Ce que j’aurais dû avoir le courage de faire…

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_Vous allez trouver cela complètement stupide, et j’en conviendrais sûrement si je n’étais pas aussi décidé. Il me faudrait une ordonnance d’un mois pour des anxiolytiques, des somnifères. Enfin tout ce qui peut me faire dormir sereinement. Vous savez comme je suis une grande insomniaque. Je ne vous apprends rien.

_Vous avez du mal à dormir en ce moment ?

_Pas en ce moment mais bientôt.

_Je ne vous suis pas…

_Je vais bientôt partir en voyage. Dans 1 semaine, plus exactement. Et c’est un voyage de deux semaines. Assez long pour une angoissée comme moi. Et je sais d’avance que je ne vais pas dormir du tout. Et j’aurais vraiment besoin de toutes mes capacités mentales et cognitives pour ce voyage. Donc il me faut un peu d’avance sur le traitement et un peu de surplus pour revenir à ma vie réelle dans de bonnes conditions.

_Ah vous prévoyez vos insomnies à l’avance, c’est assez étrange. Ce sont des vacances, je ne peux que vous conseiller de ne pas prendre autre chose que votre traitement de fond. Vous serez plus détendu que maintenant, il n’y a pas de raison de vous inquiéter.

_C’est un voyage très important pour moi, ça n’a rien de véritables vacances… Pour tout vous dire… Mon fiancé est à New York et souhaiterait que je le rejoigne là-bas. Qu’on vive ensemble en gros. C’est un pas énorme pour moi. Et ça m’angoisse beaucoup. J’y vais déjà deux semaines pour voir. Et j’aimerais que ces deux semaines ne soient pas gâchées par ma maladie. Vous voyez ?

_Je suis ravie d’apprendre que vous vous laissez un peu plus la liberté de vivre. Ecoutez, je vous fais une prescription de l’hydroxyzine. C’est assez léger mais ça devrait suffire. Je ne vais pas vous assommer non plus. Vous n’en prenez qu’un le soir, si et seulement si vous voyez que vous n’arrivez pas à trouver le sommeil. On est bien d’accord ?

_Merci beaucoup ! En fait, le fait de pouvoir les emmener avec moi « au cas où » me permet de faire face déjà à mon stress beaucoup plus sereinement.

Et une colline de gravit pour toi, j’arrive Fanantenana.

Se trouver à mi-chemin entre la peur de l’inconnu et la peur de la routine n’est pas chose aisée. Et Raphaëlle faisait les frais de l’une quand Noélie faisait les frais de l’autre. Cette ambivalence, elle avait toujours su la gérer en faisant disjoncter l’une ou l’autre partie de sa personnalité. Elle était atteinte d’une fureur de vivre calme, tranquille et douce.

Elle savait que ce médicament ne serait qu’un placébo. Elle en avait déjà tant usés qu’ils ne marchaient plus. Mais l’avoir sur elle avait ce côté rassurant de se dire que si elle n’y arriverait pas, elle aurait ce coup de pouce dont elle avait besoin. Au pire des cas, elle en prendrait deux, trois, quatre.

Elle repensa à tout cela. Rien ne la prédestinait à se retrouver dans une telle situation. Elle avait toujours évité de faire des vagues, s’était toujours tenue loin de toutes relations sentimentales car elle en connaissait déjà si bien les dangers. Et voilà qu’elle s’apprêtait à changer sa vie entière pour un homme qu’elle n’avait jamais vu, une voix lointaine, des mots écrits à la va-vite, des songes. Mais elle sentait que Fanantenana était le genre de personne pour qui l’on ne pouvait vivre sagement. Il méritait qu’on prenne tous les risques pour lui. Deux choix s’offraient à elle : retourner dans son quotidien monotone et oublier toute cette histoire ou vivre cette vie qu’elle fantasmait tant. Passer du rêve à la réalité est épouvantable mais si délicieux lorsque tous nos espoirs se réalisent enfin.

Elle se dirigea vers l’agence de voyage se trouvant non loin de chez elle après être passée à la pharmacie. Elle réserva un billet pour Antananarivo avec une chambre d’hôtel. Elle préféra réserver un voyage tout inclus.

Je n’aurais pas à m’inquiéter pour le transfert et si jamais les choses tournent mal j’ai un endroit où dormir le temps de trouver le moyen de rentrer. Une petite dune de gravit aussi…

Encore ce besoin inextinguible de se rassurer. Elle rentra chez elle plus tôt que prévu. Miraz était déjà là. Elle fit un signe de la tête pour la saluer. Raphaëlle fit de même.

« Alors, qu’a dit le médecin ?

_Oh, euh, tout va bien. On va continuer de diminuer les AD. C’est tout.

_C’est très bien ! Je suis contente que tu diminues toutes ces drogues ce n’est vraiment pas bon.

_J’en avais terriblement besoin à un moment donné.

_Oh oui je te crois, mais tu sais ce que je pense. C’est plus délétère qu’utile.

_Tu me fais bien rire, tu irais dire à une personne atteinte de cancer de ne pas faire de chimiothérapie ?! S’exclama Raphaëlle,

_Euh….

