La toile d’araignée du Diable

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Dans la soirée, deux gardiens vinrent jusqu'à ma cellule et m'emmenèrent par des coursives désertes jusqu'à un petit bureau inondé d'une lumière d'un jaune poussiéreux. Au milieu de ce halo crépusculaire, l'agent Errico m'attendait. Face au sourire jovial, presque séducteur, je me sentis comme un insecte piégé dans une toile d'araignée. Et pas n'importe laquelle, celle du Diable. D'un ton qui sentait le triomphalisme et l'arrogance, il me lança :

 " Ah, Mr Fogarty, ravi de vous revoir. J'espère que la nuit vous a porté conseil. Asseyez-vous donc. "

Sûr de lui, l'enfoiré parlait vite.

Ma demande d'entrevue remontait à vingt-quatre heures. J'avais passé la journée à tourner en rond entre les quatre murs blancs de ma cage, incapable de me reposer ni même de refléchir. Au gré des heures qui s'écoulaient avec une lenteur exaspérante, je m'étais trouvé réduit à épier les silences épais de la prison, à deviner la signification de chaque grincement perçu. Au petit-déjeuner, un prisonnier de confiance avait glissé à travers l'huis de la porte d'acier un mug en fer blanc de café et un bol de gruau de maïs. Je ne m'attendais pas à être conduit auprès de l'agent fédéral si tôt le matin ; aussi je ne bronchai pas. À midi, j'appelai le gardien mais celui-ci m'ignora. Pour finalement, voir ma cellule s'ouvrir à l'heure du repas.

À cet instant, face à ce regard malicieux, je sus que je n'avais que ma résilience à opposer à Errico si je ne voulais pas tomber totalement sous son influence. Sans ménagement, l'un des gardiens me menotta à l'armature métallique de la chaise. Puis ils sortirent de la pièce.

 " Qu'est-ce que vous voulez, Errico ?

 - Je dois vous rappeler que c'est vous qui avez demandé à me rencontrer ? Et c'est votre compteur qui tourne, pas le mien, Mr Fogarty.

 - Venez-en au but.

 - Donnez-moi les infos que je désire et je peux mettre votre famille en sécurité dans une planque. Peut-être même leur offrir le programme de protection des témoins. me dit-il en accentuant son sourire.

 - Tout ça n'a pas l'air très officiel. répondis-je en jetant à la pièce un œil circulaire aussi loin que me le permettaient mes entraves.

 - Mr Fogarty, je n'irai pas par quatre chemins. Le juge en charge de votre dossier pousse mes supérieurs et le district attorney à vous envoyer en QHS à Yougstown. Croyez-moi, ça n'a rien à envier à votre Walpole. Dès l'instant où je franchirai la porte de ce bureau, le deal que je vous propose tombera à l'eau et vous n'aurez plus aucune échappatoire. Dans le meilleur des cas, vous en prendrez pour trente ans mais là, j'ai l'impression de me répéter.

 - Le programme de protection des témoins...

 - Oui, m'sieur.

 - Comme pour Galloway.

 - C'est ça.

 - On voit où ça l'a mené.

 - Pas mal de choses ont été améliorées depuis que Mr Galloway en a bénéficié. Les attentats du onze septembre ont...

 - Putain, Errico ! C'est quoi, ce couplet à la con ? Vous êtes un de ces putains de prédicateurs qui vient toquer à la porte des gens pour vendre des Bibles ? "

Je me dis : " Tu penses peut-être me tenir par les couilles, enfoiré, mais tu n'es pas à l'abri d'une ruade. Si tu crois que je vais céder à ton chantage si facilement, c'est que tu es complètement à la masse. " Il s'empourpra un instant puis il me considéra d'une façon étrangement bienveillante :

 " Quel regard portez-vous sur votre passé, Mr Fogarty ?

 - Qu'est-ce que vous voulez dire ?

 - Vous tirez une quelconque fierté de votre statut de criminel récidiviste, de l'héritage laissé par votre père et ses amis comme Galloway ou Dom Hartwell ?

 - C'est quoi, le rapport avec notre affaire ?

 - Vous, et Mr Collier par la même occasion, êtes persuadés que vous faites ce que vous faites pour une bonne raison. Mais toutes vos relations se basent sur une violence endémique. Pathologique même. Vous avez grandi avec ce spectre, celui de Whitey Bulger ou de tous ces héros de cinéma qui sont un pan de votre éducation. Mais tout est bidon. Et aujourd'hui, vous semblez prêt à perdre votre femme et vos filles pour ce tissu de mensonges.

 - Bordel ! Vous êtes psy ? Travailleur social ?

 - Rien de tout ça, Mr Fogarty. J'ai juste étudié la sociologie à l'université de Caroline. Peu importe en fait. Là, je vous offre à la fois la possibilité de ne plus faire preuve d'individualisme et une porte de sortie convenable.

 - Vous êtes dingue, Errico ! Vous savez comment finissent les traîtres dans mon monde ? Ou même juste ceux qui causent avec les flics ?

 - À votre avis, combien de temps il va falloir à Dom Hartwell pour retrouver la piste de Camille ? Hmm ? Parce que leur départ précipité de Boston a tout de l'aveu de culpabilité. "

Un jour, mon père avait cédé sous les mêmes coups de boutoir de l'agent Thomas. Je m'étais juré de ne pas fléchir comme lui mais en cet instant précis, je comprenais que je ne pouvais pas jouer la vie de mes filles pour la "famille". Je murmurai, battu :

 " D'accord. Qu'est-ce que vous voulez ?

 - Sage décision, Mr Fogarty. Dites-moi tout ce que vous savez sur les réseaux de Leonard Dillon. Ces salopards de Ghost Dogs sont un vrai cancer.

 - OK. Ce sera tout ?

 - Pour l'instant. Vous avez gagné le droit de passer votre coup de fil, Mr Fogarty.

 - ...

 - Votre femme ou votre avocat ? "

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