Victor

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Angoissé par le silence qui résonnait dans sa cellule, Éléon se tourna vers son compagnon.

  • Bonjour, je m'appelle Éléon. Vous êtes ?

L'œil rouge et la respiration forte, l'homme s'approcha du jeune garçon. Alors qu'Éléon commançait à paniquer, l'inconnu se plaça de toute sa taille au-dessus du pauvre gamin. Son dos couvert de fourrure et sa bouche entrouverte cachait ses crocs luisants que vit Eléon dans l'obscurité de la pièce.

  • Je m'appelle Arnold. répondit-il d'une voix fluette. Je suis un lycanthrope-sur-commande.
  • C'est-à-dire ?
  • Je peux me transformer en loup-garou quand je veux.
  • Incroyable ! Pourquoi tu es là ?
  • J'ai eu du mal à me contrôler et j'ai mordu une personne...
  • Oh ! C'est horrible ! Mais, elle est devenue... ?
  • Une Commande. Elle peut activer ma lycanthropie grâce à un mot, mais heureusement, elle ne sait pas lequel. Du coup, elle attend à l'extérieur de ma cellule, avec un dictionnaire. Et elle prononce chaque mot, dans l'ordre... Mais elle n'a pas encore trouvé. Sinon j'aurais la vie dure. Et toi ?
  • J'ai juré devant le château.

La fourrure de l'homme-loup blêmi.

  • Rien que ça... ? Mais t'es un ouf ! Si tu meurs pas lors de ton audience, c'est vraiment que t'as une bonne étoile ! Je ne connais pas de pire crime...
  • ... Tu as bouffé quelqu'un !
  • Et alors ? Tu as dis un gros mot en présence du roi !
  • Il n'était pas présent.
  • Il était dans son château.
  • Et alors ?
  • Il a l'ouïe fine...

Découragé, Éléon se tut. Un garde passa deux plateaux, composés de salade et de choux pour Arnold et de chocolat, gâteaux et vin pour Éléon. Ce dernier contempla son repas en souriant.

  • Quel chance !

Arnold rigola en voyant son repas et celui de son compagnon.

  • Qu'est-ce qui te fait rire ? demanda Éléon. Tu as un repas minable !
  • Et toi, le repas du condamné ! On fait toujours bien manger ceux qui meurent !

Sans un mot, il dévora son repas et alla dormir. Éléon, en proie à une profonde détresse, avala difficilement le contenu de son assiette. Il s'allongea sur le morceau de bois qui lui servait de lit. Après plusieurs heures à remuer de sombres idées sans trouver le sommeil, il récupéra son sac et en sortit le livre. Celui de ses défunts parents. Il caressa le cuir et eut l'impression que l'ouvrage frémissait sous ses mains. Il tenta de l'ouvrir mais, comme à chaque fois, le manuscrit resta femé. Il essaya encore un peu avant de se coucher. Il mit du temps à s'endormir. Ce fut la douce litanie de la voix qu'il pouvait entendre derrière le mur de sa cellule, à l'extérieur de la prison, qui eut raison de lui. Il ne dormit que quelques heures et fut réveillé par un garde.

Il emmena Éléon dans une sorte de salle de bain avant de le conduire, avec son sac, devant une porte gigantesque, faite d'or et ornée de centaines de gravures détaillées. Très solennel, le garde frappa trois petits coups et la porte s'ouvrit sur la salle du trône. Éléon entra, intimmidé, à cause du contraste entre la porte immense et le vide de la pièce gigantesque

Pas grand chose à retenir hormis les tapis au sol et les tableaux sur les murs. Un escalier, en or lui aussi, menait à un siège royale, recouvert de velours. Tout était clinquant et Éléon sentit son cœur chavirer : il n'y avait pas de plantes, il se sentait malade et affaibli. Un habitant du petit peuple, dans un palais de pierre et de métal... Il se retint de trébucher lorsqu'on le força à s'agenouiller face aux marches.

Durant son attente, il entendit une voix :

  • Bien le bonjour, jeune maraud...

Le roi... reconnut Éléon.

Il leva la tête et resta un instant stupéfait. Ce n'était pas le roi qui se trouvait en face de lui, mais un jeune homme, fort et grand, avec une chevelure rousse flamboyante, coupée courte. Ses yeux verts pétillaient de joie et d'arrogance. Un peu rassuré, Éléon sourit de toutes ses dents :

  • Bonjour mon brave, dit-il. Sais-tu quand le roi arrivera ? J'ai une audience et il n'est toujours pas là.
  • Vraiment ? C'est dommage... Si le roi n'est pas là, je vais devoir te libérer.
  • C'est vrai ?
  • Non.
  • Oh...
  • ... Imbécile.
  • Quoi ? Eh, je vous permets pas !
  • Je suis le roi, je me permets tout !
  • ...
  • Quoi ?
  • ... Rien...

Alors qu'Éléon retenait un rire, il tenta d'expliquer :

  • J'ai déjà vu le roi, il ne ressemble pas à ça...

Le roi récupéra une fleur dans un vase et la fit tournoyer entre ses doigts.

Mais c'est... La Fleur de Jouvence ! Mais...

Le roi coupa les pensées d'Éléon :

  • Dans ce cas, à quoi le roi ressemble-t-il... ?
  • Bah, pour être honnête, assez mina...

En voyant les gardes poser la main sur le pommeau de leurs épées, Éléon changea de réponse :

  • Je... Enfin...
  • Très rabougrie, vieux comme une Doyenne et vachement aigri.

Éléon paniqua. Ce n'était pas lui qui avait parlé, mais alors qui ? Tous les regards se tournèrent vers Éléon. La voix continua :

  • Et puis, il pue et il bave. Après, c'est un vieillard, ça peut pas faire grand-chose. Et puis il est agaçant, avec sa voix de suricate des bacs à sable. Franchement, même un troll à une jolie voix comparé à lui.
  • Qui ose s'adresser ainsi à moi, le Roi ?
  • Roi de mes deux, ouais ! T'es aussi utile qu'une réforme du ministre de l'éducation nationale !
  • Le quoi ? demanda le roi en tournant la tête de tous les côtés, cherchant le possesseur de la voix.
  • Laisse tomber, truc de Terriens. Bref, t'es pas humain, t'es vintage, t'es collector, t'es même kitch ! Un gars comme toi, ça n'existe qu'en un seul exemplaire, parce qu'on a déjà coupé la tête de tes clones. Et le roi, il a besoin de chirgugie plastique, parce que le seul moyen de le rendre beau, c'est de lui cacher le visage avec un sac !
  • Mais vous êtes qui, à la fin ?! s'époumona le dirigent.

Le sac d'Éléon bougea brusquement, recrachant le fameux livre. Ce dernier s'ouvrit, en plein milieu, sur une double page vierge, sur lesquelles un sourire narquois se dessina d'une main invisible.

  • Je m'appelle Victor... Votre "majesté"...

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