_C’est une question rhétorique… Coupa-t-elle en retrouvant son calme, eh bien dis-toi que la dépression c’est le cancer de l’esprit. Et des fois, tu es obligé de passer par un traitement allopathique. Qu’est-ce que je peux trouver cela exaspérant de voir que la dépression est considérée comme le parent pauvre des pathologies mentales. A croire que ça ne sera jamais assez dangereux pour être pris au sérieux…

_Je ne voulais pas te vexer… Je m’inquiète pour toi. C’est tout.

_Je sais bien oui, mais ça m’énerve… J’ai l’impression d’être vu comme un problème toujours.

_C’est ton passé le problème.

_Non c’est comment je réagis à ce passé le problème.

_Tu veux en parler ?

_A quoi bon, je préférerais l’oublier. Pourtant c’est drôle. J’ai peu de souvenirs. Mais le peu que j’en ai, me torture continuellement.

_Oui donc tu veux en parler.

_Alors qu’il suffirait que je me dise, ok j’ai vécu ça, mais ça ne me définit pas. Ça m’a rendu plus forte, plus combattive. J’ai réussi à vivre ma vie malgré tout. Je le dis mais je n’en crois rien. J’ai besoin qu’un autre me le dise.

_Tu t’en sors très bien.

_Et j’aimerais tellement trouvé le moyen de me retrouver. Je dois bien être quelque part sur cette planète à attendre patiemment que je vienne me chercher.

_C’est tordu ton truc…

_Je dois t’avouer quelque chose…

_Alors attends, tu es enceinte ? Non impossible… Tu vas te marier ? Ahaha c’est presque pire en fait…. Tu vas changer de travail ? T’en peux plus de ton collègue ?

_Non rien de tout ça. Je vais partir faire une retraite en Inde la semaine prochaine.

_Quoi ? Attends, toi la fille qui a peur de tout, tu vas te rendre seule dans un des pays les plus dangereux pour les femmes ? Pour te retrouver ? Tu vas te retrouver dans de sales histoires, c’est tout ce qui va arriver… Raphaëlle, tu passes trop de temps à rêvasser et pas assez à vivre. Du coup, soit tu ne fais rien, soit tu changes tout dans ta vie. Tu penses étouffer actuellement parce que tu as l’impression que ta vie ne mène à rien. Mais ce n’est pas la vie qui t’étouffe c’est toi qui t’empêche de respirer.

_J’ai besoin de temps pour réfléchir.

_Tu voudrais pas qu’on parte ensemble au Bahamas plutôt ? On pourrait réfléchir ensemble…

_J’ai déjà pris mes billets en fait.

_Quoi ? Où est passée ma si prévisible Raphaëlle… Tu sais que dans ma vie tu étais le repère le plus solide ? Tu es la personne la plus équilibrée que je connaisse.

_Mais tu viens de dire que…

_Malgré ta maladie, tu as toujours sur rester positive, me rassurer aussi. En fait, tu as toujours eu une vie sacrément stable ! Regarde, moi, je ne fais que des petits boulots sans intérêt. J’ai un copain complètement bancal avec qui je ne me vois pas faire ma vie, je ne parle plus à ma mère… Toi, il y a des problèmes qui ne t’atteignent pas. Tu as décidé de rester seule et tu t’épargnes pas mal de soucis, tu adores tes parents. Tu vas souvent les voir et quand j’y vais avec toi, j’ai l’impression d’avoir une famille moi aussi… Ton travail a du sens. Et là tu vas partir en Inde sur un coup de tête. Je trouve ça stupide et génial à la fois. Stupide d’avoir choisi l’Inde et génial de décider d’être aussi spontanée. »

Raphaëlle considéra son amie avec tristesse. Elle ne l’avait jamais connu envieuse mais elle avait l’impression qu’elle avait un léger sentiment de jalousie. A croire que son amie malade

s’en sortait mieux qu’elle. Elle se rendait compte qu’elles ressentaient les mêmes choses l’une envers l’autre. Raphaëlle aurait adoré être aussi forte que son amie. Elle n’avait pas peur de décevoir, n’avait jamais peur de dire ce qu’elle pensait, jamais peur non plus de vivre sa vie comme elle l’entendait. Enfin, c’est bien l’impression qu’elle donnait.

Si la vie de Raphaëlle semblait d’une facilité démesurée c’est parce qu’elle s’était toujours contentée de faire ce qu’on attendait d’elle. Elle était dépressive, elle suivait un traitement. Elle était douce et bienveillante, son travail devait être à son image. C’est tout naturellement qu’elle s’est tourné vers un métier qui lui permettait d’aider les autres. Elle ne faisait jamais de mal, jamais de vagues. Se contentait de feindre une bonne humeur à toute épreuve.

Elle ne savait pas rejeter les autres, elle se retrouvait à partir à 8739 km pour quelqu’un qu’elle ne connaissait pas à cause de cela. Finalement, même ses actes les plus spontanés étaient régis par une raison supérieure qui la dépassait de beaucoup.

Elle aurait voulu, ou dû la rassurer encore une fois sans doute. Mais ce fut son premier acte de résistance que de ne penser qu’à elle :

« Sans vouloir t’offenser mais ça va sans doute te vexer, et finalement je m’en goberge totalement… Je suis là, à t’expliquer combien je souffre d’être celle que je suis et tout ce que tu trouves à dire c’est que tu préférerais que je reste cette fille que j’exècre ? Dont l’inertie te rassure ? En fait, ça te va très bien de voir que je suis malade, que je me noie dans mon travail parce que je n’ai que ça qui m’apporte un sentiment d’existence. En fait, me voir malheureusement et insatisfaite te rassure et te fait croire que ta vie n’est pas si pourrie. Tu es comme tous les autres ! Eh bien, prépare-toi à voir tout cela changer. Je ne vais pas rester ici les bras croisés à attendre patiemment que quelqu’un vienne changer ma vie. Et tu devrais en faire autant ! »

Miraz resta interdite. Elle n’était pas vraiment vexée. Elle pensait, elle aussi, que la dépression parlait pour son amie :

« C’est Noëlie….

