Ce que je voulais te faire ressentir…

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_Les personnes qui refusent de s’avouer meurtries sont les pires, Raphaëlle.

_Tu ne m’avais pas dit que tu étais pratiquement en chaise roulante Fanantenana…

_Je n’ai pas besoin de le dire. Ça se voit contrairement à toi.

_Je crois que tu l’as très bien vu dès que tu as vu ma photo. Tu as très vite compris comment je fonctionnais. Mes cicatrices m’aident à me défendre

_A les montrer pour faire fuir ?

_Oui, que l’autre soit écœuré de ce qu’il voit.

_Pourquoi ?

_C’est plus facile de se dire que l’autre est lâche plutôt que soi…

_C’est triste de penser comme ça. »

Elle s’arrêta de parler un instant pour le regarder dans les yeux avec tendresse. Il lui sourit :

« Raphaëlle, si je pouvais me lever je te serrerais contre moi là tout de suite. Attends, j’essaie de me lever… »

Elle se jeta de tout son corps, de toute son âme sur lui. Il tomba à la renverse sur le canapé sur lequel il était assis. Elle lova sa tête contre son cou en s’allongeant sur lui.

« Oh mon amour… Susurra Fanentenana,

_Ton odeur est encore plus douce que ta voix, fit-elle en reniflant son torse.

Tout son corps le réclamait. Le désordre du désir montait de charybde en scylla à chaque fluctuation de sa respiration. Son esprit était hanté par le désir d’aller plus loin quand sa raison lui commandait d’arrêter car elle était déjà allée bien trop loin justement. Faire tomber l’autre amoureux était un gain vraiment mal acquis dans son cas.

Ô, comme son odeur était de loin la fragrance la plus exquise et son souffle sur son visage le plus doux qu’elle n’eut jamais senti. Leur cœur battait à l’unisson. Cet instant paraissait comme suspendu au bonheur.

La rencontre de leur deux corps fut spectaculaire d’amour et de passion. Tout était si parfait, le moment l’intensité. Elle oublia son corps, elle n’était que plaisir.

Ils étaient connectés comme jamais auparavant. Le sentir en elle était un tel délice. Elle laissait dodeliner ses hanches pour le sentir plus près encore. Il la berçait de je t’aime à chaque soubresaut de son corps. Leurs deux corps chauds et transpirants se mêlaient l’un à l’autre et ne formaient plus qu’un. Le désir montait, le plaisir lui succéda. Un doux plaisir qui éclata dans l’union de leur souffle et de leur voix et qui redescendit doucement comme une plume tombant sur le sol au gré du vent.

Elle se rallongea sur lui. Il serra son corps nu contre le sien. Leurs corps venaient d’exprimer tout ce qu’ils n’avaient pas pu et su se dire avant.

« Fanantenana, c’était si dur de ne pas te faire sentir tout mon amour.

_Pourquoi t’en es-tu empêché tout ce temps ?

_Il y a des choses que des mots ne suffisent pas à définir. Et mes sentiments pour toi en étaient la sublime démonstration.

_Je t’aime Raphaëlle.

_Je t’aime encore bien plus Fanantenana. »

Oui, c’est totalement mièvre, j’en conviens aussi. Peut-être pourrions-nous passer le reste en accéléré. Ils restèrent là un moment à se raconter leur vie, à se dire encore beaucoup de fois qu’ils s’aimaient, qu’un lien cosmique les avait réuni, que la providence ne suffisait pas à expliquer qu’il s’était retrouvé. Il voulut qu’elle reste toujours, elle s’en alla au petit matin, alors qu’il s’était assoupi. Elle rentra à l’hôtel en oubliant de récupérer le collier que sa mère lui avait offert, un peu à la cendrillon des temps modernes, elle l’avait fait tomber sur le perron. Il le trouva, le respira (ce qui aurait été moins glamour s’il s’agissait d’une de ses baskets), il crut sentir son odeur. Il n’avait pas compris qu’elle s’éloigne encore alors qu’il n’avait fait qu’un cette nuit, mais il décida de lui laisser encore du temps.

Il avait compris qu’elle s’était oublié pour lui, qu’elle s’était faite morte pour lui, qu’elle s’était battue pour son amour. Il avait senti combien le monde entier ne pouvait contenir à lui seul tout l’amour que recelait son cœur. Ses multitudes d’amours pour lui étaient fortes d’autant plus qu’elle n’avait jamais expérimenté tel sentiment pour qui que ce soit. Je dis amours et non pas amour car elle l’aimait de tant de façon.
Elle l’aimait comme un frère, un ami, un confident, un fabuleux destin, une fantasmagorique histoire, un périple excitant, l’homme de sa vie et surtout plus que sa propre âme. Plus qu’il n’eut été raisonnable d’aimer.

Lui, l’avait sauvé de son passé, sauvé de ses peurs, sauvé de l’étouffement lancinant de sa vie, sauver de Noélie… Sans qu’il ne s’en rende compte.

