3. Sacha

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 Quelle caricature, ce type ! Il arrive, il se plante devant moi, et au bout de cinq minutes il me fait des leçons de morale ! Monsieur a des principes, Monsieur défend les opprimés, Monsieur est du côté du bien. Monsieur se prend pour qui ? Avec son look de bobo, petite chemise cintrée, choisie avec soin pour mouler ses bras, pantalon qui tombe pile comme il faut et paire de baskets blanches pour se la jouer cool, il ne doit pas en croiser tous les jours, des ouvriers du bâtiment. Ce n’est sûrement pas le milieu qu’il a l’habitude de côtoyer. Oui, je sais, papa, moi non plus. Mais au moins j’ai la décence de ne pas me prétendre proche d’eux. Tandis que lui, il la ramène, avec ses belles phrases, mais il ne supporterait pas de passer trois minutes avec ceux qu’il dit défendre. Décidément, il n’y a rien de pire que ces intellos gauchistes. Ça se prétend pur, détenteur de la vérité absolue, et ça tape sur tous ceux qui ont l’outrecuidance de voir les choses d’une autre manière. À les entendre, soit on est d’accord sur tout avec eux, soit on est des fascistes.

 J’aurais bien aimé lui dire mes quatre vérités, à Beaux Bras. Mais en plus, il faut que je le ménage, parce qu’en fait si, il y a pire qu’un intello gauchiste : un intello gauchiste journaliste. Il serait capable de me transformer en monstre dans son article, juste parce que j’incarne ceux qui ont réussi. Mais qu’est-ce qu’il croit ? Que je suis arrivée là où j’en suis par hasard ? Que je suis née avec une cuillère en argent dans la bouche et un poste de dirigeante posé dans mon assiette ? Ou pire, que je suis là grâce à mon cul ? Qu’il ne s’est pas privé de reluquer, d’ailleurs. Parce que mon lapin, tu as beau te draper dans tes principes, tu n’en restes pas moins un mâle dans toute sa splendeur. Tu penses faire ce qu’il faut pour donner le change, mais avec moi ça ne marche pas, je les ai vus, tes regards en coin. Aussi discrets qu’un éléphant sur une patinoire.

 Que tu le veuilles ou non, la méritocratie, ça existe. Attends, je n’ai pas dit qu’elle fonctionnait parfaitement, je ne suis pas complètement déconnectée des réalités du monde, j’ai bien conscience que j’ai eu des conditions de vie qui m’ont permis de faire de bonnes études, je t’accorde ce point, Beaux Bras. Mais j’ai travaillé dur, comme toi pour devenir journaliste, je suppose. Non ?

 Dis, cocotte, tu te rends compte que tu es en train de bavarder avec lui dans ta tête ? Tu n’as pas mieux à faire ? Il t’a marquée tant que ça ?

 Mais non, papa, je suis juste énervée, qu’est-ce que tu vas chercher ? Je me remets au boulot, regarde.

 — Émilie ?

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