_Comment ça ?

_C’est Noélie qui parle là, pas Raphaëlle…

_Regarde bien mes lèvres bouger, tu vois bien que c’est moi Raphaëlle qui parle. Ma dépression n’a aucun pouvoir sur ce que je décide de faire. Elle n’a que le pouvoir que je lui donne. Or, tu vois une quelconque frayeur dans mes mots, ma voix ou mes gestes ? Je refuse de parler plus longtemps avec toi. Je croyais que tu étais mon amie mais finalement tu ne vaux pas mieux que les autres. Tu sais pourquoi tu as l’impression de faire partie de la famille lorsque nous nous rendons chez mes parents ? Parce que tu as exactement les mêmes schémas de pensées infernaux. » Finit-elle en se précipitant dans sa chambre.

Elle rangea le billet d’avion dans son portefeuille afin d’être sûre de ne pas l’oublier. Elle avait déjà fait la demande de visa le jour où Fa était venue lui apporter la lettre. Elle avait l’autorisation d’entrée également dans son portefeuille. Elle n’avait plus qu’à faire sa valise et attendre le jour du départ.

C’est pour toi que je fais tout ça… Je viens d’escalader le mont-blanc pour toi…

Elle sortit sa valise verte pomme de sous son lit et elle y rangea tous les vêtements qu’elle avait pu trouver dans ses placards en sélectionnant ceux qu’elle voulait emmener. Elle prit ceux qu’elle préférait évidemment : salopette, mini-jupe, jeans… Pris plusieurs paires de chaussures aussi : bottines, baskets, escarpins (tiens j’avais des escarpins ? pensa-t-elle amusée). Une valise ne suffit plus, elle prit un bagage à main en plus. Amélie se coucha dans sa valise et la regardait tristement comme si elle ne voulait pas la voir partir.

« Je ne serais pas absente longtemps Amélie, ne t’en fais pas ! Enfin, à moins qu’il décide de me séquestrer à vie là-bas, mais je ne laisserais plus personne me faire de mal. Je te le promets. » Elle lui dit ça comme si Amélie était une partie de Noëlie et qu’elle souhaitait éviter de réveiller son alarme personnelle.

La valise une fois bouclée, Raphaëlle appela sa mère comme si de rien n’était. Elle resta au bout du fil une heure durant à discuter de choses et d’autres : de son travail, du temps qu’il faisait, de la santé de ses parents, de ses neveux qui étaient en vacances chez leurs grands-parents pour Noël. Une discussion somme toute banale mais qui donna un étrange sentiment de dernière fois à Raphaëlle. Si elle se décidait vraiment à faire ça. Plus rien ne serait pareil. Elle devrait forcément avouer à ses proches un jour ou l’autre ce qui l’avait poussé à entreprendre ce drastique revirement de vie.

Elle prit congés de sa mère et se mit à commencer une liste. Pas une liste de choses à faire non, une liste de choses à changer :

-Respecter ses sentiments et émotions ;

-Devenir adulte ;

-Chercher et accepter l’aide des autres ;

-Ne plus penser pour les autres ;

-Pardonner plus souvent et totalement ;

-Se permettre d’oublier, faire son deuil des personnes, des souvenirs et des sentiments ;

-Lier sentiments et logique, ne plus chercher à les dissocier ou à les opposer ;

-Ne laisser personne te faire du mal encore…

-Savoir ce que je veux…

-S’autoriser à se laisser approcher.

Il n’y avait rien de plus ardu que de changer tout son système de pensées. Cela signifiait revoir sa personnalité dans son ensemble. Faire le tri, enlever les aspérités que l’on remarque, celles qui nous freinent, nous dominent, nous bâillonnent, nous asphyxient, nous étourdissent mais celles qui nous immunisent, nous protègent et nous soutiennent aussi.

Il faut du courage pour enrayer ce qui nous oppresse, nous tourmente, nous réprime et nous opprime. Atténuer les chantournements du tempérament que l’on s’est échafaudé. Il faut de la témérité pour réunir tout ce dont l’on voudrait se défaire, les classer, les analyser et en faire un feu de joie autour duquel laisser danser l’éclatante vérité. C’est ce qui rend la vie plus belle, plus grande et plus intense.

C’est ainsi, donc, qu’elle avait décidé de détruire, que dis-je, d’annihiler ce qu’on avait toujours cherché à lui apprendre sur ce que devrait être sa façon d’appréhender le monde.

La réalité et la vérité ont ceci de commun avec la beauté : elles n’existent que dans le regard de celui qui pose le regard sur elles. La réalité n’est pas une suite de faits hasardeux, elle est la représentation que l’on s’en fait.

