Ce soir, c'est mon dernier soir et je le sais.

Il y a quelques mois de ça, une visite de routine se fait chez un médecin. La consultation se passe bien, rien d'anormal n'est déclaré.

Puis un jour, un appel est passé, on m'annonce des cellules cancéreuses présentes un peu ici et là, dans mon corps. Rien d'alarmant, tant que rien n'est prouvé.

Les semaines passent, l'examen final arrive et le stress monte de plus en plus. L'attente est longue, que dis-je insoutenable.

Voici les résultats, arrivant par courrier. Après l'enveloppe, c'est mon corps entier que je sens se déchirer. Je suis malade, c'est acté.

Tout s'enchaîne. Je vois des gens, beaucoup de gens, plus ou moins conciliants. On me dit que ça se guérit, on me parle des progrès de la médecine d'aujourd'hui.

Les mois passent et les différents traitements s'entassent dans mon corps, qui s'affaiblit de jour en jour. Quand tout cela va-t-il fonctionner ?

Petit à petit, mes amis s'éloignent, ma famille est de moins en moins présente. Allez savoir ce que les gens ressentent quand ils vous pensent déjà condamné.

Je subis des rendez-vous à répétition, des opérations et des réanimations. Mes cheveux sont tombés, ma peau n'est plus bronzée et je suis à bout de force, totalement épuisée.

Horrifiée, terrifiée, je n'en peux plus de voir mon corps changer. Il est amaigri, mes joues se creusent et mon cœur se vide. Je n'arrive même plus à pleurer.

On m'annonce une nouvelle fois qu'il faut arrêter, ce traitement-là n'agit pas et les cellules se développent de plus en plus. Allons bon, ai-je d'autres choix ?

Ce nouveau médicament me fait trembler, mes jambes ne tiennent plus et mes yeux peinent à s'ouvrir. Je sens petit à petit qu'il prend de la place, qu'il lui faut de la place, ce traitement-là est immensément plus puissant.

Le résultat est bientôt là, c'est ce que l'on me dit. Encore quelques mois, rien que deux ou trois et tout cela sera derrière moi.

Toute ma famille est là, je ne comprends pas. Aujourd'hui, est-il un jour particulier ? J'ai perdu le fil des mois et des saisons, on se perd si vite quand on vit hors de sa maison.

Elle s'approche de moi et je m'effondre dans ses bras. Ma mère est là, rien que moi et peut être pour la dernière fois.

La même semaine, on me tend des papiers à remplir. Si toutefois, tout ça ne fonctionnait pas, il faut écrire la suite. Où, pourquoi, à qui... Ces horreurs doivent être inscrites de ma main, mais savoir à qui je peux léguer mes biens, je m'en moque bien.

Je veux juste vivre, retourner chez moi, me blottir contre mes chats. Une vie simple que j'avais, avec ses remords et ses regrets certes, mais c'était une vie, ma vie.

Ils ont bien fait de venir me faire écrire, je n'en suis aujourd'hui plus capable. Je perds l'usage de mes doigts, de mes mains, je ne peux plus les serrer pour attraper quoi que ce soit.

Mes jambes sont définitivement inutiles, je me déplace uniquement en fauteuil roulant. Mes bras sont devenus trop faibles, et ma voix s'efface autant que les mots que je ne trouve plus.

Tout se dégrade, ils ne me donnent plus rien, ni médicament, ni nourriture, ni eau. Je reste constamment branchée, allongée sur ce lit en attendant, qui sait "peut être"... l'éternité.

Certaines personnes viennent me voir. Mes parents, mon frère et ma sœur. Ils me regardent, me parlent, mais je n'entends pas ce qu'ils disent. Mes yeux restent clos, mais je reconnais leur odeur.

Je sens de moins en moins de présence. Est ce que ça y est, est-ce qu'ils m'ont oubliée ? Peut-être qu'ils se sont lassés de me voir livide.

J'espère qu'ils vont respecter mes mots, ceux qui disent de lancer mes cendres au bord de la jetée. Je souhaite qu'ils n'oublient rien et qu'ils mettent cette chanson, celle qui va m'aider à m'envoler.

Ce soir, c'était mon dernier soir et je le sais.

*****

Le cancer ne prévient pas, il a d'ailleurs toujours été là. Il est en vous, en nous, en moi.

Alors si mon sort doit en être ainsi et même si la vie ne m'a pas toujours souri, je n'aurai de regret que tout s'arrête par la maladie.