Le relatif de la sécurité

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Le néon au plafond tinta deux fois, me tirant de ma nuit peuplée de mauvais rêves, puis inonda ma cellule de sa lumière abrasive, me brûlant les paupières. Puis le panneau d'acier s'ouvrit sur l'un des gardiens au regard de serpent à sonnette :

 " Debout, Fogarty. Votre avocate est là.

 - Quelle heure il est, putain ? "

Je n'obtins aucune réponse. Nous empruntâmes d'autres coursives désertes pour parvenir finalement au parloir. Une horloge murale indiquait 4h12.

 " On dirait que certains de vos amis ont le bras long pour vous permettre un entretien à une telle heure. "

Ce fut à mon tour de ne pas répondre. Phyllis m'attendait, dans un tailleur de couturier couleur prune, de l'autre côté de la paroi en plexiglas. Ses petits yeux paraissaient noirs dans le faible éclairage de la pièce. Je décrochai le combiné de l'alcôve :

 " Bon Dieu, Sean ! J'ai eu accès à ton dossier et je m'attendais à te revoir pour une affaire un peu plus mature. Pas pour ça. attaqua-t-elle en lâchant le trombone avec lequel elle jouait.

 - Comment tu as fait pour qu'on puisse se voir si tôt ?

 - Qu'est-ce que tu crois ? J'ai plus d'un tour dans mon sac.

 - Je vois ça. Qu'est-ce que tu peux faire pour moi ?

 - Tu as passé un accord avec l'agent qui enquête sur vous ?

 - Effectivement.

 - Bien. Il me reste à trouver une justification légale pour votre libération.

 - Je te paie pour ça, Phyllis.

 - Ne sois pas insolent avec moi, Sean. Repousser l'affaire de la grosse somme d'argent ne représentera aucun problème. Ça ne repose sur rien. Le port d'armes prohibées est plus sérieux mais je sais quelle réponse apporter.

 - Tu as déjà eu des cas comme ça à gérer ?

 - Évidemment. J'aurais pu prétendre que vous vous trouviez sous la coupe de Fergus mais vos armes étaient chargées au moment de votre interpellation par le FBI. Je peux toujours arguer du fait que vous vous sentiez en danger mais il faudrait prouver que vous envisagiez une transaction légale avec ces bikers. C'est quoi, leur nom déjà ?

 - Les Ghost Dogs.

 - C'est ça. Reste la dernière charge, et celle-là est épineuse, de la présence d'un témoin fédéral dans votre voiture. Là, même le juge le moins sévère vous collera vingt ans pour séquestration. Tout ça parce que Galloway n'avait pas d'arme sur lui lors de votre arrestation.

 - Il y avait un Colt .45 avec ses empreintes dans la boîte à gants.

 - C'est bien là, le problème. Il ne le portait pas sur lui donc impossible de l'inculper pour complicité. Je vais essayer de rejeter la responsabilité de ce point sur Fergus.

 - OK.

 - Parle-moi de ce deal avec l'agent fédéral.

 - Il me propose d'offrir à Cam et aux petites le programme de protection des témoins et de baisser ce qu'ils ont contre moi...

 - En échange de quoi ?

 - D'infos sur les Ghost Dogs.

 - Et tu as accepté ?

 - Oui. "

À cause des néons laissés éteints par les gardiens, il régnait une ambiance presque intimiste dans le parloir. Je ne sus si le regard de Phyllis vacillait ou s'obscurcissait :

 " De quoi ont-ils menacé ?

 - D'en prendre pour trente ans et d'en coller au minimum le tiers à Camille pour complicité. Parce que je lui ai passé un coup de fil juste avant notre arrestation.

 - Je vois. Punaise, je t'ai connu plus alerte, Sean. Qu'est-ce qui te met dans cet état ? Les retrouvailles avec Galloway ?

 - Y a de ça, oui.

 - Je connais ta famille depuis longtemps. J'ai encore en tête le traumatisme que tu as vécu quand Nate les a dénoncés au FBI et qu'il a ensuite disparu avec une coquette somme d'argent.

 - De quoi parles-tu, Phyllis ?

 - Le jour où le FBI a arrêté ton père, tu t'es procuré un pistolet et tu voulais te rendre au building fédéral pour libérer ton père. Même ta mère n'a pas pu t'en empêcher. C'est Dom qui t'a convaincu de laisser tomber.

 - Je n'en ai aucun souvenir.

 - Ce n'est pas étonnant. Tu étais dans un état second. Tu as juré de tuer Galloway le jour où tu le verrais.

 - On dirait bien que je n'ai pas tenu ma promesse.

 - C'est sans importance. Sean, tu traînes un héritage plus pesant qu'un boulet de prisonnier. Ton père a fait ses choix et il les a assumés. Et surtout, l'époque a changé. Regarde devant toi. Tu as Camille, tu as tes filles. Tu as de l'argent et du temps. Va de l'avant. Tu ne dois plus rien à Southie mais n'attends pas que la rue te prenne ce qu'il te reste. "

Je ne savais pas quoi répondre. L'horloge indiquait 5h20. Toute trace de sommeil m'avait quitté. Phyllis avait raison sur toute la ligne. Il m'appartenait de profiter intelligemment de cette opportunité.

 " Juste une question, Sean ?

 - Pourquoi m'avoir appelée moi et pas Reagan ?

 - Parce que je pourrais avoir besoin de ta science.

 - Tu as un plan ?

 - Possible.

 - Tu veux m'en parler ?

 - Pas pour l'instant. Et pas ici. répondis-je en penchant la tête vers le gardien qui nous surveillait depuis une chaise à l'entrée du parloir.

 - Comme tu veux.

 - Assure-toi de nous faire sortir d'ici avec Charlie et que Camille soit en sécurité le plus vite possible.

 - Il faut quand même que je t'informe que ton ami a fait appel à Reagan. Je le sais de source sûre.

 - Parfait !

 - Tu comptais là-dessus ?

 - Pas exactement mais je sais comment fonctionne Charlie. Je me doutais bien qu'il contacterait l'avocat de la famille.

 - Tu joues un jeu trouble, Sean. Et par conséquent dangereux.

 - Je sais. Mais je gère.

 - OK. Je m'occupe des démarches pour que vous sortiez avant midi. Je t'offrirai un repas convenable une fois dehors. "

Elle se leva, marquant ainsi la fin de mon entretien. Le garde me raccompagna à ma cellule où un prisonnier de confiance m'apporta le même petit-déjeuner insipide que les jours précédents.

Coincé ici à l'isolement, j'étais plutôt à l'abri. À moins d'être suriné dans les douches ou d'une attaque dans ma cellule pendant que les matons regardaient ailleurs. À l'extérieur, ma sécurité serait toute relative, nettement plus incertaine. Je savais que j'entrais dans cette fameuse zone grise où les lames de rasoir sont les plus affûtées, les plus inattendues. Celle où les traîtres se font trancher la gorge d'une oreille à l'autre. Mais j'avais quelques atouts dans ma manche.

Avant le repas de midi, la porte de ma cellule s'ouvrit. Les deux gardiens m'emmenèrent jusqu'à un sas où on me rendit mes affaires civiles. Ma chemise portait les traces de la boue du parking où les fédéraux nous avaient interpellés. Mon feutre était tout déformé et sale. Je râlai mais au fond, peu m'importait car j'allais recouvrer ma liberté.

Sur le parking, au bout de l'allée grillagée, Frazier m'attendait au volant d'une Lexus de location. Elle me lança :

 " Allons manger, nous avons des choses à nous raconter, Sean. "

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