SI le cruel hasard décide de semer d’embûches votre parcours, rien ne vous oblige à lui céder et à vous laisser entraîner à la suite de la peur, la colère, la rancune et la mélancolie. Il n’y a pas plus versatile que le hasard et le destin. Il suffit de croire en eux pour qu’ils vous sourient et de les oublier un instant pour qu’ils vous le fassent payer.

En rédigeant cette liste, elle cherchait à savoir pourquoi nous nous contentions bien souvent de ne rester que les spectateurs de nos vies. Selon elle, il y avait une part de nous qui ne savait pas du tout où aller, qui ne savait pas se guider toute seule et qui avait peur de tomber un précipice à chaque pas. C’est pourquoi, le temps avançant, les sociétés se barricadaient de toujours plus de lois, de décrets, de préceptes et les individus s’embourbaient dans leurs prétextes, raisons et devoirs vains.

L’humanité a toujours cherché plus grand qu’elle pour se diriger. L’individu a dans l’ordre : une famille, une tribu, une société, un monde, un univers, un Dieu. Dieu régit les lois de l’univers qui décide du destin du monde qui façonne la société qui construit la tribu qui définit la famille qui détermine l’individu. Ainsi, ce dernier était-il une partie de sa famille, sa tribu, sa société, son monde, son univers, son Dieu. Le tout vivant en osmose plus ou moins parasitaire dans certains cas. Par conséquent, le destin paraissait une explication logique à tout. Tout était donc réalisé dans un but commun. C’est pourquoi, l’humanité a toujours eu besoin de garde-fous et d’un cadre pour se contenir.

Raphaëlle fut toujours assez croyante. Sa famille descendait d’une longue lignée de mystiques, de visionnaires et de fanatiques parfois. Elle avait ce goût prononcé pour le spirituel et croyait en une force cosmique régissant l’univers. Non pas une force impersonnelle et dénuée de sentiments, une force d’action, une force d’amour. Ce ne pouvait pas être que le hasard qui se comblait de la beauté du monde, de la nature, des êtres. Ce ne pouvait pas être qu’une série de coïncidence qui avait créé la palette des sentiments et des émotions qui nous traversaient constamment. Le plaisir, le dégoût, la joie, la tristesse, tout ceci n’avait aucun but réel, ils n’avaient aucune raison d’exister s’il on ne croyait qu’au fruit du hasard. Ils sont le fruit d’un esprit supérieur selon elle. Il n’y avait qu’un esprit empreint d’astuce et de finesse pour allier le schème au matériel, pour créer l’implexe à partir du concret et fabriquer des processus entortillés et raffinés avec simplicité.

L’univers lui-même, bien que complexe, était simple. Il était régit avec la mécanique et la précision d’une montre Suisse. Tous les rouages tournaient sans jamais se fatiguer, s’arrêter ou se dérégler. C’était on ne peut plus fascinant à s’imaginer que ce ballet cosmique majestueux.

Par ailleurs, il ne pouvait y avoir qu’un seul concepteur. Cela se voyait dans toute la création. Tout semblait observer le même schéma de fonctionnement, de l’univers à l’atome. Ainsi les planètes tournaient autour de leur étoile, ainsi les électrons tournaient autour de leur noyau. C’est un peu comme si nous vivions sur un électron qui nous transportait dans une galaxie d’atomes au gré de la gravitation.

Mais, encore une fois, nous nous égarons dans les chemins d’obscures considérations philosophiques. Reprenons donc notre histoire ou nous l’avions laissée traîner en longueur.

Pour une fois, ce fut Fanantenana qui se carapata et sa fuite avait au moins permis à Raphaëlle de se parler et de se sonder avec honnêteté.

C’est en début d’après-midi du 4 janvier qu’elle se rendit à l’aéroport. Elle avait réuni toutes ses économies pour payer le billet qui l’emmènerait voir Fanantenana. Elle avait remarqué qu’il avait lu son dernier message : Au moins, il est encore en vie… Se rassura-t-elle. Elle avait pris soin de prendre un vol direct et il fallait dire que cela représentait un sacré coup. Il lui faudrait 13h pour se rendre à Antananarivo. Son vol était à 15h35. Elle regardait le paysage défilé sous ses yeux en essayant de cacher sa frayeur.

Je vais gravir l’Everest…

Elle inspira un grand coup et se persuada que tout se passerait bien. Elle avait peur de quitter sa maison, sa meilleure amie, sa vie. Elle avait peur de faire ce voyage seule, affreusement peur de l’avion et elle devrait rester suspendu aux nuages durant une dizaine d’heures. C’était trop pour elle. Elle ne pouvait plus respirer. Miraz la regardait intriguée qu’elle puisse retenir sa respiration aussi longtemps sans défaillir :

« Tu es sûre que ça va aller ? On peut rentrer si tu veux…

_Tu n’étais pas obligée de m’accompagner, tu sais ? Dit-elle dans une inspiration difficile,

_Je sais, mais j’ai conscience que je t’ai peut-être blessé par mes paroles et je voulais me comporter comme une vraie amie. Et tu as l’air beaucoup trop perturbé par ce voyage… Des fois je me demande si tu ne fais pas exprès de te faire du mal…

_J’apprécie, mais ne t’inquiètes pas pour moi. Une fois devant l’aéroport tu me déposes et j’y vais. C’est juste l’angoisse de prendre l’avion, ça ira mieux une fois que j’aurais posé le pied à Anta… en Inde.