Il représentait tant pour elle qu’il n’y avait pas assez de jours dans sa vie pour lui exprimer sa gratitude. Il était son monde, son univers et toutes les déclinaisons de ses univers imaginaires qu’elle s’était construite depuis toujours. Il avait réunifié son cœur et son esprit. Auprès de lui, elle ne dissociait plus logique et sentiments puisqu’elle trouvait logique de l’aimer.

Il la contacta depuis son habituel cybercafé. Il se contenta d’envoyer une photo de son médaillon. Quand elle le vit, elle hésita réellement à aller le chercher. Elle se trouvait bête de s’être enfui comme cela avant que l’aube n’arrive et qu’elle n’éclaire de ses cruels rayons sa couardise. Il ne semblait toujours pas le lui reprocher. Il espérait encore. Il n’y avait qu’elle pour s’imposer des doutes, des regrets et des remords superfétatoires à ses sentiments. Elle lui écrivit de la rejoindre. Elle voulait que leur histoire continue en terrain neutre, afin de ne pas cumuler les difficultés. Même après l’avoir rencontré elle pensait encore avoir à se battre, elle refusait de baisser les armes alors qu’il avait déjà tant hissé le drapeau blanc pour elle. Elle n’en croyait rien. Elle partait toujours du principe que tout n’était que manigance pour lui faire du mal. Il n’en était rien, bien sûr. Le monde entier ne peut pas être continuellement contre vous. Cela faisait partie des délires paranoïaques de Noélie. Elle endurait, comme toujours, les circonvolutions de sa conscience qui ne savait où regarder.

Fanantenana arriva à l’hôtel. Ils ne se quittèrent plus une seconde. Elle avait l’impression de voler et de tomber dans un piège à la fois. Mais, une force invisible en elle refusait d’arrêter. C’était un piège qu’elle s’était tissé elle-même, elle s’était vu s’abandonner à lui doucement d’abord, complètement ensuite.

Fanantenana l’emmena ensuite rencontré sa famille. Son oncle et sa tante d’abord. Il la présentait comme la femme de sa vie. Celle qu’il attendait depuis toujours. Raphaëlle adorait cela. Elle disait tenir tant à lui et ne plus pouvoir vivre sans lui. Souvent, il lui demandait :

«Tu sais, tu pourrais rester quelques mois ici… Juin, c’est le mois de notre indépendance mais des mariages aussi. Il y a tant de belles choses à fêter durant ce mois… Ary maninona raha mivady isik ? ». Toujours, elle répondait qu’elle ne voulait pas l’épouser. Qu’elle ne voulait pas d’un cadre pour l’aimer. Qu’elle ne voulait que laisser déborder le flot de son affection et celui de ses désirs pour lui. Il n’a pas su voir là, sa stratégie pour s’aménager une porte de secours. Il ne voulait rien d’autres d’elle que l’aimer. Il l’a crue. Ils étaient heureux ainsi. Ils ne s’imposaient aucune règle, aucune contrainte et c’est ce qui était beau. Tout semblait facile, logique et coulait de source. Ils avaient l’impression de s’être toujours connus, d’avoir traversé tant d’océans d’adversité ensemble, parcouru les terres arides du malheur à deux dans tant de vies différentes que le destin ne pourrait jamais les séparer.

Le destin ne pouvait être plus fort que l’amour. L’amour était la force qui l’avait créé. Rien ne pouvait échapper à son inéluctable courant. Il emportait tout sur son passage, ne laissait rien au hasard. Il savait séduire, persuader, inspirer, tromper, entraîner et capturer. Il gouvernait en maître partout où il allait et c’est ce qui rendait son appel irrésistible. Tout semblait logique lorsqu’on en était la proie. Le chemin semblait tout tracé, il n’y avait qu’à le suivre.

Raphaëlle admirait Fanantenana en ce qu’il avait réussi en quelques mots seulement à lui faire ressentir tout cela. Elle pouvait passer des heures entières à l’écouter parler de lui, de sa vie, de son île :

« Comment est la vie à Madagascar ?

_Assez difficile, mais on s’entraide. Nous avons eu pas mal de catastrophes, comme une invasion de criquet il y a 5 ans. On a bien failli perdre toutes nos récoltes… C’était assez impressionnant à voir… Il y a beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas ici. Un peu comme partout je crois… » Il disait cela lorsque le courant se coupa. Ils se retrouvèrent dans le noir le plus complet. Raphaëlle tressaillit. Il poursuivit :

« Rien que l’électricité, ici, ne marche pas comme il faudrait… Alors, imagine le reste. C’est comme ça tous les jours. Vers dix-sept-dix-huit heures tout s’éteint pendant au moins une heure. Tu imagines ce que ça fait de rester une heure durant, tous les jours, sans rien voir ?

_J’étais aveugle pendant vingt-huit ans avant de faire ta connaissance, tu as éclairé ma vie. Je vois très bien ce que tu veux dire.

_Plus rien n’a d’importance maintenant que tu es enfin dans ma vie. »

Ils ne se répondaient même plus. Ils ne faisaient que s’avouer combien ils s’aimaient constamment. C’est trop beau et niais pour être vrai, me direz-vous sûrement ? Attendez un de lire la suite de l’histoire !

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