[Petit texte] - Chorale
Péronelle agita son doigt devant le nez de l’enfant Patrick.
— Mais tu m’avais dis qu’on irait au parc ! geignit-il
— Eh bah non, répondit-elle.
— Mais tu m’avais promis la semaine dernière… et la semaine d’avant…
— Et toutes les autres semaines depuis ton anniversaire, oui. Et bien, tu vas encore devoir attendre !
— Mais pourquoi ?
— Parce que tu me fais chier, voilà pourquoi ! J’ai pas demandé à avoir un moutard sur les bras, alors arrête de m’emmerder.
— Si tu m’amènes pas au parc…
— Hmm ? Tu vas faire quoi ? T’es petit et tu sais rien faire d’autre que choui…
— Je vais pleureeeeer, chouina-t-il.
— Mais non, mais arrête de pleurer ! Euh… Ouais.
— Ouais quoi ?
— Ouais, on va aller au parc.
— C’est vrai ?
— J’aime pas y aller, mais je le fais pour toi hein ! P’tite tête de linotte.
— Hé, me pince pas les joues ! Hihi hihi !
— P’tit diablotin des vallées, p’tit morigéneur. T’as de la chance d’avoir une bonne bouillle. Ah ! J’ai envie de t’acheter ce T-Shirt de dinosaure dont tu m’avais parlé. Tu l’as bien mérité.
* * *
La femme aux cheveux noirs commença à rouspéter l’enfant. Ils étaient tous deux dans le métro, sur les places assises. Serrés entre les voyageurs, ils se balançaient au rythme des vibrations. L’enfant demanda quelque chose et la femme leva les yeux au ciel. Quelqu’un éternua : c’était un vieil homme à l’air fatigué qui portait des vêtements élimés par le temps et la pluie de ce matin. Il faisait froid dans l’habitacle, et quelques lumières se reflétaient sur le sol de par les petites flaques d’eau formées. Une dame avec de beaux habits fronçait du nez, assise derrière le vieux monsieur. Le métro annonça l’arrêt, les portes s’ouvrirent et des voyageurs partirent, laissant l’habitacle prendre un nouveau souffle. La femme aux cheveux noirs souriait à l’enfant et lui tirait les joues. L’enfant rit et le sourire de la femme s’accentua.
* * *
Patrick m’ennuyait déjà, avec son histoire de parcs d’attractions. Je lui répondai à la négative vu que de toute manière, j’avais plus assez sur moi pour payer des places. Et la promesse, ah ! Comme si je voulais fêter son anniversaire. Pour moi, c’était logique : moins je lui fêtais son anniversaire, moins il grandissait et moins il grandissait, plus longtemps il resterait proche de moi. Je voulais le garder. J’avais déjà perdu mon petit frère dans un accident de voiture. D’ailleurs, le ton que prit Patrick ressemblait beaucoup au sien, ça raviva des vieilles blessures et je répondis avec un peu plus de venin qu’à l’ordinaire. Mais j’y pouvais rien, moi, si j’avais été élevée dans un milieu toxique qui m’avait matrixé au point que j’en étais devenue une mégère ! Je recherchais tellement l’attention des autres que ça avait fini par devenir maladif, au point que j’avais fini par torturer des animaux juste pour m’intégrer à des groupes. Tout d’un coup, Patrick se mit à pleurer et je sentis mon instinct me pousser à le consoler. J’adorai son rire et je lui dégobillai mon amour en pleine gueule. Plein de signaux positifs après tous les négatifs, comme tout le monde avait déjà fait avec moi auparavant. Comme quoi, les vieux pots font les meilleures soupes !
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