_D’accord… C’est un voyage important pour toi, je m’en voudrais de ne pas t’accompagner au moins jusqu’à ta porte d’embarquement. J’aimerais pouvoir te tenir la main dans l’avion mais je ne suis pas sûre qu’ils me laissent entrer sans billet…

_C’est vraiment gentil, mais ce voyage je veux l’entreprendre seule et j’aurais dû commencer par aller à l’aéroport seule. Mais, tu avais l’air de tellement y tenir…

_Et je tiens à descendre de la voiture avec toi et t’accompagner aussi. Tu as vu dans quel état tu te mets ?

_N’insiste pas Miraz.

_Mais pourquoi tu y tiens tant ?! Je ne comprends pas.

_Est-ce que tu as déjà eu l’impression que ton destin t’appelait ? Qu’il te criait de faire une chose folle que tu ne te croyais pas capable de faire ? Et que si tu ne le faisais pas, tu passerais à côté de ta vie ?

_Euh… Raphaëlle, tu as arrêté ton traitement d’un coup ou alors tu es entré dans une secte ? »

Raphaëlle ouvrit de grands yeux affolés. Son traitement… Elle l’avait complètement oublié…

« Miraz, il faut qu’on rentre !!

_Quoi ? Tu t’es enfin rendu compte que c’était un projet complètement absurde ?

_Non, mon traitement…

_Oh mon Dieu, tu l’as arrêté ?

_Non pas du tout, je l’ai oublié… Ainsi que les ordonnances, tout est sur mon bureau !

_Du coup, je te ramène à la maison ?

_Non il faut qu’on aille le chercher !

_Euh, je ne sais pas si on aura le temps.

_On doit essayer !!

_Et si jamais tu rates ton avion ? Je sens que tu ne t’en remettrais pas, même si je trouve ça toujours aussi fou…

_Tu as raison, emmène-moi là-bas. Mais essaie quelque chose pour moi je t’en supplie.

_Ok, j’essaierai de te le ramener avant que ton avion décolle. Je ne te promets rien… Je ne sais même pas pourquoi j’accepte de faire ça.

_Parce que tu sais que ce voyage risque de changer le cours de ma vie pour le meilleur.

_Et si tu te trompais, et que tout était pire après ?

_Alors, c’est que rien ne pouvait aller. On ne lutte pas contre les lois de l’univers je crois… J’accepterais.

_Tu me fais peur. Vraiment, tu me fais peur…

_Merci d’accepter ma folie Miraz. Tu es une vraie amie.

_C’est à ça que servent les amies. Enfin, une bonne amie, t’aurais ramené de force à la maison je crois.

_Et ma meilleure amie m’accompagne chercher des réponses sans me juger même si cela implique de grands risques.

_C’est quelle secte au juste ? S’ils parlent de suicide collectif tu dis non. J’ai encore besoin de ma meilleure amie…

_Haha, je ne suis pas tombé dans les griffes d’une secte. Ecoute, je dois t’avouer quelque chose…

_Je t’écoute. »

Un long silence suivit ses paroles. Raphaëlle ne savait pas vraiment si elle devait tout avouer à sa meilleure amie. Elle avait déjà accepté tant de folie. Une de plus ferait peut-être débordée l’océan de sa raison qu’elle contenait par amour pour elle. Elle se ravisa :

« Je t’aime Miraz.

_Oh moi aussi je t’aime Raphaëlle. Tu n’es pas partie que j’ai déjà hâte que tu rentres. Tu es comme une sœur pour moi !

_Toi aussi. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi !

_Tu n’irais pas en Inde.

_J’y serais allé en bus ! Ou en taxi !

_Tu as tellement peur de ce voyage que tu ne serais même pas sorti de ta chambre toute seule.

_Haha, c’est sans doute vrai.

_Tu ne changeras jamais.

_Comme dit la grande poétesse Céline Dion : « On ne change pas, on met juste les costumes d’autres sur soi ».

_Arrête tes bêtises.

_N’empêche, ça voudrait dire qu’on est tous des comédiens dans le fond.

_Tu veux vraiment débattre sur du Céline Dion ?

_Donc en fait, rien dans ce monde n’est vrai. Si tout le monde fait semblant. On ne vit que dans le qu’on se construit.

_Apparemment oui…

_On a le monde qu’on mérite finalement.

_Alors, on mérite le réchauffement climatique ? Les guerres ? Les maladies ?

_Qui a provoqué tout ça ?

_Euh pour les deux premiers je dirais les hommes certes mais le dernier….

_Savais-tu que la modification rapide de l’environnement avait entraîné la plupart des grandes épidémies ?

_Partir de Céline Dion pour arriver à ça, je te reconnais bien. Tu vois, toi tu n’as pas de masque. Tu te contentes d’être la même avec tout le monde. Et c’est ce qui te rend vraiment attachante.

_Mais peut-être que c’est le seul masque que j’ai en stock. Et c’est plus facile de duper les gens avec un seul et même mensonge.

_Qui est la vraie Raphaëlle alors ?

_Tu vois Noélie ? C’est elle la vraie. Moi je ne suis que l’expression biaisée d’elle.

_Tu veux dire que ta dépression, c’est toi ? Mais tu dis toujours que tu ne veux pas être définit par elle.

_Elle ne me définit pas, JE suis la définition de la dépression !

_Tu joues sur les mots là.

