Aujourd’hui, petite pluie nocturne poussée par le vent. Elle a un regard froid et la lippe teigneuse du souvenir de certains jours d'errance, quand jeune adulte je parcourais les routes cet automne d'après mes dix huit ans.

Interpellation par les cavaliers de la BAC, dans une rue nocturne de Creil, ces hussards pensant avoir fait bonne pioche, mais vite dégoûtés d'avoir interpellé de simples artistes vagabonds tout mouillés.
Après avoir présenté nos papiers, nous avions investi une bâtisse abandonnée qui nous avait abrités pour le reste de cette nuit bien froide.
C'était l'automne, mais il parlait déjà d'un hiver rigoureux à cette masure pouilleuse et peinée par ces visiteurs successifs sans soin ni respect. Creil (Oise) ville de piètre réputation en ces temps déjà. Ensuite nous avons passé Noyons, Laon, Tergnier (02) sous le ciel gris et bas, dans le froid, mes doigts glacés qui refusent de faire les notes sur la flûte, mes lèvres qui déclinent le baiser de l'harmonica...
Compiègne, sommeil frigorifié sur le béton rude d'un parking abrité.
L'auto-stop, beau carrosse plein de lucioles, fauteuils massifs, chaleur, moteur qui ronronne. Le pilote parlant de son fils parti sur les routes et dont il n'avait depuis lors que le souvenir.
Il nous offrit le couvert dans la seconde maison de sa propriété en Normandie. Quelques provisions. Ses larmes nous parlaient de son enfant. L'argent ne fait pas le bonheur...
Bonne nuit de sommeil. Au matin, il nous conduisit jusqu'à un axe routier où nous pourrions faire du stop facilement. Il a rempli nos sacs des pommes de son verger et laissé un peu de monnaie, pour le pain.
Et le voyage reprit...