L'asile moche

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Je ne pouvais pas distinguer la lueur derrière ses yeux transparents. Ils étaient vides, plus que le ciel noir désormais dépourvu d'étoiles. J'en étais terrifié. Nul miroir de l'âme en ces lieux, juste deux fenêtres qui laissaient entrevoir le gris moite cérébral. Avec un peu de recul, j'aurais pu croire qu'il s'agissait d'un robot, d'un androïde avec un défaut de conception. Mais personne, machine ou homme, ne serait capable de rater un œil, ou deux. Je voulais voir ce qu'il se passerait une fois que j'aurais traversé ce regard. Jusqu'où bout, je le fixais. La peur me prit par le ventre, je m'enfuis et commençai à courir entre les rues des néons et les passants boiteux. Les gouffres des poubelles aspiraient les ordures et j'espérais qu'il en serait de même pour ce robot fantasque. Je me retournais : il était là, marchant à la vitesse de ma course, qui n'était pas plus rapide que la lente monotonie qui gangrenait la ville.

— Enlève-toi de mon champ de vision ! babillai-je en vain.

Trop tard. Le robot ou l'androïde me fixait sans vraiment le faire. L'intensité fut telle que je ne vis pas l'échafaudage qui m'envoya paître le sol. Froid, humide à cause de la pluie, le béton armé s'enlisait sous mes doigts. Je me relevais, le visage râpé, élancé de douleur. Sus à l'ennemi, alors ! Je fichais mon poing le plus furieux sur la tête du robot, qui se décrocha. Elle tomba, roula à mes pieds et horreur ! C'était ma tête, ma propre tête avec de vrais yeux. Et les miens, alors ? me disais-je en me regardant dans la glace. Mais le reflet que j'en reçus ne fut que fractales étranges, kaléidoscopes songeurs qui dévoraient petit à petit mon identité. Un, zéro. Un code binaire m’enserra et je me retrouvais à perdre la voix, l'odeur et le son. Mes membres se figèrent, mon sang cessa de couler et fut remplacé par ce fiel noir opaque et visqueux, mes nerfs se circuitèrent, ma peau devint alliage brillant et mon cerveau centrale atomique, brûlante d'informations quantiques désordonnées. Ma conscience, elle…

L'entité se pencha sur le cadavre décapité. Le sang qui coulait depuis le cou dessinait un schéma similaire au nombre d'or jusqu'à la tête, qui ouvrait la bouche avec étonnement. Le transfert était réussi, l'entité allait reprendre son travail. Avec des gestes plus précis que la mesure de la désintégration de la roche en milieu interstellaire, l'entité ramassa le corps et le balança dans une des poubelles. Ses yeux vides suivaient des lignes invisibles à tous, qui guidaient ses mains qui s'échinaient à tasser, écraser et réduire en bouillie le corps. Puis, une fois qu'il n'y eut plus aucune trace, l'entité leva sa main vers le sang. Sur sa paume s'ouvrit un trou qui dégueula un jet d'eau puissant, qui poussa le sang dans le caniveau. C'était fini.

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