_Non c’est vrai, mais c’est plus facile de se dire qu’on est incompréhensible et bizarre à cause d’une maladie et pas juste parce que c’est notre état naturel.

_Tu n’es pas bizarre !

_Je n’ai pas le droit d’être étrange ?

_Personne n’est vraiment bizarre. On a tous notre vision du monde, notre façon de réagir qui nous est propre.

_Pourtant dans le fond on est tous pareil. C’est ce qui est drôle. Etre à la fois identique et différent, voilà encore un paradoxe qui pourrait alimenter longtemps nos habituelles veillées philosophiques.

_Enfin, tes veillées de monologues philosophiques. Je t’avouerais que je t’écoute toujours avec un peu d’admiration mais que je ne comprends jamais tout de ce que tu dis.

_Tu es la terre-à-terre et moi la rêveuse, haha.

_On est…

_Complémentaires. » Coupa Raphaëlle.

Elle se sentit ragaillardie par cette discussion et en avait presque oublié son voyage. Quand les souvenirs de ce qu’elle s’apprêtait à faire revinrent. Elle fut submergée par une grande angoisse et mit sa tête entre ses genoux en haletant.

« Raphaëlle, c’est toi que je vais ramener pas tes médicaments…

_Tout va bien… Gémit celle-ci,

_Mais on dirait que ton corps refuse d’y aller !

_Il veut y aller, c’est Noélie qui me joue de sale tour ! Elle essaie de me faire croire que ma raison me dicte d’arrêter tout ça. Mais cette fois-ci je ne l’écouterais pas.

_Pour une fois, mais ça tu le sais, je suis d’accord avec elle. Pourtant je ne peux pas la piffrer celle-là !

_Elle ne peut pas te sentir non plus.

_Charmant, tu viens de me dire que toi et elle, vous êtes la même personne.

_Non, mais elle ne peut voir personne en peinture, même pas elle. Mais Raphaëlle est plus forte qu’elle.

_Tu divagues complètement là. Sois tu reprends tes esprits, soit on rentre. On approche de l’aéroport. »

Raphaëlle releva la tête, elle avait la nausée. Elle regardait les avions décoller. Bientôt, elle serait dans l’un d’eux. Elle n’osa songer au voyage qui l’attendait. Elle avait une furieuse envie de faire demi-tour, de retrouver le confort de sa petite vie prévisible, de céder à Noélie.

_Non, je ne lâcherais pas cette fois, tu es prévenue Noélie. Tu peux me faire tout ce que tu veux. Tu peux me faire peur, tu peux me mettre en colère, me mettre à terre. Je ne céderais pas.

_Tu vas tout perdre si tu y vas. Qui te dit qu’il t’attend vraiment ? Qui te dit qu’il n’est pas fou ? Qui te dit qu’il ne cherche pas à te tuer ? À se servir de toi ? Et Miraz, quand elle se rendra compte que tu lui as menti, comment elle réagira ? Si tu reviens, tu es sûre de la retrouver ? Tes parents, que vont-ils penser de tout ça ? Que tu es folle… Comme d’habitude.

_Sur un malentendu, ça pourrait bien finir, tu sais ?

_Ah parlons de ça, c’est encore plus amusant ! Si jamais, tu l’aimes à en mourir, qu’il te comble de son amour aussi. Tu vas rester ? Quelle vie crois-tu que tu auras dans ce pays ?

_Je peux le ramener ici.

_Oh oui encore mieux… Utilisons ce que tu sais pour te faire comprendre ton erreur Raphaëlle. Tu vas le ramener comment ? Dans ta valise déjà trop pleine ? Non, il va falloir faire une demande de visa… Pour regroupement familial puisque c’est ce que tu lui as proposé. L’épouser, tu es terrifiée déjà par cette idée, je le sais. Et tu sais ce qui est encore plus terrifiant ? C’est que tout est fait pour dresser des barrières entre les hommes dans ce monde. On a le monde qu’on mérite. Tu as érigé des murs autour de toi et ne crois pas que ce voyage les fera tous tomber.

_Je les gravirais, je suis forte.

_Tu te crois forte ? Qui a peur de mourir à s’en refuser de vivre ? Qui a peur de sortir de sa zone de confort ?

_C’est toi Noélie. Pas moi.

_Tu te mens à toi-même, je suis toi.

_Qui va prendre l’avion ? Moi. Qui essaie de se persuader que ce n’est pas possible ? Toi Noélie…

_Et si finalement, il ne t’aimait pas ? Tu crois qu’il va te trouver à son goût ? Il n’a vu que quelques photos bien arrangées de toi. Tu es loin d’être belle Raphaëlle. Quel genre d’homme voudrait de toi ? A part ton ex qui…

_Ne parle pas de lui !

_Quoi ? Pourquoi ? Je te fais peur ? Oh, tes souvenirs te font peur ? Comment veux-tu affronter ton avenir quand ton passé t’empêche d’avancer. Tu ne peux même pas te projeter physiquement dans le futur. Arrête de rêver Raphaëlle.

_Pourquoi tu cherches à me faire du mal continuellement ?

_Pourquoi Tu te fais du mal.

_Pourquoi tu te sers de moi pour faire du mal aux gens que j’aime ? Pourquoi tu m’empêches d’aimer ? Pourquoi tu m’empêche d’être moi-même ? Pourquoi tu ne me laisses pas tranquille ? Pourquoi tu ne disparais pas ?!

