurais jamais dû… Les idées étranges s’embrouillent et s’évanouissent lentement dans l’obscurité.

Un frisson et ses sensations lui reviennent peu à peu. Ses pensées retrouvent leur cohérence et ce rêve n’est déjà plus que quelques souvenirs retournant au néant du non-sens. Ouvrant péniblement les yeux, elle aperçoit un mur, ou un plafond, bardé d’appareils. Seul le son d’une ventilation remplit l’espace auditif.

Comme si le lit était un grand manteau, ses mains ont été rangées dans des poches jusqu’aux avant-bras. Une sangle lui passant sur les épaules la plaque dans une sorte de sac de couchage. Elle porte un masque d’assistance respiratoire et une sonde reliée à la machinerie lui pénètre le bras droit. La combinaison qu’elle porte semble lui envoyer des millions de petites décharges comme pour stimuler sa peau, ou ses muscles.

Il n’y a personne dans la salle. Alice tente quelques mouvements, mais malgré l’apesanteur, elle n’y parvient pas, comme paralysée… Ou trop faible pour bouger.

Quelqu’un entre dans la pièce. La jeune femme peine à faire la mise au point dessus. Lorsque l’image devient suffisamment nette, elle reconnaît l’homme et la panique se saisit d’elle. L’adrénaline monte et elle retrouve le contrôle de ses bras. L’homme s’approche d’elle : il tient quelque chose à la main, mais Alice n’arrive pas à discerner ce que c’est.

Fondant sur elle, il est arrêté net par une forme fugace qui lui est passée derrière et l’a saisi. Son assassin se débat et semble s’être libéré, mais ce qui s’avère être une femme aux mains cybernétiques l’a simplement relâché en le poussant de côté, l’enjoignant de se rendre. En réponse, il tente de lui administrer un direct, mais la femme, particulièrement rapide l’esquive et riposte d’un puissant coup de talon en plein menton. Sous l’impact l’homme rebondit au plafond et la femme l’y rejoint pour lui prescrire un ultime coup de poing qui l’envoie valser dans les armoires du fond, déformant l’une des portes au passage.

Redescendant de façon contrôlée, la femme se présente : « Bonjour. Je suis Tsadir. Je suis heureuse de vous voir consciente. ». L’homme, peut-être plus solide qu’elle ne l’avait imaginé fait un bond et tente de l’empoigner mais au lieu de l’effet escompté, il se retrouve projeté hors de la salle, accompagné d’une sorte de coup de pied retourné.

« Je reviens », lui indique calmement la femme qui sort sans se presser de l’infirmerie par l’ouverture au plafond. Plus alerte, Alice réalise qu’elle porte un bandage tout autour du cou, descendant presque jusqu’au sternum. Dégageant maladroitement ses mains, elle effleure le pansement avec sa main. Une douleur articulaire l’en empêche presque. Que lui est-il arrivé pendant son sommeil pour être aussi faible ? Son esprit fait rapidement le lien avec le flacon. Il lui avait éclaté dans la main pendant la lutte : quel poison contenait-il ?

Tsadir revient dans la salle, manipulant l’assassin inconscient d’une main. S’adressant à quelqu’un qu’Alice n’aperçoit pas, elle demande : « Akasha, est-ce qu’on a une cellule à bord ? Hmm… Un sédatif et de quoi attacher notre suspect alors. ».

Sur le côté, une table médicale s’illumine et la femme cybernétisée y dépose l’homme sans vraiment le ménager. Une série de bras robotiques positionnent l’homme et verrouillent ses membres à l’aide d’entraves intégrées à la surface. Un autre bras lui installe un masque respiratoire, probablement identique à celui qu’Alice porte d’ailleurs.

La femme revient vers elle : « Désolée pour ce bazar. Vous êtes à bord de l’Akasha, une corvette de sauvetage coloniale. Le commandant Feyn est en train d’effectuer une inspection. J’ai deux mauvaises nouvelles… Deux très mauvaises nouvelles même. La première : vous avez été infectée par un agent biologique inconnu. Votre état de santé est maintenu pour le moment et une équipe sur Mars est en train de concevoir un sérum. L’autre… ».

Tsadir s’approche et prend les mains d’Alice avec compassion avant de reprendre : « Personne d’autres que vous et ce type, n’a survécu au sabotage du Mona Lisa. Mes condoléances. »

Le temps semble s’être arrêté pour la jeune femme. Elle n’a jamais vraiment réussi à tisser de lien avec les autres cadets, même si elle était appréciée d’eux. Mais leur disparition semble lui déchirer le cœur, presque littéralement. Elle tente de contenir sa tristesse et sa colère, mais déjà les larmes commencent à émerger. Elle réalise ensuite : la personne responsable de tout ça… est à deux tables médicales d’elle. Si seulement elle avait eu la force pour l’affronter.

La femme cyborg reste silencieuse mais son regard marque sa compréhension. Relâchant ses mains avec douceur, elle se lève et se retourne. Elle semble répondre à un appel : « Moi aussi, j’ai des nouvelles, annonce Tsadir. Des bonnes et des moins bonnes. ».

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