[Scénette] - Pâle copie
Scène 1
(La scène s’allume au centre. Un jeune homme entre en scène. Il porte une veste de cuir sombre, des bottines courtes et un jean troué. Il a un tatouage d’araignée sur la joue gauche. Il fume un pétard, l’air de rien, lance quelques insultes aux voitures au loin. Une plus jeune fille débarque : veste de cuir sombre, bottines courtes, jean troué et tatouage d’araignée sur la joue droite. Le jeune homme la regarde mal.)
Henri : T’étais obligée, hein ? À cause de toi, papa m’a foutu la garde alternée sur les bras.
Lila : De quoi tu parles ?
Henri (agite les mains) : De quoi je parle ? De ça, là ! Ce truc qui sort de ta gueule, de tes moindres gestes, qui me donne envie de gerber et de t’enfoncer un coussin sur la tête.
Lila : C’est pas ma faute si papa t’aime pas. T’es trop rebelle.
Henri : Rebelle ? Tu te fous de moi ? C’est l’hopital qui se fout de la charité ! Tiens, un exemple : le mois dernier, je me suis mis à écouter du Sabatton (Lila fredonne « To Hell and Back » et Henri ricane) Ouais, voilà de quoi je veux parler !
Lila : Quoi ?
Henri : Ce truc, là ! (il pointe du doigt Lila)
Lila : Où ça !
Henri : Pas où, mais toi !
Lila : Oh, c’est comme quand tu avais appris le mahori ! (elle chantonne) Pahoumétoua, mawakahui…
Henri : Mais tu vas la fermer ! Je te parle de ta manie.
Lila : Qu’est-ce que mon ex a avoir affaire là-dedans ?
Henri : Putain, mais pas Tahani ! (il agite sa cigarette) Ta ma-nie, ton truc, ton toc.
Lila : (allume une cigarette) et hop !
Henri : Tu déconnes ?
Lila : Ça t’étonne ? Tu veux qu’on parle de troc ?
Henri : Putain, tu fais… (il respire calmement) Faut que t’ailles voir un doc.
Lila : Tu veux que je lui parle de quoi ? De ma dépression ?
Henri : (il a l’air soucieux et prend un ton plus doux) Écoute, je voulais pas.
Lila : Alors qu’est-ce qui va pas !
Henri : Tu fais tout comme moi, voilà !
(Il y a un silence. Des lumières s’allument ça et là. Les deux arrêtent de se regarder, entre ombre et lumière. Henri fume quelques bouffées, Lila a la tête baissée. Un train passe. Le son d’une harpe se fait entendre au loin, une mélodie lancinante et un peu maladroite)
Henri : Depuis que maman est…, c’est toujours la même chose : moi, j’essaye de tenir. Toi, tu fais comme si t’avais aucune personnalité. Puis papa m’accuse de mal t’influencer.
Lila : Donc c’est ma faute ?
Henri : Dis pas ça…
Lila : Quoi, parce que je m’intéresse à ce que fait mon frère, parce que j’essaye de me rapprocher de lui, parce que papa et sœurette n’en a rien à carrer de ce que je ressens ?
Henri : Non…
Lila : Alors quoi ? T’as peur d’être pas assez différent ? Depuis que t’es tout petit, tu fais jamais les choses comme les autres. Tu as toujours cherché à être comme ça parce que t’avais peur d’être juste le cadet qui n’est ni le responsable, ni le chouchou. Juste parce qu’Ophélie est entrée à l’université et toi non, et ça te fout en rogne, alors tu fais le rebelle, tu fous la merde et pour quoi ? Moi, au moins, j’ai une raison d’être valable, je passe juste un mauvais moment et c’est moi qui déciderait quand ça s’arrêtera. Toi, non : t’es emprisonné dans ta petite boucle débile (elle croise les bras) Peut-être que c’est toi qui me copie sans le savoir.
Henri : Attends, quoi ? (rire étranglé) Tu te rends compte de la connerie de ce que tu viens de dire ?
Lila : Je sais pas, moi. J’ai découvert Beast in Black avant toi. J’ai fait mes propres designs de collier (elle sort des gros colliers avec des dragons ; Henri sort les siens, satanistes. Il les compare) Tu vois ? Ouais, ok, je te copie et alors ? C’est pas grave d’avoir un modèle. C’est toi qui m’a appris ça.
Henri (émotif) : Je m’en souviens… Quand on était petits, je te disais que je voulais devenir comme le batteur de Blind Guardian.
(Les deux arrêtent de parler et regardent l’horizon des voitures, des trains, des rues animées. Il y a le son de la télévision de l’appartement qui ressort. Tous les sons finissent par se confondre dans un gargouillis de chasse d’eau. La scène s’éteint)
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