Elle avait pensé ça avec tant de véhémence que Miraz avait cru l’entendre bougonner :

« Tu as dit quelque chose ?

_Non, enfin, rien d’important. J’essaie de me rassurer.

_Tu es encore plus blanche que lorsque tu t’es rendu compte que tu n’avais pas ton traitement…

_Tout va bien.

_Bon on est arrivé.

_Merci pour tout Miraz. A dans deux semaines.

_Quoi ? Et ton traitement ?! ».

Raphaëlle descendit de la voiture, passa la tête par la portière fit un clin d’œil à Miraz :

« Je vais affronter mon destin, j’ai de vieux démons à terrasser aussi.

_Je ne comprends vraiment jamais rien de ce que tu racontes… J’essaie de te les ramener quand même. Parce que loin, angoissée et à la merci de Noélie…

_C’est elle qui va tomber pas moi, moi je vais gravir l’Everest !

_Je croyais que t’allais en Inde !

_Oui en Inde, au Tibet, à Antananarivo. Peu importe l’endroit tant que je peux me retrouver seule avec elle et lui faire sa fête.

_Je vais faire semblant de comprendre et de ne pas m’inquiéter parce que je ne t’ai jamais vu aussi décidée qu’aujourd’hui. J’essaie de revenir à temps. »

Raphaëlle sortit ses valises et entra dans le hall de l’aéroport. Elle alla directement faire enregistrer ses bagages. L’oubli de ses médicaments était une aubaine pour elle. Miraz ne risquait pas de la suivre jusqu’à l’embarquement et comprendre qu’elle ne se rendait pas en Inde. Elle alla directement à la porte d’embarquement. Si jamais Miraz revenait à temps, elle ne pourrait pas venir jusqu’ici sans billet.

Miraz, quant à elle, conduisait à vive allure. Elle avait toujours veillé sur Raphaëlle et l’avait vu tant de fois plus bas que terre à cause de sa maladie. Elle avait vraiment peur qu’il ne lui arrive quelque chose. Elle arriva devant leur maison. Un homme semblait attendre sur le trottoir. Elle se gara et se précipita dans la maison sans lui adresser un seul regard. Elle monta les marches quatre à quatre, prit les médicaments, les ordonnances et les fourra au fond de son sac. Elle réfléchit deux secondes pour voir si elle n’avait rien oublié d’autres quand on sonna.

Elle descendit, ouvrit et commença, agacée, à dire qu’elle n’avait pas le temps. Elle sortit, referma la porte à clé et se dirigea vers la voiture :

« Noélie n’est pas là ? ». Lui dit une voix d’homme qu’elle avait déjà entendue.

« Qui êtes-vous ? demanda-t-elle en se retournant.

_Je suis un très vieil ami. »

Miraz le considéra avec sévérité. C’était un homme plutôt grand et svelte, les cheveux grisonnants. Il portait des lunettes de vue et avait un regard qui oscillait entre ce qui ressemblait à de la douceur et de la haine. C’était une bien étrange impression que laissait son regard quand on le croisait. Il avait l’air d’avoir pratiquement cinquante ans. Le fait qu’il connaisse Noélie voulait dire qu’il connaissait très bien Raphaëlle car elle ne parlait jamais franchement d’elle à qui que ce soit.

« Un vieil ami… Oui j’avais remarqué en effet. Je n’ai pas trop le temps…

_Je vais faire comme si je n’avais pas entendu… Ecoutez, je cherche Raphaëlle. Elle est là ?

_Non elle n’est pas là.

_Je peux peut-être repasser plus tard. Elle est au travail ?

_Non, elle n’est pas là-bas non plus… Miraz sentait qu’il ne fallait pas trop en dire, cet homme ne lui inspirait pas confiance.

_J’essaierai quand même de passer au cas où. Elle est toujours dans la même association ? »

Pourquoi me demander où elle travaille s’il le sait déjà ? se demanda-t-elle. Soudain, elle percuta. C’était donc LUI. Tout ce que cherchais Raphaëlle à fuir était devant elle… Elle écarquilla ses yeux quand elle comprit. L’homme la regarda, interloqué. Elle se retourna et en rentra dans sa voiture lui asséna :

« Ce n’est pas la peine de revenir Robin ! »

Il fronça les sourcils et la regarda partir. Ainsi, elle l’avait démasqué. Il n’avait plus rien à perdre.

A l’aéroport, Raphaëlle avait pris de quoi manger et dégustait un sandwich insipide en attendant de partir. Il était 13h30. Son angoisse ne la quittait pas mais elle avait décidé de faire comme s’il n’en était rien. Elle se refusait à continuer son monologue interne mais Noélie ne la lâchait pas.

Elle croyait l’entendre dans les cris du personnel de l’aéroport, dans le bruit d’un verre qui se brisait au sol, dans les cris et pleurs d’enfants fatigués par leur voyage. Elle la sentait partout et ne la voyait nulle-part. C’est ce qui est difficile avec la dépression : elle est partout où l’on va mais elle reste impalpable. Elle est fuyante et rapide. Jamais, il n’est possible de l’atteindre. Elle sait très justement créer la distance.

