La collection du sorcier - partie 1
Le pont tangue tandis que les vagues déchainées s’écrasent sur le trois-mâts. Cela ne parait pas gêner l’homme qui brandit sa baguette vers moi.
— Maudit sois-tu pirate ! Tu n’aurais jamais dû essayer de dérober les parchemins entreposés dans les cales de ton navire. Je t’avais interdit de fouiller dans mes coffres !
Malgré le fracas du tonnerre, j’entends vaguement le sorcier baragouiner quelques mots dans une langue qui m’est inconnue.
Autour de moi, l’équipage est déjà pétrifié par un maléfice. J’ignore comment me défendre. Je devine que mon épée ne me sera pas d’une grande aide. Je m’avance malgré tout vers mon adversaire et sens son sortilège qui m’atteint. Je m’écroule sur le pont.
Lorsque je reprends conscience, je suis enchaîné à un mur de pierre dans une pièce où ne filtre qu’un mince rai de lumière. Mon crâne me fait mal. Je remarque néanmoins d’autres êtres enfermés avec moi. Il y a un corps de femme où repose une tête d’abeille. La créature est avachie sur le sol. Au-dessus d’elle se trouve une étagère où des bocaux sont remplis de fées. Les pauvres battent tristement des ailes. Levant les yeux au plafond, j’aperçois une cage suspendue à une poutre, qui se balance dans le vide. À l’intérieur, un troll m’observe d’un air furieux.
La porte de la salle s’ouvre dans un grincement. Le sorcier, sa tunique traînant sur le sol s’avance dans ma direction.
— Alors, pirate, mon cachot te plait ?
D’une voix menaçante, je lui réponds :
— Lorsque je m’échapperai de cet endroit, je me vengerai et crois-moi, la colère d’un corsaire est aussi terrible qu’un ouragan en pleine mer !
Le vieillard éclate de rire :
— Tu me hais n’est-ce pas ? Et pourtant tu n’as pas encore vu tout ce que ma magie a réalisé sur toi.
— Que m’as-tu fait ?
— Regarde !
Le sorcier fait apparaître un immense miroir aux dorures représentant des démons. Il place l’objet face à moi pour que je puisse m’y mirer. Je remarque de suite mes yeux bleus qui ont désormais la sanglante couleur du rubis. J’observe, consterné, mes mains enchaînées qui sont dorénavant faites de cendres rougeoyantes !
Le miroir disparait. Je devine que le sorcier se délecte de mon désarroi. Il ricane en se frottant les paumes l’une contre l’autre.
— Tu es un membre à part entière de ma collection de créatures.
D’un signe, il désigne le corps à tête d’abeille.
— Elle, c’est une princesse qui a refusé mon amour. Elle en a payé le prix. Les autres je les ai capturés. En ce qui te concerne, te voilà vampire, mais d’un genre un peu particulier.
— C’est-à-dire ?
— Tu ne pourras t’alimenter que du sang des humains. L’ennui c’est que tu risques de mourir de déshydratation, car tes nouvelles mains ne peuvent effleurer aucune créature de quelque espèce qu’elle soit. Si tu t’y essaies, la personne brûlera et du coup tu ne pourras pas assouvir ta soif.
Le sorcier ajoute d’un ton faussement amical :
— Je me suis quand même montré généreux, car tu peux toucher les objets.
Mon regard rouge plein de haine, je grogne :
— Tu seras le premier dont je boirai le sang et si tu devais prendre feu, j’en serais plus que ravi.
Mon adversaire hausse les épaules.
— Tu penses bien que je me suis protégé de toi par un sort. Tu ne peux rien me faire. De toute façon, tu vas rester attaché ici. Tu seras une des plus belles et féroces créatures de ma collection.
Je ne peux m’empêcher de réagir à ses paroles :
— Tu es un monstre !
— Je sais. Merci pour le compliment.
Avec frustration, je regarde le sorcier quitter la pièce.
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