Chapitre 3 - La secte de Beloth 

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Les deux Lunes étaient parfaitement alignées. L’air humide, portait une brume épaisse qui s’accrochait obstinément au sol. Une foule nombreuse s'était rassemblée entre les pierres crépusculaires, dispersées autour d'un monticule sacré. Au sommet, quatre imposants menhirs se dressaient en cercle autour d’un autel de pierre central, la « Pierre de la Miséricorde ». Tous les regards étaient tournés vers les huit prêtres de l'Église de Beloth, alignés en face de nous. En un seul chœur, ils psalmodiaient en Palantalais, une langue morte, réservée à notre secte.

Les prêtres, enveloppés dans leurs robes sombres rehaussées de veinures d'argent, incarnaient la solennité de ce rituel ancien. Au centre, sur la Pierre de la Miséricorde, un homme nu, Logath, était allongé. Lors du début du rituel, il s’était présenté devant nous, déclarant son souhait d’être l’Élu et d’être adoubé par Beloth. Il avait clamé qu'il reviendrait avec le Dieu pour défendre nos terres contre les faux dieux et les fléaux qui les hantent. À sa demande, les prêtres lui avaient indiqué de se dévêtir et de s'étendre sur la pierre sacrée.

Tandis que les prêtres récitaient lentement les textes sacrés de Beloth, un prêtre entreprit de tracer sur son corps les caractères mystérieux et antiques du Palantalais. Ces signes servaient à introduire Logath devant Beloth, pour que le dieu le reconnaisse comme un futur gardien de notre foi. Sa résurrection, prophétique, s’accomplira un jour en même temps que celle du Dieu mort.

Il existe neuf cérémonies sacrées pour rejoindre notre Dieu, chacune guidée par une liturgie stricte, orchestrée en neuf étapes marquantes, avec la participation de huit prêtres et d'un invité choisi. Au cœur de chaque cérémonie réside un ou plusieurs sacrifices offerts par les invités pour honorer Beloth :

Les Neuf Jours : ce rite hebdomadaire rassemble les fidèles pour partager le sang d'un ou plusieurs animaux, réaffirmant notre lien au cycle vital.

Les Équinoxes : ce rituel, tenu deux fois l'an, célèbre l'arrivée du printemps et de l'automne. On y retrace la fin et la renaissance de notre Seigneur à travers le sacrifice de deux Vierges, symboles de la fin et du commencement de chaque saison.

Les Solstices : lors des solstices d'été et d'hiver, ce rite rend hommage au froid et à la chaleur de notre Dieu. Il se manifeste par le sacrifice d'un nouveau-né et l'accouchement d'une femme, symbolisant la dualité de l'existence.

Les Labours : dans ce rite, une sangle de cuir frappe le dos d’un homme pour faire couler le « sang de la terre », une représentation de la dureté de notre vie.

Le Baptême : tous les nouveau-nés, enfants, hommes et femmes, reçoivent la bénédiction de Beloth. À chaque nouvelle lune, les derniers nés sont marqués au fer rouge sur l'épaule gauche avec le symbole sacré de notre Dieu.

Le mariage : Cette cérémonie unit un couple à notre Seigneur. Les bienheureux avancent ensemble sur des braises ardentes, chantant à la gloire de Beloth, illustrant ainsi l’avancée commune dans la vie, dans la douleur et sous la lumière divine.

La Mort : les défunts sont embaumés et disposés sur un bûcher. Pendant trois jours, la famille et les proches se rassemblent pour honorer le défunt. Au troisième jour, les moines tournent autour du corps et allument le bûcher, libérant les cendres du défunt vers les cieux.

L’Adoubement ou Cérémonie de l’Élu : celui qui se sacrifie dans cette cérémonie est adoubé pour devenir gardien de Beloth, offrant sa vie pour le servir, tel que Logath l’a choisi.

La Cérémonie noire : cette ultime cérémonie, attendue par tous, est celle qui permettra à Beloth de revenir parmi nous. Lorsqu'elle aura lieu, elle nous libérera de la faim et de la misère, nous promettant une existence comblée de joie et d’amour.

Alors que les moines terminaient la lecture sacrée et que les rayons de lune convergeaient pour illuminer la Pierre de la Miséricorde, le haut prêtre s'avança vers Logath, tenant à bout de bras une dague à lame ondulée. Levant la dague vers la lune, il entonna une prière puissante, et les autres prêtres formèrent un triangle sacré derrière lui. Le chant monta en puissance, et l'assemblée entière, oscillant de droite à gauche, se laissa emporter par la transe collective. Au grondement du tonnerre, le grand prêtre planta lentement la dague dans le cœur de Logath. Puis, nous entonnâmes le chant de l'Élévation, notre voix s'élevant, claire et puissante, vers les cieux.


À la lumière de Lis et Sienne

Au pied du monde et des lunes

Au gré des vents et des flammes

Nous prions pour ton retour.

Nous prions pour ta Résurrection.

Là où le sang se mêle à la terre.

Là où la voix se mue dans la prière

Là où le ciel se noie dans la pierre.

Nous prions pour ton retour.

Nous prions pour ta Résurrection.

Nous enfants du dernier dieu

De nos âmes en peine des cieux

Nos regards tournés vers nos aïeux

Nous prions pour ton retour.

Nous prions pour ta Résurrection.

Au Beloth, dieu des morts

Nous prions pour ton retour.

Nous prions pour ta Résurrection…


À la fin du chant, la lumière des deux Lunes, Lis et Sienne, n'éclairait plus la pierre de la miséricorde. Sur celle-ci, il n'y avait plus que du sang et une fine poussière qui s'éleva avec une bourrasque de vent. Nous entamâmes alors une marche silencieuse autour de la pierre tout en redescendant lentement le sentier vers nos villages respectifs.

Je regagnais ma famille, d'un pas lent. Le matin, je leur avais annoncé mon départ. Demain, je rejoindrai la communauté des Chasseurs d'ombres, les guerriers de Beloth. Ils ont comme mission de trouver différentes reliques. Ces dernières doivent permettre de ressusciter notre Dieu et de rétablir un monde juste pour les plus méritants. Mon père était fier de moi, ma mère a versé quelques larmes, mais un sourire s'est délicatement glissé sur ses lèvres.

Il faisait encore nuit noire quand je partais de chez moi pour rejoindre le haut bois de Grisard. Il faisait froid, nous étions sur les dernières neiges, mais le vent est encore glacial en cette saison. La lumière des Lunes, éclairait le chemin. Du haut de mes quinze ans, je n'étais pas fier. La peur au ventre, je marchais d'un pas rapide, écoutant le moindre bruit, regardant dans tous les sens pour percevoir quelques dangers.

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