Son téléphone se mit à sonner. Elle le regarda sonner une fois, deux fois, trois fois mais ne décrocha pas. Miraz, au bout du fil laissait des messages inquiets. Elle cherchait des yeux où se trouvait la porte d’embarquement pour Mumbai mais ne trouva pas de vol avant 19h. Elle regarda les autres destinations : Moscou, New York, Séoul, Antananarivo. Rien ne correspondait. Dans un éclair de lucidité elle se rappela les paroles de Raphaëlle : « En Inde, au Tibet, à Antananarivo. Peu importe l’endroit tant que je peux me retrouver seule avec elle et lui faire sa fête. ».

« Elle va à Antananarivo… Chuchota-t-elle, ELLE VA A MADAGASCAR ! Cria-t-elle, mais pourquoi ne pas me l’avoir dit ? Elle va faire quoi là-bas ?! Il faut que je lui amène son traitement oh la la ».

Elle parlait tout haut sans voir qu’on l’écoutait. Elle se dirigea en courant à la porte d’embarquement correspondante mais un homme la bouscula. Le contenu de son sac se déversa sur le sol. Elle ramassa ce qu’elle pouvait. Couru encore. Arrivée devant elle tenta de parlementer avec les employés pour rentrer :

« Vous ne pouvez pas entrer là sans billet Madame.

_Mais vous ne comprenez pas ! Je dois donner son traitement à une amie, elle en a besoin, je ne vais pas embarquer. S’il vous plaît laissez-moi passer ! Elle ne peut pas vivre sans ça.

_je suis désolée Madame.

_Faites-la appeler alors ou amenez-lui. Mais faites quelque chose ! »

Raphaëlle dégustait à présent du chocolat avec délice quand elle entendit une annonce assez particulière : « Madame Raphaëlle Joly est attendue à l’entrée des embarquements, Madame Raphaëlle Joly. »

Tout le monde se regardait pour voir qui était désigné. Raphaëlle rangea sa barre chocolatée et se dirigea vers l’entrée. Elle aperçut Miraz très angoissée qui lui faisait de grands signes. Il était 14h30. Elle courut vers elle :

« Tu as eu le temps de revenir et de me retrouver ?

_Voici ton traitement Raphaëlle et tes ordonnances. Je te demanderais bien pourquoi tu vas à Antananarivo… Mais j’attendrais ton retour pour avoir des explications. Fais juste attention à toi…

_Tout ira bien.»

Miraz la quitta et se dirigea vers le parking. Raphaëlle resta quelques instants à la regarder s’éloigner. Elle sentit que des yeux ne la quittaient pas. Elle tourna la tête et vit son sourire narquois, son regard pervers et crut tomber à la renverse. Elle se ressaisit et lui jeta un regard glacial. Il sembla pouffer de rire un instant et lui fit signe qu’il l’attendrait puis s’en alla dans la même direction que MIraz. Raphaëlle, affolée, essaya d’appeler Miraz qui ne décrocha pas. Elle rappela une deuxième fois :

« Ah, Noélie, tu es toujours prête à aider tes amies… Lui dit une voix qu’elle aurait voulu oublier.

_Robin… Où est Miraz ? Pourquoi c’est toi qui répond ?

_Oh ne t’inquiètes pas, elle va très bien pour l’instant. Je lui ai subtilisé son téléphone tout à l’heure. J’ai failli prendre ton traitement car te voir sombrer doucement dans la folie serait un juste retour des choses mais quand son sac est tombé c’est la première chose sur laquelle elle s’est jetée… Je n’ai eu le temps que de prendre son portable et c’était une bonne idée tout compte fait.

_Tu n’as pas intérêt à lui faire du mal…

_Tu vas faire quoi sinon ? Venir m’affronter ?

_Je te hais.

_Je le sais, moi je t’ai aimé Raphaëlle et je t’aime encore… Pourquoi cherches-tu à me fuir ? A m’oublier ? On a vécu de bons moments toi et moi !

_Comment sais-tu qu’on était ici ? Tu nous as suivi, espère de malade ?

_Je sais tout de toi Raphaëlle, ta maison rue des Dragons à Chelles, ta chère petite Miraz et son abruti de copain Gaëtan. Ton travail à l’association. Ta petite protégée, Fara qui est très jolie je dois dire. Peut-être que je me mettrais avec elle le temps que tu reviennes à la raison.

_Ne touche pas à un cheveu de Fa… Elle stoppa net, Fanantenana…

_Quoi ?

_Fanantenana… C’est pour ça que je n’ai pas eu de photo… J’ai failli… Tu es un monstre.

_De quoi parles-tu ? »

_Echec et mat…

_Non, c’est impossible… C’est beaucoup trop fou…

_Ce n’est pas faute de t’avoir prévenue…

« Raphaëlle ? Tu ne dis plus rien… Comme d’habitude » Grommela Robin.

_ça ne peut pas être lui, ils n’ont pas la même voix.

_Il débarque de nulle-part. Il a 36 ans. Il insiste pour être ton ami. Ça ne te rappelle rien ?

_Non, Fanantenana n’a rien à voir avec lui… Et Fara ne me ferait pas ça…

_La Fa que tu as vu n’étais pas Fara. Pourquoi crois-tu qu’elle n’est pas venue elle-même t’apporter la lettre de Fanentenana ?

_Ils ont monté un plan tous les trois je te l’accorde. Je suis en train de tomber dedans, oui et dans la joie et la bonne humeur ! Mais ce n’est pas possible que Robin soit impliqué. C’est deux histoires parallèles.

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